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6 décembre 2013 5 06 /12 /décembre /2013 08:40

Au début des années 1970, les militants progressistes furent mobilisés par deux causes principales : la fin de la guerre du Vietnam (donc, implicitement, la défaite des États-Unis) et la campagne contre l’importation en France des oranges Outspan, en provenance d’Afrique du Sud, le pays raciste par excellence. L’Afrique du Sud jouissant d’un climat méditerranéen, ces agrumes étaient abondants et très bons.

 

La vérité étant toujours dans les mots, il faut se souvenir que outspan est l’anglicisation du mot afrikaans uitspan (uit = sortie, extérieur ; spannen = étendre). Dans l’anglais d’Afrique du Sud, to outspan, signifie dételer des chevaux ou des bœufs ou, comme substantif, l’espace de la ferme où l’on pratique cette activité. Le vocable outspan connote à la fois une idée de force et d’occupation de l’espace.

 

En 1975, la campagne s’organise au niveau international. Petit à petit, les « consommateurs » comprennent que ces fruits sont le symbole de l’exploitation des Noirs sud-africains, pendant que la France continue à vendre au pouvoir blanc de l’armement destiné à la répression contre les militants de l’ANC. En tête de la mobilisation, la Ligue des Droits de l’Homme, la Cimade (association œcuménique d’origine protestante) et le DEFAP (protestant). Ces organisations insistent fortement sur la complicité unissant le gouvernement français au régime sud-africain. Elles dénoncent les investissements « qui ne contribuent pas à l’amélioration du sort des populations », l’organisation de la population en bantoustans (« une supercherie »), l’absence d’éducation pour les enfants noirs (5% seulement accédant à l’enseignement secondaire), l’absence de droit de vote, l’impossibilité pour les Noirs d’accéder aux emplois qualifiés.

 

Une des images anti-outspan les plus efficaces fut celle de la tête d’un Noir pressée comme une orange sanguine :

 

 

 

 

 

Avant cela, les industriels n’avaient pas lésiné sur la guerre des images et des gadgets. Il y eut par exemple l’adorable petite voiture Outspan, créée dès 1962 à partir d’un châssis de mini :

 

 

 

À croquer ! Elle atteignait le 50 km/heure et les six exemplaires construits furent exhibés un peu partout en Europe.

 

Il y eut aussi cette photo très étonnante d’enfants noirs dévorant à pleines dents des oranges sous l’œil de leur mère. L’orange, en abondance, était dégustée sous le signe de la maternité et de l’enfance. Comme leur mère, les enfants souriaient de manière peu naturelle et dévoraient à pleines dents des oranges coupées en deux. Leurs manières de bons sauvages l’emportaient sur la culture policée des Blancs.

Les oranges Outspan
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commentaires

D
Merci pour cette page documentée. Le souvenir de cette campagne me tournait dans la tête depuis la mort de Mandela et me rappelait le temps où celui-ci était était, au niveau international bien ignoré.<br /> J'avais 20 ans en 75.
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G
A Nuria : vous avez raison. J'ai moi-même longuement vécu en Afrique de l'Ouest et j'ai pu observer que les Africains mangeaient les oranges ainsi. Ce qui ressort néanmoins de cette photo c'est que les Noirs sont heureux en Afrique du Sud.
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N
Cher Monsieur, <br /> <br /> j'ai vécu dans mon enfance en Rhodésie du Sud (l'actuel Zimbabwe, immédiatement au Nord de l'Afrique du Sud, qui, au cours des années 50, pratiquait un apartheid peut-être moins théorisé que l'Afrique du Sud, mais à peu près aussi efficace). <br /> <br /> J'ai le souvenir d'y avoir appris à manger les oranges exactement de cette façon - certes guère appréciée à la table de mes parents - mais que je continue à pratiquer occasionnellement , car c'est bien plus rapide et plus agréable, on apppécie vraiment le jus... <br /> Je précise que je suis bien blanche et que ce n'est pas au contact de petits Noirs, que bien sûr je ne fréquentais pas, que j'ai appris cet usage.<br /> <br /> Il s'agit donc plutôt selon moi d'une habitude locale / régionale, qui même éventuellement copiée au départ sur les Noirs, n'a PAS la connotation de SAUVAGERIE que vous croyez y discerner, connotation qui semble avoir aussi échappé aux publicitaires qui ont sélectionné la photo que vous reproduisez.<br /> <br /> Après, si la photo était effectivement à destination d'un public européen, c'est sans doute une bourde dans la campagne de publicité d'avoir sous-estimé cette dimension de &quot;sauvagerie&quot;.<br /> <br /> Voilà, c'était juste pour nuancer un peu votre propos.<br /> <br /> Au plaisir de vous lire,<br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> Nuria
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G
@Philippe. Il avait raison. les relations Saint-Chamond/Afrique du Sud avaient une portée géoplanétaire.
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P
J'ai le souvenir d'une émission télé (je n'en ai plus la référence) où Antoine Pinay disait qu'il présidait la chambre de commerce franco-sud-africaine à l'époque de l'apartheid...
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