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4 avril 2014 5 04 /04 /avril /2014 05:54

 

On lira ci-dessous un article très documenté de Jean-Claude Paye publié par Le Grand Soir.

 

L’espionnage massif de ses citoyens par les services secrets d’un pays est aujourd’hui devenu la norme. A la faveur de la « lutte contre le terrorisme », la notion de guerre s’est introduite dans le code pénal de l’ensemble des pays occidentaux.

 

La dernière loi française de programmation militaire, qui vient d’être promulguée le 19 décembre 2013 [1], s’inscrit dans cette tendance de fusion du droit pénal et du droit de la guerre. Elle illustre une évolution du droit occidental qui, tout en concentrant l’ensemble des pouvoirs aux mains de l’exécutif, place l’exception à la place de la norme et pose l’anomie comme base de reconstruction d’un nouvel ordre de droit. Cette mutation enregistre la fin d’une organisation, propre à la forme nationale de l’Etat, basée sur l’articulation de deux systèmes relativement séparés, État de droit à l’intérieur du pays et violence pure à l’extérieur.

 

Une loi militaire comme « prévention de la criminalité. »

 

La loi de programmation militaire sert habituellement à encadrer les budgets des forces militaires de l’Hexagone. Cette année, elle sort du cadre de la défense pour englober « la lutte contre le crime ». Portant diverses dispositions, concernant à la fois la défense et la sécurité nationale, elle comprend un article 20 (l’ancien article 13) qui étend les pouvoirs de surveillance des autorités administratives françaises à « la prévention de la criminalité », fusionnant ainsi droit de la guerre et droit pénal en généralisant la tendance déjà imprimée par la lutte « antiterroriste » à l’ensemble du champ pénal. En visant génériquement la «  prévention de la criminalité », ce régime s’appliquera à toutes les infractions. En soumettant les citoyens français à un régime de surveillance autrefois réservé à des agents d’une puissance étrangère, la loi ne sépare plus intérieur et extérieur de la nation et ne distingue plus infraction pénale et gestion de l’hostilité. Ce processus omniprésent n’est pas seulement identifiable à l’intérieur du pays, mais aussi au niveau des conflits internationaux. Les engagements de la France en Libye et en Syrie procèdent à une indifférenciation entre action de guerre et fonction de police. La guerre n’est plus engagée, afin de se défendre ou de procéder à une conquête, mais pour “ punir un dictateur. ”

 

Afin de procéder à cette fusion du pénal et du militaire, la loi de programmation évince le pouvoir judiciaire et concentre les pouvoirs aux mains de l’exécutif. Non seulement le troisième pouvoir est totalement contourné, mais le seul dispositif de contrôle a posteriori (Commission de contrôle des écoutes et interceptions) relevant de l’exécutif ne pourra émettre qu’une « recommandation » au premier ministre.

 

La collecte de données porte sur les numéros de téléphone, les adresses IP, ou les listes de contact de correspondants téléphoniques, ainsi que sur les données de géolocalisation en temps réel. Seulement dans ce dernier cas, l’autorisation préalable du Juge des libertés ou de la CNCIS, l’autorité de contrôle relevant du pouvoir exécutif, reste nécessaire.

 

Ainsi, l’article 20 de loi donne à l’administration le droit de collecter, en temps réel, sans recours à un juge et même sans autorisation préalable de l’organe administratif de contrôle, des informations sur les utilisateurs de réseaux de communication. Des agents individuellement désignés, relevant des ministères de la Défense, de l’Intérieur, de l’Economie et du Budget, ainsi que des « chargés de mission », peuvent désormais accéder directement aux données. La loi étend également le droit de regard à toutes informations et aux documents stockés par l’hébergeur et plus seulement aux données techniques.

 

 

De plus, les administrations vont pouvoir exiger des données pour motifs très larges, notamment ceux prévus à l’article 241-2 du code de la sécurité intérieure, c’est-à-dire concernant : « la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées ».

 

Ainsi, l’article 20, qui entrera en vigueur en janvier 2015, permet la capture en temps réel sur simple demande administrative, sur « sollicitation du réseau », des informations et documents traités dans ceux-ci et non plus seulement les données de connexion des utilisateurs . La collecte directe d’informations se fera, non seulement auprès des fournisseurs d’accès (FAI et opérateurs de télécommunication), mais aussi auprès de tous les hébergeurs et fournisseurs de services en ligne. Aucune disposition ne limite le volume des collectes. Celles-ci pourraient passer par l’installation directe de dispositifs de capture de signaux ou de données chez les opérateurs et les hébergeurs. L’inscription des termes « sollicitation du réseau » signifie que les autorités souhaitent donner un cadre juridique à une interconnexion directe. Cette loi rend également permanents des dispositifs qui n’étaient que temporaires. Si cette loi française peut être comparée aux dispositions du Patriot Act américain [2], on doit alors faire référence au Patriot Act Improvement and Reautorisation Act of 2005 [3], promulguée en 2006 et qui rend permanentes les mesures temporaires prises immédiatement après les attentats du 11 septembre 2001.

 

Lire la suite ici.

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