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2 mai 2014 5 02 /05 /mai /2014 06:24
On en vient à se demander si le goulag stalinien ne fut pas une plaisanterie comparé à certaines conditions d'incarcération aux Etats-Unis. Le Nouvel Observateur vient de publier un article glaçant qui dénonce l'inhumanité, peut-être sans égale actuellement au monde, qui sévit dans certaines prisons étasuniennes. L'étude s'est en particulier intéressée à ceux des prisonniers (plusieurs dizaines de milliers) condamnés à l'isolement, de manière totalement arbitraire et pour des périodes dont ils ne connaissent pas l'ampleur. Ceci est d'autant plus terrifiant qu'on évalue à environ 4% la proportions de détenus condamnés pour des crimes qu'ils n'ont pas commis.
Totalement coupés du monde, fous de solitude, 8 prisonniers américains parlent

 

Par Philippe Boulet-Gercourt

 

EXCLUSIF. Ils ont passé 8, 15, 25 ans à l'isolement total dans les geôles américaines. Toute la journée seuls entre quatre murs. Philippe Boulet-Gercourt a réussi à entrer en contact avec eux, à en rencontrer certains. Témoignages.

 

 

  • Des dizaines de milliers de détenus américains sont placés à l'isolement. Parfois pendant des années. Parfois sans savoir pourquoi.
  • Lire l'enquête de Philippe Boulet-Gercourt, "40 ans de solitude", sur l'enfer du "solitary confinement", dans "le Nouvel Observateur" du 1er mai. Voir le making ofde son enquête ci-dessous.
  • Philippe Boulet-Gercourt a longuement correspondu avec certains de ces prisonniers ; en a rencontré d'autres, aujourd'hui libérés. Lire leurs témoignages ci-dessous.
  • Découvrez cet article en mode plein écran en cliquant ici

 

58 ans, incarcéré à la Prison centrale de Raleigh, en Caroline du Nord. Schizophrénie, retard mental (QI = 76). Condamné en 1990 pour cambriolage. À l'isolement depuis huit ans dans la section Unit One, surnommée "Le trou".

 

Est-ce que vous croyez que vous sortirez un jour de l’isolement ?

 

- Si je n’écope d’aucun rapport disciplinaire entre août prochain et février de l’année suivante, ils m’en sortiront peut-être.

 

 

Vous pensez que vous y parviendrez ?

 

- Je crois que oui, si je n’ai pas de rapport disciplinaire [cela n’a pas été le cas, NDLR]. Mais il faut que j’arrête de taper dans la porte de la cellule ou d’appeler, et de les supplier de venir me voir et me parler. Il faut que j’arrête tout ça, c’est le seul moyen d’échapper aux sanctions. Laisser le personnel et les autres prisonniers tranquilles. Simplement rester peinard, ne rien demander à personne […].

 

Vous entendez des voix ?

 

- Quelquefois. J’essaie de comprendre ce qu’elles me disent, je n’y arrive pas bien. Ce sont des voix calmantes ou des voix en colère, qui jurent ou hurlent […]. Cela donne parfois envie de se tuer […].

 

Voyez-vous des choses que les autres ne voient pas ?

 

Je vois un serpent dans ma cellule. Je sais qu’il y a un serpent parce que j’ai vu des traînées de serpent à l’endroit où il était, sur le sol. Je jure que je les vois.

Et je finis par m’en débarrasser, lentement, je me débarrasse de ce j’avais sur la tête. La cellule : il y avait une fissure sur le côté du mur. Je regarde et je vois des toiles d’araignée. Et je me dis : "Saleté de serpent. C’est là que ce salopard se planque." J’attrape un journal et je le mets dans la fissure, et le journal se retrouve griffé, avec de gros trous. C’est là que je sais que c’est un serpent qui m’a mordu.

 

Vous vous parlez beaucoup à vous-même ?

 

- Oui, beaucoup plus depuis que je suis à l'isolement. C’est difficile de s’en empêcher quand il n’y a rien d’autre à faire […]. [Au début], je pouvais passer deux ou trois minutes à me parler à moi-même avant de me reprendre, et de m’arrêter. Mais maintenant, bon sang, je me parle à moi-même pendant quatre heures, huit heures d’affilée […].

 

J’entends des voix de prisonniers, quelqu’un qui me dit "Je vais te tuer". Ils vont te tuer. Je vais te tuer. Des trucs effrayants de ce genre. C’est à ce moment que je barricade ma porte. [Les voix] vous disent que vous êtes le diable, ou qu’elles vont vous tuer.

 

La première Super-maximum Security Prison a été celle de Marion, dans l'Illinois, confinant les détenus à l'isolement 23 heures sur 24, après l'assassinat de deux gardiens en octobre 1983. (AP Photo/The Southern, Steve Jahnke)

 

"Jerry a quitté son domicile alors qu’il était adolescent, il a eu son lot de délits mineurs – vols, vagabondage, ébriété sur la voie publique, le genre de pépins qui vont avec le fait d’être SDF sans revenu. Quand il a été condamné en 1990 [pour cambriolage], il était plus âgé, c’était bien après avoir été diagnostiqué pour schizophrénie à l’âge de 21 ans. Il a commencé à entendre des voix alors qu’il avait 17 ou 18 ans.

 

 

Une fois incarcéré, il a commencé à collectionner les condamnations pour des délits commis en prison, comme par exemple l’agression d’un gardien. Placé à l'isolement, privé de ses médicaments, il devient agité et commet des infractions, même si leur description, sur le papier, est généralement plus sérieuse qu’elles ne le sont en réalité. S’il avait blessé un gardien, il aurait reçu des peines bien plus sévères. Pour aggraver les choses, la Caroline du Nord est un Etat où, une fois accumulé un certain nombre de délits, vous êtes automatiquement considéré comme un criminel [et écopez de lourdes peines de prison].

 

Quand ils sont finalement parvenus à pénétrer dans la cellule, ils l’ont battu, mais sans que cela soit filmé par une caméra de surveillance [il s’en tirera avec plusieurs doigts fracturés. Selon une plainte en justice déposée par huit détenus, les violences des gardiens, dans des coins à l’abri des caméras de surveillance, ont entraîné de multiples fractures et condamné l’un des détenus à la chaise roulante].

 

Il est privé de visites, il ne peut recevoir que celle de son avocat. Idem pour les appels téléphoniques. Il a le droit d’avoir quelques livres. Avec ses voisins de palier, le seul moyen de communiquer est de crier.

 

Cela va être difficile de faire sortir Jerry de l’isolement carcéral. Je ne crois pas qu’ils perçoivent le problème [de sa maladie mentale], ils voient cela sous l’angle du "contrôle" – j’ai entendu ce mot répété tant de fois que je ne sais pas s’il signifie quelque chose".

 

Lire la suite de l'article ici.

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commentaires

A
bon ! d'un autre côté il faut voir le côté positif de la chose : à l'époque du chômage de masse, il s'agit d'une industrie qui a 2 avantages. Elle crée des emplois dans des contrées laminées par la désindustrialisation massive et puis elle permet de réduire les statistiques du chômage. Et puis concernant l'économie qui est logiquement le seul critère à retenir, cette industrie produit de confortables dividendes aux actionnaires. Alors tous les petits inconvénients sont accessoires.<br /> http://www.dailymotion.com/video/xzoe0q_prison-valley-lindustrie-de-la-prison_lifestyle
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