Très belle, comme toujours, photo de René Maltête (recadrée par moi pour des raisons techniques). Nous sommes en 1967. Ce sont les premières élections législatives auxquelles je me suis vraiment intéressé, même si je n'avais pas le droit de vote puisque la majorité était encore à 21 ans.
Les Gaullistes avaient inventé ce slogan tautologique un peu débile mais assez efficace. Le Canard Enchaîné l'avait détourné à qui mieux mieux : “ La majorité, c'est mou ”, “ La majorité, c'est flou ”. Effectivement, les sondages prédisaient une victoire de la droite d'extrême justesse, une possible victoire de la gauche. On imagine que De Gaulle aurait alors démissionné car il eût été inconcevable pour lui d'appeler Mitterrand à Matignon.
Sans parti pris, je peux dire que le désir de changement, mais aussi la vigueur politique était du côté de la gauche, avec un parti communiste aux alentours de 20%. L'électorat de droite était très divisé entre les Gaullistes purs et durs, les centristes atlantistes style Lecanuet, et une frange importante de nostalgiques de l'Algérie française qui vomissaient De Gaulle. Heureusement que l'UDR moutonnait pas mal, même si ses chefs mirent le paquet. Je me souviens en particulier d'un débat de haute tenue et très houleux, à Grenoble, retransmis en direct par Europe n° 1, entre Mendès France et Pompidou. Ce dernier savait que la victoire n'était nullement assurée. Pendant une heure et demi, il exprima une dureté qui masquait une haine réelle contre Mendès et qui trahissait la peur de tout perdre.
À la fin de la soirée électorale du deuxième tour, la gauche était victorieuse. Il manquait heureusement les résultats des DOM-TOM où le parti gaulliste avait manipulé les élections comme jamais. Le lendemain matin, la droite était majoritaire. Les moutons pouvaient continuer de moutonner sans imaginer, car personne ne l'avait prévue, l'explosion de Mai 68 quelques mois plus tard.