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12 juin 2015 5 12 /06 /juin /2015 05:45

Je reproduis ici une "lettre ouverte" de Descartes à quatre mères de Montpellier qui souhaiteraient que leurs enfants côtoient en classe des têtes blondes.

 

 

Sur la mixité : lettre ouverte à Safia, Fatima, Haïcha et Khadeja :

 

Mesdames,

J’ai fait connaissance de vos prénoms en lisant dans le numéro de Libération daté du 4 juin 2015 un reportage concernant votre combat pour la mixité scolaire dans votre quartier, celui du Petit Bard à Montpellier. Si je crois l’auteur du reportage – chose j’en conviens fort imprudente, s’agissant de Libération – vous dénoncez le fait que vos enfants partagent leur scolarité avec des petits camarades qui sont exclusivement issus de l’immigration marocaine, et vous exprimez le souhait de voir « plus de petits blonds avec nos enfants ». Ce souhait de mixité, ce désir de voir vos enfants « se sentir français » et votre conviction que ce résultat ne peut être atteint que si l’on évite qu’ils « grandissent exclusivement entre eux » vous honore. C’est en effet en organisant le brassage des populations que la France républicaine a construit son unité.

 

Mais – car il y a toujours un « mais » – je n’ai pas pu m’empêcher de noter, et le fait est souligné par la journaliste, que vous portez vous-même le voile. Et je ne parle pas d’un simple foulard sur les cheveux, mais d’un voile doublé strict, accompagné d’un vêtement noir qui couvre vos bras jusqu’aux poignets. C’est bien entendu votre droit de vous habiller comme bon vous semble. Mais permettez-moi de vous faire remarquer que ce choix vestimentaire est incompatible avec votre discours de mixité. Et cela pour deux raisons :

 

La première, évidente, est qu’on ne peut d’un côté affirmer vouloir « que ses enfants, citoyens français, soient (…) éduqués comme les autres » et d’un autre porter fièrement les signes distinctifs qui vous rattachent à une communauté et qui sont justement destinés à bien marquer que vous n’êtes pas des parents « comme les autres ». Il faut savoir ce qu’on veut : on ne peut en même temps revendiquer hautement sa différence et exiger qu’on vous traite « comme tout le monde ». Entre les deux, il faut choisir. Ce n’est pas votre droit de porter le voile qui est en question. Si vous voulez sortir avec un entonnoir sur la tête, vous avez le droit. Mais vous ne pouvez pas ensuite vous plaindre qu’on vous prenne pour fou. Si vous avez le droit de porter des signes, c’est bien pour que les autres les interprètent.

 

Ce qui nous ramène à la deuxième raison, de loin la plus intéressante. Un vieux dicton paysan nous dit qu’on peut toujours amener l’âne à la fontaine, mais qu’on ne peut pas l’obliger à boire. Et de la même manière, on peut créer une carte scolaire, mais si votre quartier devient ethniquement homogène, la carte scolaire ne peut que traduire cette homogénéité à l’école. J’entends que vous voudriez voir « des petits blonds avec vos enfants ». Mais comment faire ? Aller chercher des « petits blonds » dans les quartiers où ils sont nombreux et les inscrire manu militari dans le collège du quartier du Petit Bard ? Pensez-vous que ce soit la solution ?

 

Si l’on exclut les solutions autoritaires, votre problème n’a plus qu’un seul remède : il faut donner envie aux parents des « petits blonds » de vivre à côté de vous et d’envoyer leurs enfants étudier à côté des vôtres. D’ailleurs, l’une de vous le dit elle-même : « avant c’était mieux. Il y avait une église, un boulanger, un tabac-presse… des Asiatiques, des Africains, des Français, d’autres gens habitaient ici. Des instituteurs habitaient le quartier. Et puis ces gens-là ont déménagé : on n’a pas fait attention mais, peu à peu, il n’y avait plus que des Marocains ». Vous êtes-vous demandé pourquoi ? Qu’est ce qui a fait que les instituteurs ne veulent plus vivre dans le quartier, que l’église, le boulanger, le tabac ont fermé ? Ne pensez-vous pas qu’une partie de la réponse se trouve dans le fait que ces « français » n’avaient pas envie de vivre dans un cadre où une communauté imposait les habitudes « du pays » dans l’espace public ?

 

Si je vous pose la question, c’est parce que c’est là l’histoire de ma vie. Moi aussi j’ai quitté la cité ou j’ai grandi, et ou j’avais beaucoup d’amis, parce que je ne supportais plus de me voir imposer la musique arabe à fond la caisse jusqu’à une heure du matin en été, de croiser chaque fois que je sortais de mon immeuble des chapiteaux ambulants, de ne plus pouvoir boire une bière assis dans un banc en bas de chez moi pendant le Ramadan sans avoir droit à des remarques ou des crachats, de voir mes enfants marginalisés dans la cour de récréation parce qu’il ne parle pas arabe. Et d’être victime de vols et de dégradations qui, par une étrange coïncidence, ne touchent jamais les membres de la « communauté » mais seulement les « boloss ».

 

Je ne vous cite pas là d’un quelconque tract FN, mais de mon expérience personnelle. J’ai été très heureux dans ce quartier lorsque j’étais enfant, du temps où tout le monde était « différent » mais personne ne portait sa « différence » en bandoulière ou en faisait un motif de fierté. Et j’y ai été très malheureux quand des habitants de plus en plus nombreux ont commencé à bâtir autour de leur communauté des barrières et à marquer leur « différence » en refusant la langue et la politesse communes. Que voulez voulez-vous, à force de côtoyer chaque jour des gens dont l’habillement, la langue, le comportement ne fait que déclarer « je ne suis pas et je ne veux pas être comme vous », lorsqu’on se fait cracher dessus ou voler parce qu’on n’est pas membre de la « communauté », on finit par avoir envie d’aller vivre entre des gens qui vous ressemblent. Et c’est pourquoi, avec une grande tristesse croyez-le, je suis parti.

 

On ne peut pas créer la « mixité » artificiellement. Si les gens sont malheureux dans un environnement, s’ils se sentent méprisés, exclus, menacés ou harcelés, ils s’en iront dès qu’ils auront les moyens ou l’opportunité. Et c’est pire dans le domaine de l’éducation : l’expérience a montré que les gens sont prêts à utiliser tous les moyens, même les plus chers et les moins légaux, pour s’assurer que leurs enfants sont éduqués en accord avec leurs conceptions. Si vous voulez que vos enfants aient des petits camarades « blonds », il n’y a qu’un moyen : il faut donner envie aux parents de ces « blonds » de revenir dans le quartier et à leurs enfants d’étudier à côté de vos enfants. En un mot, il faut les convaincre que vous n’êtes pas pour eux ni une nuisance, ni un danger. Pensez-vous qu’en portant le voile vous y contribuez ? Je peux vous assurer que ce n’est pas le cas.

 

 

Pour être entendues, vous gagneriez à vous mettre quelquefois à la place de l’autre. Vous êtes-vous demandé ce que ressent un enfant « blond » entouré d’enfants qui, à la récréation, parlent une langue qu’il ne comprend pas, et qui de ce fait se trouve exclu des échanges, des jeux, de la vie sociale de ses camarades ? Pensez-vous que cela lui donnera envie de poursuivre sa scolarité dans ces conditions ? Etes vous prête à soutenir – y compris en punissant votre enfant – un instituteur qui interdirait de parler autre chose que français dans la cour de récréation ? Si la réponse est négative, alors vous condamnez par avance toute possibilité de « mixité ». Aucun parent « blond » n’acceptera de transformer son enfant en paria social pour vous faire plaisir. Et si la réponse est positive, alors commencez par enlever ce voile, pour montrer à votre enfant que vous aussi êtes prête à payer le prix de la « mixité ».

 

La meilleure manière de vous assurer que vos enfants seront éduqués avec et comme les enfants des autres, c’est de devenir vous-mêmes des mères « comme les autres ». C’est l’assimilation qui, en effaçant les différences, crée les conditions d’une véritable mixité. C’est l’assimilation qui est la seule réponse à votre problème. Là où les différences sont revendiquées haut et fort, les gens en finissent toujours par se regrouper avec ceux qui leur ressemblent. Si vous bâtissez autour de vous et de votre « communauté » un mur, il ne faut pas s’étonner que les autres s’en aillent vivre de l’autre côté. Et qu’ils bâtissent eux-mêmes un mur pour se protéger.

 

Etes-vous prête à parier sur l’assimilation ? Etes vous prête à enlever votre voile ? Etes vous prête à expliquer à votre enfant qu’en dehors de la maison on ne parle que français ? Si oui, vous trouverez chez moi un allié. Mais si vous n’êtes pas prête à payer ce prix, ne demandez pas aux « blonds » de le payer à votre place.

 

Avec mes cordiales salutations

 

Descartes

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commentaires

P
J'ai toujours eu une infinie reconnaissance pour ma maman lorsque vers l'age de douze ans elle m'avoua :<br /> "Tu sais mon fils , les femmes sont toutes des salopes ..... meme ta mére !....."
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L
Bon, si on donnait la parole aux musulmanes, tout au moins à celles qui ont le droit de s'exprimer !<br /> Par exemple, aux femmes d'Aubervilliers : <br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=dv8VLd8z9RI&noredirect=1<br /> <br /> Ou bien encore à celles qui répondent à Edwy Plenel l'ami de Taricq Ramadan :<br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=FOWu_rW_mfw<br /> <br /> On peut aussi demander l'avis de Kamel Daoud :<br /> <br /> http://www.impact24.info/retour-sur-la-gynecologie-islamiste/ <br /> <br /> Désolé, mais l'argument de l'Islam religion des pauvres et des opprimés ne marche pas : la pauvreté et l’oppression sont le fond de commerce de toutes les religions pour le plus grand profit des riches et des oppresseurs !<br /> Enfin il faudrait peut-être parler du côté politique de l'intégrisme musulman et pour cela voir ce qu'en dit Mohamed Louizi ancien frère musulman dans son blog :<br /> <br /> http://blogs.mediapart.fr/blog/mohamed-louizi<br /> <br /> Enfin il faudrait expliquer pourquoi le besoin du voile s'est fait ressentir à partir de la montée en puissance des monarchies saoudienne et quatarie.<br /> <br /> "Le droit à la différence entraîne automatiquement la différence des droits"
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L
Inverser les causes et les effets : je pense que c'est ce que l'on réussit le mieux dans ce pays depuis des années. Donc, si ces femmes vivent dans un ghetto, c'est de leur faute, cela vient de leur refus de s'intégrer, de se fondre, de disparaitre.<br /> Soit.<br /> Du coup, on évacue 50 ans d'histoire de relégation et de ségrégation des populations pauvres dans ce pays, du fait que les racisé⋅e⋅s sont très majoritairement discriminés chaque jour de leur vie et que pour certains, ça dure depuis au moins 3 générations, qu'on les a concentré dans des banlieues plus ou moins enclavées et qu'en France, comme ailleurs dans le monde, le reste de la population est prêt à beaucoup sacrifier dans son loyer pour ne pas se retrouver dans ces zones de relégation.<br /> On oublie.<br /> Ce que je préfère, c'est l'injonction à devenir des mères "comme les autres"...<br /> Parce qu'il y a 1 façon d'être mère et gare à ta gueule si tu n'y colles pas.<br /> Perso, les mères, ce n'est pas un groupe homogène, et il y a un tas de matriarches auxquelles je ne voudrais ressembler pour rien au monde. D'ailleurs, je ressemble assez peu aux autres mères, je pense donc qu'on devrait envoyer ma fille dans une école spéciale pour les gosses d'anarchistes féministes.<br /> <br /> Bref, à force de stigmatiser les arabes en les rebaptisant commodément musulmans, on en oublie toute mise en perspective historique et sociale et c'est bien dommage.
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