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9 avril 2017 7 09 /04 /avril /2017 05:34

Jean Lévy milite à la CGT depuis 1944. Il fut responsable de la CGT au Crédit du Nord et membre du Bureau de la Fédération des Employés.

 

Son activité sur les réseaux sociaux est très intense (voir son blog) et je la répercute régulièrement sur Twitter. Il analyse ici les causes et les conséquences de la perte de l'influence de la CGT dans les entreprises privées.

 

 

Les médias, à l'unisson, ne cachent pas leur joie : la CGT n'est plus la première organisation syndicale dans le privé. Ces porte-voix de l'oligarchie financière exultent : la CFDT, leur syndicat préféré a ravi à la centrale de Montreuil la première place. De peu, comme les chiffres officiels le montrent. De plus, radios, télés et journaux laissent penser que ces résultats sont issus d'une unique consultation nationale, datant de la période présente.

 

Il n'en est rien. Il s'agit de la totalité des scrutins qui se sont déroulés au cours des trois dernières années, regroupés pour l'ensemble des entreprises du privé. L'affirmation qu'il faut y voir la condamnation de la part prépondérante prise par la CGT dans le mouvement social du printemps dernier contre la loi travail tombe ainsi d'elle même. La campagne médiatique de promotion de la CFDT par les moyens d'information du Capital illustre l'inféodation de celle-ci aux intérêts de la Finance.

 

Rappelons-nous la campagne forcenée des médias présentant, lors des manifestations massives de ce printemps Philippe Martinez comme le meneur violent de la contestation ouvrière... Aujourd'hui, avec le langage de notre époque, ne serait-il pas présenté comme un agent de Poutine...?

 

Ceci étant dit, loin de nous de minimiser le recul de la CGT.

 

Voyons d'abord les résultats chiffrés.

 

Au niveau national et interprofessionnel, 5 organisations atteignent ce score :

 

Le recul de la CGT, par Jean Lévy

Représentativité des organisations syndicales au 31 mars 2017 :

Le recul de la CGT, par Jean Lévy

Ainsi, l'influence de la CGT recule dans le privé, et place ainsi pour la première fois de son histoire, la confédération derrière la CFDT. Certes – les chiffres le montrent – ce recul est faible : 24,85 % (contre 26,77 % en 2013, soit - 1,92 point), la CFDT obtenant 26,37 % (contre 26 % en 2013 + 0,37).

 

En fait, le décompte en voix confirme cette affirmation :

 

Sur un total de 5 243 128 suffrages exprimés, soit une participation de 42,76 %, la CFDT obtient 1 342 670 voix et la CGT 1 302 775.

 

Ces chiffres se mesure le phénomène de l'abstention massive des salariés.

 

Si la CFDT n'obtient que 32000 voix de plus que la CGT, sur plus 5 millions de suffrages exprimés, la CGT n'a la confiance que de 12% des salariés consultés.

 

C'est là que le bât blesse.

 

Pourquoi cette faiblesse alors que la politique menée tant par le patronat que par les gouvernements qui se sont succédé depuis trente ans, PS comme de droite, aurait dû au contraire croître l'audience d'une centrale syndicale de lutte de classe, telle que la CGT l'était depuis sa naissance.

 

C'est en fait l'orientation prise depuis les années 90 par la Confédération qui a conduit celle-ci à l'échec d'aujourd'hui. En effet, deux événements illustrent la dérive constatée : d'abord l'abandon dans ses statuts de l'objectif, jusqu'à là celui de la CGT, "l'appropriation collectives des moyens de production et d'échange", et l'adhésion à la Confédération Européenne des Syndicats, structure intégrée de l'Union européenne, alignée idéologiquement sur les objectifs affirmés de celle-ci : la "libre circulation des capitaux, des hommes et des marchandises", la "concurrence libre et non faussée", qui sont à la base des directives de Bruxelles, et des lois qui en découlent dans chaque Etat de l'Union.

 

Le fait pour la CGT d'avoir ainsi opté pour cette orientation l'a conduit à ne plus se prévaloir d'objectifs de lutte de classe, ceux-ci étant en contradiction avec les visées de l'Union européenne, celles-ci étant dictées par l'oligarchie financière dont elle est le bras politique. Et, autre conséquence : l'entente cordiale avec la CFDT, fer de lance de la collaboration de classe.

 

D'où l'"ouverture" de la CGT – et dans sa direction – aux courants les plus réformistes, à des militants PS, en autres. Dans cette configuration, la modération des objectifs revendicatifs, l'attitude souvent conciliante avec les gouvernements PS, voire avec Nicolas Sarkozy en 2007 – les cheminots en savent quelque chose – le refus de prendre partie "politiquement" contre les directives européennes.

 

Et il a fallu la révolte des militants des syndicats pour contraindre la Confédération à appeler à voter NON à la constitution européenne en 2005.

 

C'est cette dérive de la CGT, que nous payons aujourd'hui.

 

Imaginons que notre Confédération ait, depuis ces dernières décennies, gardé l'orientation de classe suivie par Benoît Frachon comme par Henri Krasucki : la CGT serait aujourd'hui socialement incontournable et son audience pèserait fort dans la balance politique.

 

Qui pourrait penser que, dans ces conditions, le Front national puisse influencer une majorité de salariés ?

 

Qui oserait penser qu'un Macron, Hollande ou Valls aurait pu imposer le CICE, la loi El Khomri, l'austérité, le chômage de masse, la misère généralisée...

 

Mais il n'est jamais trop tard pour la CGT de retrouver le bon chemin, le seul chemin, celui d'une orientation de lutte de classe et d'indépendance nationale, comme du temps de la Résistance, de la Libération, de Mai 68 ...

Le recul de la CGT, par Jean Lévy

C'est seulement à ce prix que la CGT redeviendra la première et puissante confédération qui, pendant un siècle, a fait si peur au patronat et à la bourgeoisie versaillaise, toujours soumis au capital étranger.

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commentaires

A
Pour compléter et confirmer ce texte dans lequel il est rappelé comment l'abandon, qui s'est fait par degré, de ce qui faisait la sève du refus du monde tel qu'il est, le texte suivant qui décrit comment par une autre voie le système pervertie complémentairement et sournoisement les hommes les mieux disposés :http://www.rougemidi.fr/spip.php?article8735
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A
modification de l'accès à l'article : http://www.rougemidi.fr/spip.php?article8735