Charlie dévoile en avant-première le document de synthèse qui sera soumis au vote lors du congrès national du planning familial des 25, 26 et 27 octobre à Niort. Le basculement vers le relativisme religieux et la remise en cause de la laïcité se confirment. Dans cette synthèse : une orientation « intersectionnelle » et un vote pour le retrait du mot « laïcité » de la charte du planning familial. 

 

Quand le patriar­cat reli­gieux fait de l’en­trisme au plan­ning… 


Dans le docu­ment de prépa­ra­tion de son prochain congrès natio­nal, parmi d’autres sujets de débats, le plan­ning remet en cause son orien­ta­tion fémi­niste, qui était jusque-là « univer­sa­liste », c’est-à-dire consi­dé­rant qu’il y a des droits fonda­men­taux et univer­sels pour toutes les femmes. 


« De quel(s) fémi­nisme(s) le Plan­ning se reven­dique-t-il  ? Du fémi­nisme univer­sa­liste, du fémi­nisme inter­sec­tion­nel, des deux  ? Cette ques­tion se pose avec celle du posi­tion­ne­ment du Plan­ning contre le racisme, et une de ses formes parti­cu­lières qu’est l’is­la­mo­pho­bie » peut-on lire. 


Trois orien­ta­tions seront donc propo­sées au vote, dont celle d’un plan­ning « inter­sec­tion­nel ». 

 

Qu’est-ce que l’in­ter­sec­tion­na­lité ? Dans le texte, on peut lire toute la rhéto­rique habi­tuelle de cette tendance qui traverse aujourd’­hui le mouve­ment fémi­niste. Critique de la « blan­chité » du plan­ning, « auto­dé­ter­mi­na­tion » dans des « groupes en non-mixité », pensée « déco­lo­niale ». 


Au-delà du juste constat que les discri­mi­na­tions s’ac­cu­mulent – une femme noire subit indé­nia­ble­ment du racisme et du sexisme – l’in­ter­sec­tion­na­lité est souvent utili­sée pour accep­ter toutes les reven­di­ca­tions reli­gieuses, au nom de l’an­ti­ra­cisme, en oubliant qu’elles sont alié­nantes pour les femmes. L’orien­ta­tion inter­sec­tion­nelle n’ana­lyse plus ces « croyances » comme étant le produit du patriar­cat et cari­ca­ture au passage l’uni­ver­sa­lisme :  il « exclut des personnes en raison de leurs croyances reli­gieuses, de leur habille­ment et de leur appa­rence. (…) Cet univer­sa­lisme reven­dique une unifor­mi­sa­tion des croyances, des pensées et des manières de se vêtir et donc, par-là, refuse – en son sein – celles et ceux qui ne corres­pon­draient pas à ces manières d’être, de faire, de penser », peut-on lire dans l’orien­ta­tion inter­sec­tion­nelle. 

 

C’est ainsi que le plan­ning de Grenoble a soutenu les demandes de groupes réac­tion­naires voulant se baigner en burkini à Grenoble ou que le plan­ning de Marseille n’a pas hésité à utili­ser une rhéto­rique de grenouille de béni­tier en parlant de « modes­tie » pour dési­gner le port du voile. 


A propos de l’ex­ci­sion, les mêmes n’ont pas hésité à répondre à un inter­naute : « on milite pour le libre choix de chacune ».

 

L’in­ter­sec­tion­na­lité, rappe­lons- le, c’est aussi ces propos cari­ca­tu­raux de Rebecca Amsal­lem des Glorieuses qui consi­dère que les reven­di­ca­tions des « fémi­nistes blanches » seraient « inutiles » et dange­reuses ». Inutiles, l’IVG, la contra­cep­tion ? De son côté, les univer­sa­listes expliquent dans le texte d’orien­ta­tion : « Nous sommes toutes conscientes des crimes et des effets du colo­nia­lisme, pour autant nous refu­sons l’amal­game qui conduit à remettre en cause le fémi­nisme. »

 

Corol­laire de l’évo­lu­tion inter­sec­tion­nelle, un vote sera proposé pour reti­rer le mot « laïcité », qui avait été ajouté à la charte lors du dernier congrès. « Le racisme et l’is­la­mo­pho­bie s’ex­priment parfois sous couvert de laïcité  », peut-on lire dans la synthèse. Ainsi, au lieu de défendre une valeur histo­rique­ment de gauche, le plan­ning l’aban­donne à la droite et l’ex­trême-droite. Il est loin le temps où, en 2005, le plan­ning écri­vait un commu­niqué commun avec Ni putes ni soumises (NPNS) qui dénonçait la montée des inté­grismes et appe­lait à davan­tage de laïcité pour s’en prému­nir.

 

Cette influence inter­sec­tion­nelle, comme nous l’ex­pliquions dans notre précé­dente enquête, est le fruit notam­ment des mili­tantes les plus jeunes. Un groupe spéci­fique “Laïcité et droits des femmes” avait d’ailleurs été lancé lors du précé­dent congrès, en 2016. Il est très mili­tant sur le sujet, et aura d’ailleurs un droit de vote spéci­fique en tant que groupe jeune, en plus de chaque asso­cia­tion dépar­te­men­tale. 
Selon nos infor­ma­tions, le bureau natio­nal du plan­ning est lui-même plutôt proche du courant inter­sec­tion­nel. C’est lui qui a validé ce docu­ment prépa­ra­toire à partir des remon­tées de chaque asso­cia­tion dépar­te­men­tale. 

 

Reste à savoir quelle orien­ta­tion l’em­por­tera lors du congrès. Les univer­sa­listes – encore présentes au plan­ning – sont rési­gnées et pensent que ce sera au mieux l’op­tion inter­mé­diaire qui l’em­por­tera, inti­tu­lée « un fémi­nisme univer­sa­liste s’ar­ti­cu­lant avec le cadre d’ana­lyse de l’in­ter­sec­tion­na­lité ». 


Une mili­tante nous glisse : « La force du plan­ning, c’est que c’est une asso­cia­tion de terrain, avant tout prag­ma­tique. Mais le problème prin­ci­pal des inter­sec­tion­nelles, c’est leur absence quasi-totale du terrain ».