J’aborde aujourd’hui l’un des mots dont l’utilisation me fait sortir de mes gonds : dédier (dédié).
Il s’agit non seulement d’un anglicisme, mais d’un faux anglicisme au sens où les anglophones en font un usage beaucoup plus raisonné que nous.
Á l’origine, « dédier » connote la religion. Une chapelle est dédiée à saint Antoine de Padoue. On peut aussi dédier un objet profane : Victor Hugo dédiait « aux dents blanches d'Ève Tous les pommiers de [son] verger ». On peut se dédier corps et âme à un club de sport. Et même à un blog. On peut dédier un poème, un roman à un dédicataire.
C’est là que sont intervenus, il y a une trentaine d’années, les neuneux des médias. Tout fiérots, ils avaient repéré le verbe anglais « to dedicate ». Ce verbe a deux sens : consacrer (une église) et dédier : “ Dedicated to the One I Love ” (chanson de 1957 du groupe de blues et gospel les “5” Royales, superbement reprises par les Mamas et les Papas dix ans plus tard).
Donc, à cause des neuneux, finis les « consacrer », les « dévouer », les « offrir », les « réserver », les « vouer ». La chaîne parlementaire est dédiée aux débats. La place de parking est dédiée aux handicapés. On peut même faire l’économie d’un complément : « les cyclistes doivent utiliser une voie dédiée. Au bureau, ils se brancheront sur un serveur dédié.
Tout est bon quand il s’agit d’appauvrir la langue française.