A l’occasion du nouvel An, le président de la République française (que d’aucuns surnomment “le banquier éborgneur”) en prend pour son grade. Pour Théophraste du Grand Soir : “Maintenant, il dit comprendre les grévistes et il renonce à sa retraite de président. Et chacun de ricaner. Macron pédale à vide. La chaîne du vélo France a déraillé. A peine plus d’un tiers des Gaulois fainéants alcooliques le trouve honnête et sincère. S’il annonçait demain, par rétropédalage, qu’il renonce à sa « réforme » des retraites, il est possible que personne n’y croie et que le peuple continue à protester."
Même Serge Raffy, de l’Obs, se montre caustique : “dans l’obscurité, mais, droit dans ses bottes, n’ayez aucun doute, rien ne le fera trembler face au tumulte de la rue. Inflexible, inoxydable, il tiendra le cap sur la réforme des retraites, ne cédant que des miettes sur la pénibilité, renvoyant son Premier ministre au charbon, dès la rentrée. Donc, pour beaucoup de Français, la grève la plus longue de l’histoire du pays, a encore de beaux jours devant elle. Que le président n’a pas appuyé sur le bouton « Stop ». Il est resté avec une main de fer dans un gant de velours.”
Pour Le Monde, les allocutions présidentielles de fin d’année augurent rarement de la situation sociale à venir du pays. Lors de ses premiers vœux, le 31 décembre 2017, Emmanuel Macron avait dit vouloir faire de 2018 une année de « cohésion de la nation ». « Les débats sont nécessaires, les désaccords sont légitimes, mais les divisions irréconciliables minent notre pays. Je veux plus de concorde pour la France en 2018 », avait expliqué le chef de l’Etat. Dix mois plus tard commençait le mouvement des « gilets jaunes », l’une des crises sociales les plus intenses connues par la France depuis Mai-68.
Le Figaro donne la parole à Jean-Luc Mélenchon: «Ce ne sont pas des vœux mais une déclaration de guerre aux millions de Français qui refusent sa réforme. Tout le reste de son discours sonne faux et creux. Un extraterrestre a parlé.»
La Libre Belgique (qui connaît mieux la France que la presse française la Belgique) note les incohérences de la politique macronienne: ”Autre source d'interrogations: les concessions accordées ces derniers jours à une dizaine de catégories, allant des policiers aux pilotes de ligne en passant par les marins et les danseurs de l'opéra qui conserveront pour longtemps des régimes spéciaux. De quoi faire dire à la droite que la réforme, vidée de son contenu, redevient catégorielle.”
Dans cette même optique, La Dépêche du Midi ajoute : ”Sans entrer dans le détail de la réforme, sans prononcer les mots d'âge pivot ou de pénibilité, le président a indiqué que les "tâches difficiles" seront prises en compte : "Nous prendrons en compte les tâches difficiles pour permettre à ceux qui les exercent de partir plus tôt sans que cela soit lié à un statut ou à une entreprise".
Dans L’Humanité Dimanche, Gérard Noiriel en appelle à la résistance face à la politique menée par le président de la République: ”La résistance, c’est quand on subit une domination et qu’on s’y oppose. Aujourd’hui, le peuple français est engagé dans un processus de résistance face à une offensive néolibérale comme on n’en a pas connu dans le passé, même avec Sarkozy. Le libéralisme triomphant qui s’était installé à partir des années 1980 avec Reagan, Thatcher et la social-démocratie européenne a du plomb dans l’aile.
C’est vraiment le rôle majeur des syndicats que de coordonner l’action et de montrer qu’ils sont toujours présents et capables de peser sur la réalité et la société pour s’opposer aux mesures qui sont prises.
Ce qu’on a vu, au bout d’un an du mouvement des gilets jaunes, c’est aussi les limites de ce type d’action. Il ne suffit pas de défiler les samedis après-midi dans les rues de Paris et puis dire non à la récupération. Il faut aussi être capable de structurer un mouvement pour être efficace contre ceux qui ont le pouvoir. Le moyen qui reste aujourd’hui le plus efficace pour contrer le capitalisme, c’est d’intervenir dans les lieux où il fait son profit, c’est-à-dire dans les entreprises, comme le montre le mouvement actuel en mettant en avant la grève.
En tout cas, quelle que soit l’issue de ce mouvement, il est certain que nous sommes entrés dans une période qui va être marquée par un fort développement des mouvements sociaux, non seulement en France, mais partout dans le monde.