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7 avril 2020 2 07 /04 /avril /2020 05:17

Dans cette livraison d’avril 2020 réalisée, comme il se doit, en espaces confinés en dehors de la salle de rédaction (comme pour les administrateurs du Grand Soir), Serge Halimi craint que tout recommence comme avant : « ne fois cette tragédie surmontée, tout recommencera-t-il comme avant ? Depuis trente ans, chaque crise a nourri l’espérance déraisonnable d’un retour à la raison, d’une prise de conscience, d’un coup d’arrêt. On a cru au confinement puis à l’inversion d’une dynamique sociopolitique dont chacun aurait enfin mesuré les impasses et les menaces. La débandade boursière de 1987 allait contenir la flambée des privatisations ; les crises financières de 1997 et de 2007-2008, faire tituber la mondialisation heureuse. Ce ne fut pas le cas.

 

Les attentats du 11 septembre 2001 ont à leur tour suscité des réflexions critiques sur l’hubris américaine et des interrogations désolées du type : « Pourquoi nous détestent-ils ? » Cela n’a pas duré non plus. Car, même quand il chemine dans le bon sens, le mouvement des idées ne suffit jamais à dégoupiller les machines infernales. Il faut toujours que des mains s’en mêlent. Et mieux vaut alors ne pas dépendre de celles des gouvernants responsables de la catastrophe, même si ces pyromanes savent minauder, faire la part du feu, prétendre qu’ils ont changé. Surtout quand — comme la nôtre — leur vie est en danger. »

 

Renaud Lambert et Pierre Rimbert attendent la prochaine fin du monde : « Un virus qui semblait abolir les frontières, sociales et nationales, a fini par les consolider. Qui profitera des appels à l’unité proférés au cœur de la lutte contre l’épidémie ? »

 

Théo Bourgeron explique la tentation de l’inéluctable au Royaume-Uni : « Soucieux d’éviter de mettre l’économie à l’arrêt, le premier ministre britannique Boris Johnson a envisagé un pari risqué : celui de l’immunité collective. Avant de faire machine arrière. »

 

André Grimaldi et Frédéric Pierru décrivent L’hôpital, le jour d’après : « Tous les spécialistes en conviennent : le confinement total est le prix du manque de moyens, notamment à l’hôpital, dû à l’incurie des gouvernements qui se sont succédé depuis trente ans. C’est maintenant qu’il faut en tirer les leçons et revoir de fond en comble la politique de santé. »

 

Michael Marmot dénonce la grande faucheuse qu’est l’austérité : « Une étude conduite sur dix ans Michael Marmot le démontre : les politiques de contraction budgétaire menées depuis la crise de 2008 ont creusé le fossé qui sépare riches et pauvres en matière d’espérance de vie. En matière de progrès social, le Royaume-Uni a perdu dix ans, et cela se voit. Mesurée à l’aune de l’espérance de vie, la santé des Britanniques se dégrade, alors qu’ils s’étaient accoutumés depuis plus d’un siècle à son amélioration d’année en année. Parallèlement, les inégalités en matière de santé se creusent. Et ce qui est vrai pour l’Angleterre l’est plus encore pour l’Écosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord. »

 

Quentin Ravelli observe comment la maladie est devenue une mine d’or pour les laboratoires privés : « La France s’est révélée incapable de dépister massivement les malades du Covid-19, révélant la dépendance de la santé publique vis-à-vis des laboratoires privés. »

 

Une nouvelle mode ? Le refus de Sartre : « Le 19 avril 1980, l’enterrement de Jean-Paul Sartre mobilisa la foule, comme celui de Victor Hugo un peu moins d’un siècle plus tôt. Avec la disparition de Sartre, une époque d’engagements et de refus des corsets de la bienséance a semblé se refermer. L’exhibitionnisme médiatique ou l’enfermement universitaire ont ensuite caractérisé deux pôles du monde intellectuel. Aussi éloignés l’un que l’autre du modèle sartrien. »

 

Pierre Puchot analyse l’aggravation des inégalités au Maroc : « Reconnaissant que le modèle de développement du Maroc n’a pas atteint ses objectifs, notamment en matière de création d’emplois, les autorités du pays réfléchissent à une nouvelle stratégie. Une réflexion entamée dans un contexte marqué par l’aggravation des inégalités, par le retard accumulé dans des domaines tels que la santé et par la persistance de la contestation populaire incarnée par le « hirak » du Rif. »

 

Selon Georges Lefebvre, c’est la débandade en Afghanistan pour les Étatsuniens : « Drôle d’accord entre les talibans et Washington, qui entérine le retrait des troupes américaines sans aucune contrepartie ou presque pour les premiers. Quant au pouvoir de Kaboul, il est dans l’impasse. Même le secrétaire d’État Mike Pompeo, en visite-éclair le 23 mars, n’a pas réussi à l’en sortir. Conséquence : les États-Unis ont coupé leurs aides de 1 milliard de dollars (sur 5). »

 

Frédéric Thomas pense que l’action humanitaire peut prendre le monde sans changer le pouvoir : « Essentielle à la survie de millions de personnes à travers le monde — réfugiées, déplacées, affamées, malades, etc. —, l’action humanitaire brasse des milliards de dollars chaque année. Face aux États, aux associations, aux particuliers, elle constitue souvent un véritable pouvoir capable d’imposer ses choix et ses normes. Les victimes n’y trouvent pas toujours leur compte. »

 

L’autonomie aux Philippines est-elle en trompe-l’œil (Philippe Revelli) : « Un Bangsamoro élargi, doté d’un Parlement propre, d’une autonomie et de ressources accrues… Aux Philippines, ces revendications anciennes sont devenues réalité. Un gouvernement de transition a été nommé ; il dispose de trois ans pour asseoir les bases d’une paix durable dans la région. Une perspective qui suscite autant d’espoirs que de doutes. »

 

Pour Sonia Combe, « À Buchenwald, les antifascistes ont perdu la guerre mémorielle. Avec la libération du camp de concentration de Buchenwald en avril 1945 s’achève un calvaire et commence une histoire. Celle de prisonniers, souvent communistes, qui sauvèrent des vies au prix de choix déchirants. Mais leur geste, célébrée par le régime est-allemand, se trouve brutalement remise en question lors de la chute du Mur. Les vainqueurs de la guerre froide entreprennent alors de réécrire l’histoire. »

 

Daniel Marwecki expose les « singulières relations germano-israéliennes : Après la seconde guerre mondiale, l’Allemagne de l’Ouest tâche de s’acheter une virginité en appuyant la construction de l’État d’Israël. Bonn joua ainsi au Proche-Orient un rôle aussi important que méconnu. Mais, durant les années 1950 et 1960, cette diplomatie en quête d’absolution n’a pas toujours réussi à masquer l’expression d’un vieux fonds prêt à resurgir. »

 

Evelyne Piailler décrit ceux qui veulent réinventer l’humanité : « Activée par les ravages écologiques et les impasses du « système », une sensibilité nouvelle apparaît : le refus de la domination humaine sur la nature. S’opposant parfois à l’évidence supposée d’un égoïsme propre à l’espèce et célébrant, au contraire, les capacités d’entraide du vivant, cette entreprise de refondation anthropologique peut-elle s’inscrire dans une démarche politique d’émancipation collective ? »

 

Pour André Bellon et Anne-Cécile Robert, La Ve République est en coma politique : « Aucune Constitution occidentale ne pousse aussi loin le pouvoir personnel que celle de la France, dont le président fait figure de « monarque républicain ». Imposée dans le feu de la guerre d’Algérie sur les décombres d’une IVe République instable, cette vision des institutions a-t-elle encore un sens alors que se multiplient les défis collectifs, à la fois sociaux, sanitaires, géopolitiques ? »

 

Sandrine Baccara et Philippe Deschamps redoutent la géopolitique du brise-glace. Les océans Arctique et Austral suscitent des convoitises grandissantes. La déglaciation déjà bien perceptible en été dans le Nord pourrait ouvrir de gigantesques espaces maritimes et côtiers à la navigation comme à l’exploitation de ressources naturelles. L’évolution des flottes nationales de brise-glaces permet de mesurer l’ambition réelle des pays qui entendent tirer parti du réchauffement climatique à ces latitudes.

 

Anne Vigna dénonce la privatisation de Petrobras au Brésil : « Formé à l’école de Chicago, le ministre de l’économie brésilien Paulo Guedes ne fait aucun mystère de ses convictions libérales. Selon lui, l’intervention de l’État nuit à l’économie : il s’agit donc de la confier à la sagesse du marché… Même si Brasília nie avoir projeté de privatiser Petrobras, le joyau national du secteur pétrolier commence à faire les frais de cette vision du monde. »

 

Jean-Baptiste Mallet nous emmène au cœur d’Amazon, derrière les murs de l’usine à colis : « Partout dans le monde, les travailleurs des entrepôts logistiques Amazon font face à un afflux inédit de commandes. Que se passe-t-il dans les gigantesques plates-formes de la multinationale américaine ? »

 

Il fut un temps où le commerce propagea la peste à Marseille (Alain Garrigou) : « Les pères de l’Union européenne ont prêché que le commerce adoucirait les mœurs. Une foi moins partagée par temps d’épidémie. Même au siècle de Montesquieu, même dans le port de Marseille…« Nul plus que Montesquieu ne contribuera à accréditer la doctrine du doux commerce. Dans la partie de L’Esprit des lois qu’il consacre aux questions économiques, on relève, dès le premier chapitre, l’observation suivante : “C’est presque une règle générale, que partout où il y a des mœurs douces, il y a du commerce ; et que partout où il y a du commerce, il y a des mœurs douces”. » Dans son essai sur la façon dont les penseurs modernes tentèrent de trouver une solution aux guerres, Albert O. Hirschman en ignore une curieuse cécité : ils ne semblent pas apercevoir que le commerce n’est pas forcément aussi doux qu’ils le disent. »

 

Denis Duclos explique comment faire face au confinement : « Il est étrange d’être un participant désarmé devant la montée d’un cataclysme et de s’en vouloir observateur. Des passions contraires nous traversent. L’indifférence forcée et la peur incontrôlée : la première appelle à continuer comme si de rien n’était, la seconde à surveiller et à punir tout mouvement interdit. Laissons aux preux soignants (et spécialistes en infectiologie, épidémiologie ou virologie) déterminer la mesure de l’une et l’autre attitude. Après Pline l’Ancien (23-79 après Jésus-Christ) regardant les gens quitter tranquillement la pluie de cendres sur Pompéi sous des coussins – ces masques d’époque – , travaillons plutôt à repérer quelques traits parcourant notre « société-monde » en proie à la mathématique de la contagion. »

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