La première fois que j’ai entendu mes filles utiliser le mot « mytho » j’ai été surpris. Je ne voyais pas exactement ce qu’elles voulaient dire, mais il était clair qu’elles n’utilisaient pas ce vocable dans son acception la plus évidente, celle de mythomane, mythomaniaque, à savoir un individu ayant une tendance pathologique au mensonge, à la fabulation ou à l’affabulation. Donc relevant de la psychiatrie.
Ainsi les djeuns ne disent plus « menteur » mais « mytho ». Il n’y a pas si longtemps, un mytho racontait des bobards. J’aime beaucoup l’étymologie de ce mot (selon le CNRTL) : « Ca 1900 d'apr. Dauzat, Notes étymol. et lex. dans Fr. mod., t. 8, pp. 13-14); 1912 pop. (cité dans Esn.). Prob. dér. en -ard* du rad. onomatopéique bob- exprimant le mouvement des lèvres, d'où la moue, la bêtise; à rattacher à l'a.fr. boban « vanité » (xiies. dans T.-L.), bober « tromper » (xiiies., ibid.), bobert « présomptueux, sot » (xiiies., ibid.), m.fr. bobeau « mensonge », xvies. dans Gdf., mots qui ont largement survécu dans les dial. (Dauzat, loc. cit.). Á noter que, pour bobard, les anglais ont « fib », qui vient vraisemblablement de « fable » et, mieux encore « canard », qu’ils nous ont piqué sans vergogne.
En se répandant par la bouche des djeuns, le mot « mytho » a perdu de sa violence (ce qui est banal : je me souviens que, dans les années cinquante, « vachement » était un terme plutôt violent et vulgaire).
Dire « mytho » au lieu de « mythomane » est malin : cela le rend plus péjoratif et moins précis, comme « facho » qui a remplacé « fasciste ». Mais s’est évidemment perdue la notion d’invention d’un réel. On évacue également la notion du « comme si », le célèbre « als ob » sur lequel ont glosé nombre de philosophes et de psychanalystes allemands pendant le XXe siècle. Avec l’idée fondamentale, exprimée par Hans Vahlinger, que « l’apparence, ce qui est faux en toute conscience, jouent un rôle énorme dans les sciences et la philosophie ».