Res Publica reprend une longue contribution de Vincent Présumey lors d’un colloque sur la laïcité.
« On ne combattra aucun intégrisme religieux, et surtout pas les courants fascistes ou fascisants d’inspiration religieuse, en faisant l’impasse sur leur dimension religieuse. S’il n’y a pas lieu de « diaboliser » les religions en tant que telles, il n’y pas plus de raisons de les exempter de l’analyse et de la critique sociale indispensables à tout combat pour l’émancipation humaine.
A l’époque capitaliste, le régime totalitaire saoudien et les islamistes prétendent que l’uniformisation visuelle de la société, mise au pas au moyen du voile féminin, complété par un uniforme masculin qui en est le symétrique inversé puisqu’il exhibe la pilosité qui est censée être une incitation sexuelle chez les femmes, réalise un ordre vertueux qui serait l’opposé de la diversité, de la licence et de l’impudeur « occidentales ». En fait, par un paradoxe qui n’est qu’apparent, l’uniformité qu’ils réalisent correspond parfaitement à une société capitaliste d’individus atomisés, neutralisés, réduits à des acteurs de l’échange marchand et de la circulation-accumulation du capital.
Mais le voile comme élément actif, dynamique, de la lutte des classes, est le produit de la contre-révolution islamique chiite iranienne, à partir de 1980. Contre la révolution prolétarienne en Iran qui avait commencé à disloquer État et armée, la reconstitution de l’État capitaliste s’est faite sous le mot d’ordre central qu’était «les femmes sous le voile », mis en œuvre par les milices de soi-disant « déshérités », c’est-à-dire de flics et de lumpen, attaquant physiquement pendant des semaines des manifestations de centaines de milliers de femmes refusant le voile. A la manière des mouvements fascistes la contre-révolution islamique en Iran fut la première forme d’islamisme arrivant vraiment à se présenter comme « anti-impérialiste » et, par là, révolutionnaire. La mise au pas des femmes était affirmée, et réalisée, comme mise au pas de toute la société. Tout discours, d’extrême-gauche ou non, sur la « question du voile », qui ignore cette fondation historique, qui plus est assez récente tout de même, se caractérise par là-même comme pétri d’ignorance et dénué d’internationalisme. »
En avril 2020, Le Monde Diplomatique étudiait le rapport entre les pandémies et le capitalisme : « Les crises économique sont aussi sélectives que les épidémies : à la mi-mars, alors que les Bourses s’effondraient, l’action du laboratoire pharmaceutique Gilead grimpait de 20 % après l’annonce des essais cliniques du remdesivir contre le Covid-19. Celle d’Inovio Pharmaceuticals gonflait de 200 %, à la suite de l’annonce d’un vaccin expérimental, INO-4800. Celle d’Alpha Pro Tech, fabricant de masques de protection, bondissait de 232 %. Quant à l’action de Co-Diagnostics, elle flambait de plus de 1 370 % grâce à son kit de diagnostic moléculaire du coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS- CoV-2), responsable de la pandémie de Covid-19.
Comment expliquer qu’au cœur de la tourmente il soit ainsi possible de s’enrichir alors même qu’il manque des masques de protection, y compris pour les médecins et les personnels soignants, et que les tests de dépistage restent inaccessibles au plus grand nombre après trois mois d’épidémie ? Pourquoi ces tests sont-ils au cœur du débat mondial, de la Corée du Sud aux États-Unis, en passant par l’Allemagne, l’Australie et la Lombardie, mais restent soigneusement évités en France, où le directeur général de la santé, M. Jérôme Salomon, n’envisage leur usage massif qu’« à la sortie du confinement » ? Contrairement aux annonces gouvernementales, loin d’être une guerre contre un virus dont la seule arme serait la quarantaine, la bataille concerne notre propre organisation économique et sociale. C’est une crise de notre politique de santé, de recherche et de production, où l’industrie pharmaceutique joue une place centrale, mais soigneusement maintenue à distance du débat public.
Dans Regards.fr, Alain Bertho fait appel au roman En attendant les barbares du sud-africain John Maxwell Coetzee, prix Nobel de littérature en 2003 : « « Il y a quelque chose qui me sautait aux yeux, mais je n’arrive toujours pas à le voir ». Tels le narrateur de En attendant les barbares, nous voici retranchés dans une forteresse nationale, menacés par un danger insaisissable. Nous avons du mal à comprendre que la barbarie ne vient pas du dehors mais qu’elle ronge de l’intérieur une société travaillée par la peur. »