Tout a commencé il y a une trentaine d’années environ quand on a cessé de parler de chandail pour adopter une horreur inspirée de la langue anglaise et imposée par l’impérialisme langagier zunien “ sweater ”.
Par ignorance, par contamination et par paresse, sweater est devenu sweat, et on l’a prononcé [swi:t], comme sweet qui signifie bonbon. « T’as pas vu mon sweat ? » est passé très facilement dans la langue.
Sweater vient du substantif sweat qui signifie sueur et du verbe to sweat qui signifie suer. Sweat se prononce [swet].
Un sweater est donc un habit de laine qu’on enfile pour suer, pour transpirer. Ce qui est beaucoup moins ragoûtant que chandail, le tricot que portaient les marchands d'ail bretons. Par aphérèse, le “ mar ” a sauté. C’est un bonnetier d’Amiens qui adopta le mot chandail pour désigner les sweaters qu’il fabriquait. Utiliser des mots français, c’est baigner dans notre culture et dans notre histoire. L’histoire de la langue c’est la langue de l’Histoire. Adopter des idiomes improbables fait de nous des barbares. Un marchand de sweet/sweat ne vendra pas un article de plus parce qu’il se coule dans le moule de l’acculturation.
Stricto sensu, un sweater est un gilet en mailles, à manches longues, boutonné devant. J’aime bien l’origine du mot tricot. Il vient du verbe tricoter (XIVe siècle) qui signifie remuer vivement. Lorsque l’on dit d’un cycliste qu’il tricote des jambes, c’est littéralement vrai. Le verbe a donné le substantif. Les linguistes appellent celui-ci un déverbal (quand le nom est tiré du verbe). Un tricot implique que l’objet a été fabriqué avec deux aiguilles, sauf lorsqu’il est rond et que trois ou quatre aiguilles sont disposées en circuit fermé. Dans l’entre-deux-guerres, outre-Manche comme chez nous, on utilisait sweat-shirt pour signifier un survêtement d’athlète.
La culture du pauvre ou, plus précisément, la culture pour les pauvres, c’est toujours l’imprécision, le flou, l’amalgame, la frime.