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24 juin 2021 4 24 /06 /juin /2021 05:17

Repris du site La Sellette

 

Toulouse, chambre des comparutions immédiates, octobre 2020

 

Un Tunisien à peine majeur comparaît dans le box. Au cours d’un contrôle d’identité, les policiers se rendent compte qu’il est sous le coup d’une interdiction du territoire national de cinq ans. Il aurait dû être expulsé à la suite de son passage au centre de rétention administrative.

 

La présidente lit d’une voix morne son casier judiciaire : trois mois de prison pour vente de stupéfiants ; vol aggravé ; violence à l’entrée d’un local administratif. Pour le reste – sa vie, ses projets, la personne qu’il est, toutes ces choses paraît-il nécessaires à la personnalisation de la peine –, on saura seulement qu’il travaille au noir dans le bâtiment et qu’il vit en squat. L’enquête de personnalité « ne révèle pas grand-chose », pour ne pas dire rien.

 

L’interprète traduit les explications du prévenu – elles sont fort brèves : à sa sortie de prison, le confinement l’a empêché d’organiser son départ. Par sa voix, il supplie la présidente de lui accorder les deux jours dont il a besoin pour récupérer son passeport et préparer son retour en Tunisie. Dans un dernier effort pour faire comprendre sa situation, il conclut lui-même en français : « Ça fait trois jours que je n’ai pas mangé. » La présidente note, placide : « Il a reconnu, donc. »

 

Le procureur demande six mois de prison avec maintien en détention.

 

La défense non plus n’a pas envie d’y passer la nuit : elle se borne à signaler qu’« il ne faut pas ajouter de la misère à une situation déjà misérable » et s’en remet platement au tribunal « pour ne pas alourdir outre mesure le casier de ce garçon ».

 

Les juges délibèrent en un éclair : cinq mois de prison et maintien en détention. Rondement menée, l’audience a duré dix minutes : deux minutes par mois de prison.

Chronique de la Justice ordinaire
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commentaires

M
Bonjour , c'est effectivement très malheureux cependant il serait intéressant de connaître les séquelles psychologiques et physiques des victimes de cette personne. Un vol aggravé , des violences et même la vente de drogue font de nombreux dégâts , souvent bien au delà de 5 mois comme la durée de sa peine.<br /> Marc B
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A
Évidemment en lisant ça on ne peut s'empêcher de faire un parallèle avec le citoyen Sarkozy et le procès bygmalion, de l'arrogance sans complexe du personnage relativement à ses juges et le service minimum assuré par la presse sur le déroulement de cette procédure. Pourtant cette presse on la sait beaucoup plus diserte sur d'autres sujets comme le foot, par exemple, qui occupe des heures sans fin dans les médias et pour lequel il y a objectivement si peu à dire. <br /> En passant on aura remarqué que ces mêmes médias se sont étonnés du désintérêt des français pour les dernières élections sans faire une seconde la comparaison entre le temps consacré à ces dernières et celui pléthorique mise au service de cette compétition européenne.<br /> Quant au cas de ce prévenu on retrouve les mêmes situations que celles de nos chemineaux du XIXème siècle qui allaient de ville en ville, vivant d'expédients, de rapines et de petits bouleaux. La différence : ils étaient français.<br /> On en trouve un exemple dans le livre de Gérard Noiriel, Le massacre des italiens, qui raconte la tuerie du 17 août 1893 Aigues-Mortes. On y croise ces chemineaux qui se sont trouvés en concurrence pour le travail dans les marais salants avec les italiens et qui ont été un des facteurs déclenchants du " progrom ".<br /> Les mêmes causes, les mêmes effets et la guerre entre pauvres y'a rien de mieux.
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