Pendant la Deuxième Guerre mondiale, ma mère vivait avec ses parents à Arras. Elle avait entre 15 et 20 ans.
Arriva un moment où la ville fut bombardée toutes les nuits, plusieurs fois par nuit. “ Proprement ” par les Britanniques qui visaient des objectifs stratégiques et qui volaient à environ 6 000 pieds. “ Salement ” par les Zuniens, qui volaient trois fois plus haut et lâchaient leur purée n'importe où. Donc, principalement, sur les civils.
Pendant des semaines, il y eut plusieurs alertes par nuit. Le plus souvent, heureusement, non suivies de bombardements. Une nuit, ma mère était à ce point épuisée qu'elle refusa d'accompagner sa mère à l'abri le plus proche, à cinquante mètres de la maison. Elle lui dit : “ je préfère mourir mais il ne faut pas m'empêcher de dormir. ” Ma grand-mère, elle aussi épuisée, accepta ce chantage.
Dix minutes plus tard, une bombe énorme pulvérisa l'abri, épargnant la maison de mes grands-parents.