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26 janvier 2022 3 26 /01 /janvier /2022 06:00

Personnage mythique comme il y en eut peu dans l’histoire du XXe siècle, Eva Peron (María Eva Duarte de Perón), femme du président argentin, débarque un jour de juin 1947 à Madrid, en visite officielle. La chaleur est torride mais elle porte un vison. Ses autres effets sont dans un avion réservé à sa seule garde-robe. Mais autant elle aima paraître, autant elle réussit à faire.

 

Actrice de cinéma née en 1919 dans une petite ville à proximité de Buenos Aires, , elle épouse en 1945 le colonel Juan Domingo Perón. Á la cérémonie, ne manquaient que les généraux Tapioca et Alcazar.

 

Cette fille illégitime d’un propriétaire terrien fut motivée sa vie durant par une névrose de la revanche, tantôt prostituée, tantôt jouant des rôles secondaires dans des feuilletons de seconde zone. Mais celle en qui le peuple argentin se reconnaissait ne fut jamais une potiche. En 1943, elle est l’une des fondatrices du syndicat des travailleurs de la radiodiffusion. En 1943, elle joue pour les victimes d’un tremblement de terre. Le peuple se reconnaît en elle. Après son mariage en 1944, elle est la première épouse d’un homme politique à faire de la politique en luttant pour le droit de vote pour les femmes. « La femme argentine », dit-elle, « a surmonté la période des tutelles civiles. La femme doit affermir son action, la femme doit voter. La femme, ressort moral de son foyer, doit tenir sa place dans le complexe engrenage social du peuple. C’est ce qu’exige une nécessité nouvelle de s’organiser en groupes plus étendus et plus conformes à notre temps. C’est en somme ce qu’exige la transformation du concept même de femme, à présent que le nombre de ses devoirs s’est accru de manière sacrificielle, sans que dans le même temps elle ait réclamé le moindre de ses droits. »

 

 

Puis elle crée des colonies de vacances, elle favorise la pratique du sport dans les quartiers populaires. En 1949, elle fonde le Parti péroniste féminin qui comptera jusqu’à 500 000 membres en 1952 dans un pays de 16 millions d’habitants. Elle devient la voix des sans chemises (descamisados) pour qui elle fait construire des dispensaires, des maisons de retraite des foyers pour jeunes filles et pour orphelins, et pour qui elle assemble un train-hôpital de neuf wagons qui sillonne tout le pays. Elle distribue même des dentiers et des machines à coudre.

 

 

Après l’élection de son mari à la présidence de la République, elle fait distribuer trois millions de portraits du couple (dont l’officiel ci-dessous), sept millions de cartes postales, quatorze millions de brochures.

 

 

Femmes au pouvoir (14)

Un fort mouvement populaire souhaite qu’elle candidate à la vice-présidence. Le peuple voulait à tout prix qu’elle candidate à cette fonction, comme en témoigne un extraordinaire échange entre elle et une foule de sympathisants (source Wikipédia) : »

 

José Espejo (CGT) : 

 

Madame, le peuple vous prie d’accepter votre poste.

 

Evita : Je demande à la Confédération générale du Travail et à vous, au nom de l’affection que nous professons les uns pour les autres, de m’accorder, pour une décision d’une telle portée dans la vie de l’humble femme que voici, au moins quatre jours.

 

Peuple : Non, non, mettons-nous en grève ! Déclenchons la grève générale !

 

Evita : Camarades, camarades… je ne renonce pas à mon poste de combat. Je renonce aux honneurs. (Pleure). Je ferai, finalement, ce que décide le peuple. (Applaudissements et vivats). Croyez-vous que si le poste de vice-présidente avait été une vraie charge et que si j’avais, moi, été une solution, je n’aurais pas d’ores et déjà répondu oui ?

 

Peuple : Une réponse ! Une réponse !

 

Evita : Camarades, au nom de l’affection qui nous unit, je vous demande s.v.p. que vous ne me fassiez pas faire ce que je ne veux pas faire. Je vous le demande, à vous, comme amie, comme camarade. Je vous demande de vous disperser. (La foule ne se retire pas). Camarades, quand Evita vous a-t-elle trompés ? Quand Evita n’a-t-elle pas fait ce que vous désirez ? Je vous demande une seule chose, attendez jusqu’à demain.

 

Espejo (CGT) : La camarade Evita nous demande deux heures d’attente. Nous allons rester ici. Nous ne bougerons pas avant qu’elle ne nous ait donné la réponse favorable.

 

Evita : Ceci me prend au dépourvu. Jamais dans mon cœur d’humble femme argentine je n’ai pensé que je pouvais accepter ce poste… Donnez-moi le temps pour annoncer ma décision au pays à la radio.»

 

Mais elle renonce car elle sait sa santé déclinante.

 

 

Elle décéde le 26 juillet 1952, après d’atroces souffrances, des suites d’un cancer fulgurant du col de l’utérus (la première épouse de Juan Perón était morte de la même maladie). Pour qu’elle guérisse, des dizaines de messe furent dites dans toutes le pays et un cortège de plus de 1 000 camions roula pour elle. Elle avait 33 ans. Il lui est alors rendu un hommage sans précédent dans le pays. Son corps est embaumé et déposé au siège de la centrale syndicale CGT. Deux millions de personnes suivent son cercueil. À l’avènement de la dictature civico-militaire dite Révolution libératrice de 1955, son cadavre est enlevé, séquestré et profané, puis dissimulé durant seize ans.

 

Après sa mort, parait son livre Mi Mensaje (Mon message) dans lequel on peut lire :

 

« Je me rebelle indignée, avec tout le venin de ma haine, ou avec tout le feu de mon amour – je ne sais encore – contre le privilège que constituent encore les hautes sphères des forces armées et du clergé. Perón et notre peuple ont été frappés par le malheur de l’impérialisme capitaliste. Je l’ai vu de près à travers ses misères et ses crimes. Il se dit défenseur de la justice, tout en étendant les griffes de sa rapacité sur les biens de tous les peuples soumis à sa toute-puissance… Mais plus abominables encore que les impérialistes sont les oligarchies nationales qui se soumettent à eux en vendant ou parfois en offrant, pour quelques pièces de monnaie ou pour des sourires, le bonheur de leurs peuples. »

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commentaires

A
Un peuple qui a inventé le tango ne peut pas avoir la même relation à la politique que les autres. <br /> L'exemple Éva Péron, jusqu'à cet article était resté dans un coin de ma réflexion, en suspend et sans avis. Sans doute parce que on y trouve tout ce qui chez nous, chez moi produit du rejet. Du culte de la personnalité aux relations diplomatiques avec le régime franquiste en passant le statut de l'armée dans ce dispositif. Aurais-je été péroniste ? Sans doute pas. Mais apparemment Eva Péron a soulagé bien des douleurs et on se demande si ce n'est pas cela le plus important même si ça a été provisoire même si le structures sociales dominantes n'ont pas été ne serait-ce que fragilisées par cette expérience.<br /> Chez nous on est plutôt, enfin quand on est de gauche, plutôt de la culture Louise Michel. Le dénûment et l'ascétisme.<br /> Cependant on aurait tort de rejeter tout d'un bloc quand ce pays a donné au monde une musique issue d'immigrés italiens , espagnols et jouée avec un instrument - le bandonéon - d'origine allemande, quand ces chansons ont été chantées par un chanteur d'origine toulousaine et qu'un des ces plus grands instrumentistes, Astor Piazzolla, a étudié à Paris avec Nadia Boulanger.<br /> Cette musique est peut-être ce qui exprime avec justesse l'âme de se pays faite de contradictions puisqu'elle est selon la formule bien connue " une pensée triste qui se danse ".<br /> Mais quand on évoque l'Argentine on se souvient inévitablement aux 14 " folles de la place de mai ", en 1977, un peu plus d'un an après le coup d'État militaire. Et ça rend très modeste;<br /> On se rappelle qu'à une cinquantaine de kilomètres au nord de Buenos Aires de l' autre coté du golfe il il y a l'Uruguay ou bien encore des films avec Ricardo Darin, comme carancho, Dans ses yeux (El secreto de sus ojos), El Presidente (La cordillera) ou encore Heroic Losers (La odisea de los giles) qui nous parlent de la société argentine, qui nous montrent ses rues ou encore des villages perdus au fond de la pampa. Peut-être un pays rêvé mais si intéressant vu d'ici ?
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