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16 mars 2022 3 16 /03 /mars /2022 06:01

Par Maxime de Blasi

 

Maxime De Blasi, habitant de Paris, essayiste et auteur-compositeur-interprète, dénonce l'inflation des téléservices proposés par les mairies.

 

Si vous habitez Paris comme moi, vous avez peut-être récemment tenté de faire renouveler votre passeport ou votre carte d’identité. Il y a trois mois, je me suis donc connecté sur le site « Services en ligne » de Paris afin d’obtenir un « rendez-vous titres d’identité » dans l’une des mairies d’arrondissements pour déposer le dossier de demande et les pièces justificatives en « présentiel », ultérieurement instruits par l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

 

Or, cette prise de rendez-vous ne peut s’effectuer que sur ce site et le hic c’est qu’il répond systématiquement qu’« aucun rendez-vous n’est actuellement disponible » et ce sur « les cinq prochaines semaines » ! – délai de prise de rendez-vous pour un dépôt des pièces auquel se rajoute le délai d’instruction par les services de la mairie puis de traitement par l’ANTS. Et la carte censée afficher la géographie des créneaux disponibles reste désespérément vide.

 

Ce n’est pas faute pourtant d’avoir essayé quelques dizaines de fois, à des jours et des horaires différents, même ceux recommandés par le site (lundi matin et vendredi après-midi) mais cette fin de non-recevoir apparaît toujours, nette et définitive. Si parfois des propositions de rendez-vous apparaissent, le temps d’en sélectionner une et de compléter les champs demandés, le site renvoie à la fin dans les cordes en répondant que le rendez-vous proposé n’est plus disponible, sans doute pris par quelqu’un entretemps.

 

Déni de service public

 

Et si vous souhaitez avoir un contact humain, n’y pensez pas car il indique que « les téléconseillers du 39 75 n’ont pas davantage de créneaux à vous proposer que ceux affichés sur le site » (sic). Ou encore, si, comme moi, vous décidez de vous rendre physiquement à la mairie d’arrondissement comme c’était la procédure usuelle avant le passage obligé par le site, les agents d’accueil, tout en reconnaissant la paralysie du site, vous renvoient vers… le site ! L’humain est décidément soumis à la machine, il n’y a pas d’autre voie.

 

Sur sa page, la mairie de Paris indique qu’une forte affluence est actuellement liée au report de titres provoqué par le confinement de 2020. Et la vague du variant Omicron a, depuis décembre, renforcé l’obligation de télétravail qui s’applique également aux agents des mairies. Mais mes tentatives remontent avant, à octobre dernier, à une période où l’effet du passe sanitaire avait permis de reprendre une vie normale, et le site était alors tout autant paralysé. Surtout, ce qui se dit sur les forums, c’est que pour obtenir un titre, il est préférable pour les Parisiens de se déplacer dans… une mairie de banlieue où le délai d’obtention d’un rendez-vous peut être rapide, de l’ordre de quelques jours, la demande pouvant s’effectuer partout, ce qui révèle en creux la mauvaise organisation existant à Paris.

 

En pratique, les Parisiens font ainsi face à un déni de service public qui les oblige à se reporter vers les villes de banlieue, lesquelles se voient confrontées à un afflux de Parisiens. Paradoxal report de charges qui ne dit pas son nom alors même que les Parisiens acquittent une taxe foncière deux fois moins élevée au mètre carré que par exemple dans la ville déshéritée limitrophe d’Aubervilliers. L’occasion de rappeler les inégalités criantes de la fiscalité locale en Île-de-France.

 

[…]

 

L’ancien Défenseur des droits Jacques Toubon, comme sa successeuse Claire Hédon, confrontés à une augmentation de 20 % en deux ans des saisines de Français se plaignant des difficultés d’accès au service public provoquées par la dématérialisation des procédures ont régulièrement alerté les administrations dans leurs interventions et rapports publics. Les associations Secours Populaire et ATD Quart-Monde ont récemment demandé « l’arrêt de la numérisation à marche forcée » qui accuse les inégalités sociales en oubliant ce quart des Français qui ne disposent pas d’ordinateur ou de smartphone ou encore les centaines de communes encore privées de connexion internet.

 

Sans oublier bien sûr les personnes âgées et plus généralement le tiers des Français qui disent ne pas être à l’aise avec l’informatique. En pratique, des intermédiaires se sont même développés pour effectuer les démarches moyennant finances, à rebours total de l’idée de service au public, a fortiori quand il s’agit de répondre à une obligation fixée par l’État, celle de détenir un titre d’identité à jour.

 

Le défenseur des droits réclame que soit maintenu un système classique d’accueil physique et téléphonique pour les publics qui le souhaitent ou n’ont pas accès à Internet, qui, ainsi que je l’ai relevé plus haut n’existe pas à Paris, ni par téléphone, ni physiquement.

 

 

Mairie de Paris : quand le tout-numérique menace le service public
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