Je crois que c'est le journaliste et romancier canadien Pierre de Grandpré qui a dit que l'expérience n'était pas transmissible.
Je ne suis donc pas étonné de ne pas pouvoir transmettre à mes deux dernières comment j'ai vécu l'extraordinaire effervescence de la musique populaire (la “ pop music ”) dans les années soixante. Elle a façonné ma vie et conditionné une partie de ma recherche universitaire.
Il ne se passait pas une semaine sans qu'une création originale, que l'on se mettait instantanément à fredonner, puis à déchiffrer (je ne serais peut-être pas devenu prof d'anglais sans les Beatles et Dylan), nous tombe dessus, complètement inattendue, inimaginée plus qu'inimaginable. Á chaque fois, non seulement des nouvelles sonorités, mais aussi une approche nouvelle de la vie, une vista, c'est-à-dire une vision du monde mais aussi une clairvoyance, un résumé de l'avant et une anticipation de l'après.
Ci-dessous, les "120 plus grandes chansons des années soixante". Si l'on ne s'en tient qu'aux trois premières ("Hey Jude", "Satisfaction", "Like a Rolling Stone"), elle seront encore présentes, chantées et jouées dans 100 ans. Mais, bien sûr, cette liste – impérialisme culturel anglo-saxon oblige – a un gros défaut : elle ne compte pas une seule chanson française ("Et maintenant"), belge ("Ne me quitte pas"), et la seule chanson italienne présente est la version, en anglais, par Elvis Presley, d'"O sole mio". Pas une chanson du monde hispanique ou russe.
Mais ne boudons pas notre plaisir...
PS : Á propos des Beatles.Toutes leurs chansons, les plus grands succès au premier chef, sont désormais pour nous des œuvres “ évidentes ”, au même titre que “ La Petite musique de nuit ” ou le “ Ständchen ”. Jouons au jeu suivant : nous venons de la planète Mars et nous ne savons rien des Beatles et de leur musique. Un groupe de musiciens et chanteurs très talentueux, les Analogues, a entrepris d'interpréter sur scène un certain nombre de leurs œuvres en respectant au millimètre leurs orchestrations, leurs harmonies etc. On a donc, grâce à eux, les chansons des Beatles comme au premier jour. En faisant semblant de croire que les Analogues ont créé ces œuvres, on se dit qu'à l'évidence elles sont d'une inventivité phénoménale. Ici les exemples de “ A Day une the Life ” ou “ Golden Slumbers ”. Ici, une heure en compagnie des Analogues.
Est-il besoin de préciser que les Analogues sont néerlandais, que leur anglais est parfait et qu'il est impossible de détecter leur origine “ étrangère ” ?
Et puis, une petite séquence pour la route : un “ flashmob ” de trois grands succès des Beatles, Place Plumereau à Tours, à deux pas de l'endroit où Raphaëlle et Rébecca ont vécu leurs premières années.