Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 juin 2022 4 02 /06 /juin /2022 05:01

Selon Denis Fougère et Mirna Safi, sur l'ensemble de la période allant de 1968 à 1999, 11% des immigrés avaient acquis la nationalité française (hors acquisition par mariage). Les immigrés originaires d'Algérie, du Portugal et de Turquie sont les moins fréquemment naturalisés, par opposition à ceux venus d'Asie du Sud-Est et des l'Afrique subsaharienne. Être inactif ou ouvrier diminue les chances de naturalisation. L'acquisition de la nationalité a un impact positif sur l'accès à l'emploi des immigrés (In “ L'acquisition de la nationalité française : quels effets sur l'accès à l'emploi des immigrés ? ”).

 

Les naturalisations sont en baisse depuis 2005. Les naturalisés étaient plus de 92 000 en 1995, 168 826 en 2004, puis un peu plus de 150 000 en 2005. 113 608 en 2015, 110 014 en 2018,  109 821 en 2019 et 84 864 en 2020 première année de la crise sanitaire. Entre 2016 et 2020 les acquisitions de la nationalité française par mariage se chiffraient respectivement à 20 702, 17 476, 21 000, 25 262 et 18 223. Les femmes sont aussi nombreuses que les hommes à acquérir la nationalité française, avec une chute des Maghrébines qui sont passées de 50% en 2005 à 37% en 2014.

 

Un problème sérieux est que, dans notre culture, dans notre imaginaire, un Français maghrébin reste un immigré. Selon le démographe Hervé Le Bras, hier tout était simple : on était français ou étranger. Aujourd’hui on peut être français, mais Français “ immigré ”. La “nocivité” du mot est de faire “fi de la naturalisation”, et plus grave, d’avoir “gonflé la partie étrangère en lui adjoignant les naturalisés, ce qui a creusé l’écart entre ces derniers et les Français”. Ainsi, en renvoyant le naturalisé à son étrangeté on élargissait, “le fossé […] entre les Français de naissance et les immigrés”.

 

L'immigration ad vitam aeternam est-elle un frein à l'assimilation, et même à l'intégration ?

 

Naturellement, on ne réécrit pas l'histoire et il est vain de revenir sur les occasions manquées. Il n'est pas interdit cependant de se demander si l'immigration perpétuelle a empêché l'assimilation d'une bonne partie de l'immigration. La continuation d'un flot d'immigration important en provenance d'Afrique du Nord dans un contexte de chômage massif et structurel a empêché de nombreux immigrés de bénéficier de conditions économiques et sociales décentes, ce qui a fait obstacle à une vraie assimilation et a, en revanche, nourri dans l'Hexagone un fondamentalisme né en Algérie.

 

Il semble que l'actuel président de la République soit en faveur d'un multiculturalisme “ à la française ”. En 2017, ce pur produit de l'enseignement supérieur français et homme de culture qualifiait la culture française de “ diverse et multiple ” en assénant qu'il “ n'y a[vait] pas de culture française ”, après avoir, au Puy du Fou et ailleurs, évoqué son amour pour les belles lettres et la pensée française. Il semble bien que sa vision la moins incohérente est celle d'un monde ouvert où il faut constamment s'adapter et où l'économie, le social et la culture ne sont pas enracinés dans la tradition, n'ont pas d'assignation particulière. L'actuel président envisage-t-il une société pluriethnique avec des normes majoritaires dominantes que respecteraient des cultures minoritaires qui seraient elles-mêmes respectées ? Il faudra alors s'accommoder de dirigeants du style Erdogan qui, voulant le beurre et l'argent du beurre, demande à ses ressortissants migrant vers la France de réclamer la nationalité française tout en affirmant que l'assimilation est “ un crime contre l'humanité ”. Pour Erdogan, la nationalité est, à proprement parler, de papier : “ rendre un passeport français ne vous fait pas perdre votre identité turque ”. Il est clair que pour lui les Turcs résidant en Europe sont les “ diplomates ” de la Turquie.

 

Pour simplifier, on dira que l'assimilation est l'acceptation de la société en tant qu'État tandis que l'intégration est l'entrée dans une société d'individus, principalement par le biais de l'emploi. L'assimilation abolit les différences : vous croisez dans la rue un Sicilien d'origine sans penser un seul instant que ses parents ou grands-parents ont émigré il y a peu (comme les Bretons ou les Auvergnats de Paris dans la première moitié du XXe siècle). L'intégration n'abolit pas les différences : elle les dissout dans l'économie, étant basée sur un contrat. On comprend donc pourquoi l'Union Européenne met en avant le modèle intégrationniste car il est, selon ses termes, “ un processus dynamique à double sens d'acceptation mutuelle de la part de tous les migrants et résidents des États membres. Ce processus […] est essentiel pour mettre à profit le potentiel qu'offre les migrations ainsi que pour améliorer la cohésion sociale. ”

 

Pendant ce temps, l'acceptation des mœurs de la société dominante est passée par pertes et profits. Mais bien des faits de société, impensables il y a quarante ans, sont entrés dans la norme : le voile islamique contre lequel des femmes se battent courageusement en Iran, l'abattage halal qui concerne désormais la moitié de la viande vendue dans notre pays, la polygamie et l'excision pratiquées discrètement, l'interdiction du blasphème de plus en plus répandue, la critique d'une religion immédiatement taxée de “ racisme ”, l'existence de “ territoires perdus de la République ”, la baisse du niveau scolaire pour quantités d'enfants issus de l'immigration, le clientélisme  régulateur de paix dans les cités et de statu quo, les subventions versées à des associations dites “ culturelles ”.

 

Assimilation ou intégration ? (II)
Partager cet article
Repost0

commentaires