Toujours donner le lieu d’où l’on parle : je ne suis nullement climato-sceptique. L’âge aidant, j’ai eu le temps d’observer que les hivers rigoureux – en France pour ne parler que de notre pays – étaient de plus en plus espacés et que les étés caniculaires étaient de plus en plus rapprochés. J’ai eu également la possibilité d’observer, en effectuant à de nombreuses reprises, autour de 1985, la randonnée pour moi mythique du Glacier blanc, que celui-ci reculait annuellement de 50 à 60 mètres.
Ainsi donc, en juillet 1947, il fit 40°4 à Paris. Mes parents, qui se marièrent en ce beau mois dans le nord de la France, ont dû sentir passer la chaleur, bien plus accablante qu’à Alger ou Ajaccio. Mais lorsque je naquis en mai 1948, le printemps pourri annonçait un été encore plus pourri, limite froid.
Ne me demandez pas d’expliquer les aberrations climatiques, qui ne datent pas d’hier apparemment. Je n’ai aucune compétence en la matière. Mais je me souviens, par exemple, très nettement, de l’hiver 1970. Il neigea de manière très inhabituelle à Poitiers où il fit -11° début janvier, avant un redoux exceptionnel en février. Á Val d’Isère, le chalet de l’UCPA fut enseveli par une avalanche. On compta 39 morts. Au même moment, venue de Belgique et du nord du pays, une tempête d’une extrême violence balaya des régions entières. Le vent avait une force telle que des vaches se retrouvèrent au sommet d’arbres. Mars et début avril connurent des giboulées comme personne n’avait vues de son vivant. Mi-avril, il fit 25 degrés en pays de Loire. La fonte des neiges provoqua des glissements de terrain en montagne. Le sanatorium du plateau d’Assy s’effondra et 71 personnes dont 56 enfants périrent dans leur lit. Pour beaucoup, sans se rendre compte de quoi que ce soit.
Il se trouve qu’au début des années 1980, il y a donc 40 ans, j’enseignais à l’Université nationale de Côte d’Ivoire, à Abidjan où il n’a jamais fait froid, et que j’avais pour amis et collègues une joyeuse bande de physiciens de l’atmosphère. De météorologues, pour parler simplement. Ils étaient tous bardés de doctorats divers et variés et étudiaient, de manière très pointue, des phénomènes climatiques dans la région.
On parlait déjà à l’époque de réchauffement, de l’effet de serre (greenhouse effect, comme on disait dans les publications scientifiques), de fonte de la calotte polaire (l’arctique, en attendant pire). Me souvenant qu’une des causes de la Révolution française était que, des dizaines d’années durant, le peuple avait crevé de faim en raison, tantôt d’hivers glaciaux, tantôt d’hivers pourris, je leur demandai un jour si le réchauffement était structurel ou conjoncturel. Ils étaient six ou sept devant moi et j’obtins six ou sept réponses différentes : du conjoncturel péremptoire au structurel accablé.
Nous étions fin juin et je leur posai une question de rattrapage : qu’elles étaient leurs prévisions pour l’été dans le nord de la France ? Ils me répondirent qu’ils étaient capables de prévoir le temps à cinq jours avec 95% de réussite. Au-delà, il fallait s’en remettre aux prévisions de la grenouille d’Albert Simon à Europe 1. C’est dire que, pour eux, les prévisionnistes à un ou deux mois étaient des foutriquets. Ils prévoiraient aujourd’hui, grâce aux progrès scientifiques, à dix jours. Pas plus.