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18 juillet 2022 1 18 /07 /juillet /2022 05:01

 

Il n’est pas simple de choisir des prénoms pour nos enfants. C’est un exercice périlleux. On commet souvent, plus ou moins consciemment, des bourdes irréparables. Sans croire pleinement au déterminisme, force est de constater que nous sommes marqués par nos prénoms, comme par nos patronymes d’ailleurs. Tenez, moi, par exemple : je m’appelle Gensane. C’est un nom d’origine catalane (côté français) qui veut dire, vraisemblablement, « homme fort ». Il se trouve que mes parents, sans connaître sa signification, m’ont donné comme prénom Bernard, qui signifie chez les Teutons « ours endurci » (ils ne devaient pas non plus connaître l'histoire de mon saint-patron, Bernard de Clairvaux, une sorte de facho pour l'époque, intégriste, belliciste). Ils ont donc doublé le sens du nom par celui du prénom. Il n'empêche : comme tout le monde, j’ai eu mon lot d’ennuis de santé, mais j’ai l’illusion d’être costaud. Cela dit, toutes les Cécile ne sont pas aveugles, tous les Claude ne sont pas boiteux, même si, comme les Dominique et tous ceux qui portent un prénom mixte, ils peuvent avoir des problèmes d’identité sexuelle. Sans parler des Jean-Marie (n’est-ce pas, Le Pen ?) et autres Marie-Jean ou François-Marie. Au XVIIIe siècle, s’appeler François-Marie, dans les classes privilégiées, ne posait aucun problème (Arouet, dit Voltaire). Il n’en allait pas de même au XXe siècle (Banier).

 

Revenons aux bourdes. Il y a les prénoms qui connotent à mort. Dans les classes défavorisées, les feuilletons californiens ayant fait des ravages, on plaindra, dans cinquante ans, les Kevin et autres Brandon. L’été, sur les plages de Vendée, on rencontre des Anne-Christelle aux jupes plissées, des Louis-Olivier et autres Blaise-Gontran, très propres sur eux et qui nous viennent de familles catholiques de l’Est de la France. On sait immédiatement à qui l’on a affaire.

 

Et puis, il y a les vraies bourdes. J’ai connu un Hémard que ses parents avaient prénommé Jean. J’ai un petit cousin Gensane qui porte également ce prénom, ce qui, euphoniquement, n’est pas du plus bel effet. Je me souviens d’un couple qui avait appelé ses enfants Côme et Pacôme. Vous imaginez : « Côme, viens ici ; Côme, pas Pacôme ! » Je me souviens de deux parents un peu hippy vers 1970 qui avaient enfoncé sciemment leur fils en lui donnant les trois prénoms Maur, Pie, et Ion. Pensons également aux enfants qui remplacent les morts : une Françoise, dénommée ainsi parce que son grand-père, François, était parti trop tôt. Il y a des prénoms qui diminuent : un Marcel appelle son fils Marc et lui coupe, inconsciemment, les ailes. D'autres prénoms augmentent : un Jean appelle son fils Jean-Pierre. Sans parler des prénoms de substitution : un garçon s’appelle Michel parce que ses parents attendaient une Michèle. À propos de Michel, souvenons-nous de Michel Rocard qui avait surnommé sa deuxième femme Michèle “ Micheleu ”. Ce faisant, il ne pouvait pas ne pas la masculiniser.

 

Aujourd’hui, dans les familles un peu bobo, on observe une tendance intéressante. En voulant bien faire, des parents choisissent, quand c’est possible, un prénom constitué de leurs propres prénoms. Anne et Jean vont appeler leur fille Jeanne. Plus compliqué, Yolande et Yann appelleront leur fils Yohan. Je dirai que ces parents se bercent d’illusions. Ils veulent, ou ils croient ainsi, exprimer la fusion de leur noyau familial. Selon moi, c’est exactement ce qu’il ne faut pas faire. Tout enfant, tout individu a beaucoup de difficultés à se forger une identité, surtout dans une famille très unie, ou qui pense l’être. Il ne pourra pas devenir ce qu’il est si son prénom est le prolongement ou la ratatouille de celui de ses parents.

 

Le chef cuisinier et animateur anglais Jamie Oliver a donné à ses enfants les prénoms suivants : Daisy Boo, Poppy Honey, Petal Blossom Rainbow et Buddy Bear Maurice. On peut traduire ces dingueries par Marguerite Beuh, Miel de coquelicot, Arc-en-ciel fleuri de pétales (ou Arc-en-ciel de pétales pour fleurs, ou je ne sais quoi encore, l'anglais est parfois une langue très imprécise) et Maurice le copain nounours.

 

Il est déjà très difficile pour un enfant d'avoir pour parent une célébrité. Mais quand, circonstance aggravante, on porte un prénom aussi grotesque que crétin, la boulimie/anorexie n'est pas une menace en l'air.

 

PS : Quant à Raphaëlle et Rébecca, fastoche ! On a commencé par Raphaëlle. Des parents athées qui sont allés chercher un prénom dans l'Ancien Testament. Mais attention : trois syllabes. Pour Rébecca, pareil : Ancien Testament, trois syllabes. Mais nous ne les appelons que par un diminutif d'une syllabe. Sauf lorsque nous sommes mécontents. Alors les trois syllabes claquent.

Choisir un prénom
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commentaires

A
Du coup je suis allé voir Alfred. Bon je passe sur le caractère attaché à ce prénom parce qu'il n'y a que des qualités. Normal. Mais j'ai l'impression - impression basée sur la règle prouvée scientifiquement du pifomètre - que si mes parents m'avaient appelé Albert je serais différent. <br /> Enfin selon internet l'âge moyen des Alfred est 90 ans. C'est bien : parce que pour un fois depuis longtemps je fais parti de la jeune génération et que malgré mon âge j'ai encore de la marge.<br /> Maintenant il est un cas qui n'est pas évoqué ici, celui des parents qui, ayant perdu un enfant, décident d'en avoir un autre et de lui donner le prénom de celui qui est décédé. J'ai connu 2 cas. Dans le 1er il s'agissait d'une fille Michelle qui a été suivie d'un garçon Michel dont le mariage, suivi d'enfants ne semblait pas à priori programmé par la Destinée. <br /> Dans le second - je ne souviens plus du prénom - il s'agissait d'un collègue de travail qui avait perdu un garçon mort d'une leucémie et dont l'épouse avait donné naissance à un second garçon qui s'est avéré être trisomique. Notre visite, ma femme et moi, à la maternité ne s'est pas déroulée, on imagine, dans l'atmosphère habituelle attachée à ce genre d'événement<br /> Mais hormis ces cas particuliers on voit très bien le problème que pose d'un point de vue principiel ce choix : donner au suivant le même prénom de celui qui a disparu. Je suppose que cette question s'est naturellement aux parents . Le problème : celui de nier la spécificité du second et rappeler constamment l'absence du premier. Peut-être qu'après tout cette situation ne pose pas problème mais c'est un choix dont on mesure le bonheur de ne pas y avoir été confronté. Pour cette raison on ne peut même pas affirmer qu'on ne l'aurait pas fait car l'idée même de cette hypothèse est déjà une meurtrissure. <br /> NB : dans l'école primaire de mon épouse, un de ses collègue avait une élève qui s'appelait Raquel Welsch si bien que le premier jour l'instit. lui a fait répéter son nom croyant à une blague. Bon, après faut assurer même si depuis l'actrice du même nom n'est plus très connue.
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J
Lorsque j'étais à l'école primaire il y avait dans ma classe un Charles Martel.
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A
J'ai pour ma part connu un Charles Magne et une Aude Vesselle, ainsi qu'une Magali Bidot.