Très bon article du juriste Nils Melzer dans Le Monde Diplomatique d'août 2022 sur la manière dont le gouvernement britannique a traité le dictateur criminel Pinochet, puis le journaliste pacifique mais ô combien rigoureux Julian Assange.
A la fin de l'article, Melzer dénonce la complicité passive des médias britanniques face à la véritable ordalie que subit Assange :
Il ne fait aucun doute qu'une action de solidarité menée conjointement par The Guardian, la BBC, The New York Times et The Washington Post mettrait immédiatement fin à la persécution d'Assange. Car, s'il y a une chose que les gouvernements craignent, c'est l feu des projecteurs médiatiques et l'examen critique de la presse. Ce qui se passe dans les grands médias britanniques, américains et australiens vient trop simplement trop faiblement et trop tard. Comme toujours, leurs reportages continuent d'osciller entre l'insipide et le boiteux, relatant docilement une chronique judiciaire sans même comprendre qu'elle exprime une régression sociétale monumentale : des acquis de la démocratie et de l'État de droit aux âges sombres de l'absolutisme et de l'arcana imperii - un système de gouvernance fondé sur le secret et l'autoritarisme. Une poignée d'éditoriaux et de chroniques peu enthousiastes, peu audacieux qui, dans The Guardian et The New York Times, réprouvent l'extradition d'Assange, ne sont pas suffisants pour convaincre.
Si ces deux journaux ont timidement déclaré que la condamnation d'Assange pour espionnage mettrait en danger la liberté de la presse, pas un seul média grand public ne proteste contre les violations flagrantes de la procédure régulière, de la dignité humaine et de l'état de droit qui ont marqué l'ensemble de l'affaire. Aucun ne demande aux gouvernements impliqués de rendre compte de leur crimes et de leur corruption ; aucun n'a le courage de poser des questions gênantes aux dirigeants politiques. Ils ne sont plus que l'ombre de ce qui était autrefois le " quatrième pouvoir".
J'en profite pour relater une anecdote personnelle. Quelques jours avant le coup d'Etat, alors que nous savions tous que l'irréparable allait être commis, j'en discutais avec un ami franc-maçon qui me dit que les deux ennemis allaient trouver un arrangement car ils étaient tous les deux " frères". Je savais pour Allende, mais certainement pas pour Pinochet. De fait, le premier avait promu le second en partie parce qu'il était FM. Malheureusement, l'allégeance maçonnique ne fit pas le poids face à la solidarité militaire et aux convictions dictatoriales d'un officier que tout le monde - à commencer par Allende - avait cru falot.