Lors du passage du cortège de la reine dans différentes villes, la police a arrêté et menacé des personnes qui protestaient contre la monarchie.
Au moins quatre personnes ont été arrêtées à Édimbourg, en Écosse, dont une femme qui a ensuite été inculpée. Un homme a été arrêté à Oxford lors d’un événement de proclamation pour Charles III, puis libéré par la police de la Thames Valley.
Furent arrêtés, entre autres :
À Édimbourg, la femme arrêtée l'a été « en relation avec une violation de la paix » (breach of the peace) pour avoir brandi, devant la cathédrale de Saint Giles où le cercueil de la reine était attendu, une pancarte disant « Putain d’impérialisme, abolissez la monarchie » .
Un homme de 22 ans a été arrêté à Édimbourg pour avoir crié : « Andrew, tu es un vieil homme malade ». Allusion, à l’évidence, à l’amitié du prince avec le délinquant sexuel condamné Jeffrey Epstein. Il a été violemment projeté au sol par deux spectateurs (qui n’ont pas été inquiété pour leur action violente), puis rudoyé avant d’être emmené par la police et arrêté. Il a été inculpé d’atteinte à l’ordre public. L’insulte a été désapprouvée par la foule qui l’entourait. L’homme semblait porter le maillot du club A-League Melbourne City. Alors qu’on l’emmenait, il a crié à l’adresse du prince : « répugnant ». Il risque théoriquement 10 ans de prison.
À Oxford, Symon Hill fut arrêté et menotté pour « trouble à l’ordre public » après avoir crié « qui l’a élu ? » pendant la lecture de la proclamation de Charles.
Le même jour, Paul Powlesland, avocat, a été menacé d’arrestation à Londres. La vidéo de l’événement a été vue par plus de 1,4 million de personnes. Powlesland a tweeté : « Je suis allé à Parliament Square et j’ai brandi une feuille de papier vierge. Un policier est venu et m’a demandé mes coordonnées. Il m’a confirmé que si j’écrivais “ Pas mon roi ”, il m’arrêterait en vertu de la loi sur l’ordre public parce que quelqu’un pourrait être offensé ». Powlesland s’était pourtant exprimé poliment et en termes mesurés.
La colère généralisée suscitée par la répression policière a provoqué une réponse de commentateurs politiques de premier plan défenseurs de la monarchie. Ils ont prévenu que les attaques de la police contre les citoyens républicains – au moins un quart de la population – fragilisaient les institutions et ne pouvaient que se retourner contre la monarchie.
L’Écossaise Pippa Crerar, responsable des pages politiques du Guardian (quotidien connu pour ses sympathies républicaines), a tweeté : « La police doit faire attention à ne pas dépasser les bornes ». Sa consœur, plutôt clivante, Marina Hyde a pour sa part estimé qu’« étouffer la dissidence peut se retourner contre ceux qui ont le pouvoir ». Pour elle, « montrer ses muscles est un signe de faiblesse.
Lundi à 21h16, la police de Londres a averti ses agents que le public avait le droit de manifester contre la monarchie après une vidéo montrant les forces de l'ordre escortant une protestataire et des arrestations dans le reste du Royaume-Uni depuis la mort d'Elizabeth II.
La police dispose donc de moyens exorbitants pour réprimer les délits d’opinion, pour empêcher les manifestations. Une pancarte anti-monarchie peut vous emmener devant les juges. Le parti travailliste et les syndicats n’ont réagi que très mollement aux nouvelles lois votées récemment par les conservateurs pour restreindre la liberté d’expression. Depuis 2019, le parti conservateur ne cache pas son intention d’engager une évolution constitutionnelle sur les libertés et droits fondamentaux. Derrière cette réflexion se cache une attaque contre les juges qui sont accusés d’avoir trop de pouvoir.
Répétons-le, la répression de la liberté d’expression ne serait pas possible sans le soutien du Parti travailliste et des syndicats. Dans l’heure qui a suivi la mort de la reine, les syndicats des postes et des chemins de fer ont annulé les grèves nationales en cours et à venir. Le Royal College of Nursing a même interrompu un vote de grève en cours auprès de quelque 465 000 membres du syndicat des infirmiers et infirmières, « par respect ».
Mardi, le chroniqueur du Guardian et membre du Parti travailliste Owen Jones a fait état de directives envoyées à tous les députés travaillistes par la direction du parti, leur interdisant de publier quoi que ce soit sur les réseaux sociaux, à l’exception d’hommages à la reine, et les empêchant de s'exprimer dans les médias, par exemple sur l’inflation galopante ou sur la guerre en Ukraine. Parmi d’autres recommandations fermes, on peut citer : « Toutes les campagnes et activités du parti doivent cesser jusqu’à nouvel ordre » ; « Lorsqu’ils sont en public, les membres du parti et les élus doivent suivre le code vestimentaire du deuil (couleurs sombres et noires) »; «Toutes les communications politiques, y compris les mises à jour et bulletins d’information des députés, doivent être reportées pendant cette période ».
On ose espérer que ces recommandations n’augurent pas la mise en place d’un État fort, pour ne pas dire policier.
Il est piquant d’observer que des militants anti-monarchistes ont été arrêtés à quelques mètres de Westminster Hall, où ce même roi Charles III a reçu les condoléances des deux chambres, puis a déclaré : « En me tenant devant vous aujourd'hui, je ne peux m'empêcher de ressentir le poids de l'Histoire qui nous entoure et qui nous rappelle les traditions parlementaires vitales auxquelles les députés des deux chambres se consacrent avec un tel engagement personnel pour le bien de nous tous », faisant référence à La Fameuse Histoire de la Vie du Roi Henri le Huitième de Shakespeare.
Cette répression des expression anti-monarchie a lieu au moment où le gouvernement conservateur de la Première ministre Truss prépare une législation visant à criminaliser les grèves dans certaines industries et services “ essentiels ”.
Alors qu’il avait 12 ans, le prince Harry dut suivre le cercueil de sa mère Diana. Il n’en avait nullement envie mais la famille royale s’était ralliée au conseil du Premier ministre Tony Blair d’exposer ainsi le prince pour empêcher quolibets, insultes et sifflets en provenance d’une foule qui était beaucoup moins en faveur de la famille royale qu’aujourd’hui.