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2 mars 2023 4 02 /03 /mars /2023 06:01

On se demande parfois pourquoi les Ukrainiens – les chefs et le peuple, crypto-nazis ou pas – résistent et se battent avec autant d'acharnement contre l'armée russe sur leur sol. C'est qu'ils ont peut-être encore en mémoire cet épisode atrocement douloureux de leur histoire contemporaine, raconté ici par André Larané pour Herodote.net. La vérité est toujours du côté de celui qui souffre, pensait Jean-Paul Sartre. Ici, elle est du côté de ceux qui, affamés, sont littéralement mort de faim. Je sais bien qu'il y aura toujours de beaux esprits, tels Annie Lacroix-Riz, que j'admire par ailleurs, pour affirmer que cette famine n'a pas existé. Lacroix-Riz qui, même si c'est un autre débat, est capable d'arguments bien bas pour discréditer un antagoniste, ici François Furet (passé, il est vrai, du stalinisme à l'anticommunisme le plus délirant) : “ Il faut savoir qu’il existe une Chaire François Furet à Harvard. On pense [sic] que ce dernier a pu [sic] s’acheter un luxueux appartement dans l’Ile St-Louis grâce aux généreuses primes de Harvard financées par la CIA. ”

 

Le 7 août 1932, le gouvernement de l'URSS promulgue une loi qui punit de déportation ou de mort, « tout vol ou dilapidation de la propriété socialiste », y compris le simple vol de quelques épis dans un champ.

 

Cette loi, dite « loi des épis », survient alors que les campagnes soviétiques connaissent un début de famine du fait des réquisitions forcées et plusieurs millions de paysans vont mourir de faim dans les mois suivants, principalement en Ukraine.

 

Baptisée Holodomor (« extermination par la faim » en ukrainien), cette « Grande famine » provoquée par la politique brutale de Staline, maître tout-puissant de l'Union Soviétique, a été assimilée à un génocide par le gouvernement ukrainien en 2006. Elle est depuis lors commémorée tous les 25 novembre.

 

La plupart des historiens réfutent toutefois le qualificatif de génocide car d'autres régions que l'Ukraine ont été tout autant affectées et rien ne prouve que les planificateurs soviétiques aient eu la volonté d'exterminer les Ukrainiens en particulier... 

 

 

La « dékoulakisation »

 

A la fin des années 1920, l'URSS commençait à retrouver le sourire grâce à la NEP (Nouvelle Politique Économique) et à un début de libéralisation économique. Sa production agricole et industrielle retrouve en 1927 les niveaux d'avant la Grande Guerre et la Révolution.

 

Mais Staline craint que la NEP ne favorise dans les villes et les campagnes l'avènement d'une nouvelle bourgeoisie qui pourrait un jour triompher du communisme ! Il met fin à la NEP et lance un premier plan quinquennal en vue d'industrialiser le pays.

 

Pour acheter des machines à l'étranger, il a besoin d'exporter un maximum de céréales et pour cela multiplie les réquisitions forcées chez les paysans. Ces derniers résistent en réduisant leur production et les livraisons à l'État.

 

Staline accuse les paysans aisés, surnommés « koulaks » (d'un mot russe qui désigne un prêteur sur gages), de faire obstruction à sa politique au nom de leurs intérêts particuliers. Il décide « l'élimination des koulaks en tant que classe » et l'intégration de tous les autres paysans dans de grandes fermes collectives (kolkhozes) ou fermes d'État (sovkhozes). Au prix de grandes violences, 70% des terres sont collectivisées et la « dékoulakisation » est considérée comme achevée. C'est alors qu'apparaissent les premières victimes de la faim. L'ensemble du pays est affecté mais c'est au Kazakhstan que l'on compte le plus grand nombre de morts : 1 à 1,5 million, victimes des réquisitions du gouvernement.

 

La grande famine

 

De fortes résistances à la collectivisation subsistent en Ukraine où la paysannerie a développé au fil de l'Histoire des structures comparables à celles que l'on rencontre en Occident : beaucoup de petits propriétaires attachés à leur terre, à leur pope (le curé orthodoxe) et à leur église.

 

C'est ainsi qu'en 1932, le pouvoir soviétique resserre la pression sur les paysans d'Ukraine, coupables de n'en faire qu'à leur tête et suspects de nationalisme. Les représentants du Parti multiplient les réquisitions forcées, y compris dans les fermes collectives.

 

Chacun tente de survivre. C'est alors que survient la sinistre « loi des épis » du 7 août. Elle va occasionner la déportation ou la mort de milliers de citoyens pour le vol de quelques grains ou d'une pomme de terre et permettre à l'État de s'approprier la quasi-totalité de la moisson !

 

Avec l'arrivée de l'hiver, sans surprise, survient la famine. De longues files de malheureux errent le long des routes en quête de subsistance et gagnent les villes en quête de travail et secours. Mais le gouvernement communiste ne reste pas sans réagir : à la fin décembre 1932, il institue un passeport unique pour tout le pays, avec interdiction pour quiconque de quitter son village de résidence sans autorisation du Parti !

 

Affaiblis, les gens meurent de froid et de faim dans leurs cabanes, le long des routes ou sur les trottoirs des grandes villes d'Ukraine, quand ils ne sont pas déportés sur un ordre arbitraire du Parti.

 

Beaucoup de désespérés se suicident. Un nombre non négligeable se livrent au cannibalisme, enlevant les enfants des voisins ou tuant parfois leur propre enfant pour se nourrir de leur chair. Le phénomène est si peu rare que le gouvernement fait imprimer une affiche qui proclame : « Manger son enfant est un acte barbare ! »

 

La famine ne relâche son étreinte qu'au mois de mai 1933 avec le retour des fruits et des légumes dans les jardins privés.

 

La famine occultée

 

À l'étranger, où filtrent malgré tout des informations sur la famine et les excès de la « dékoulakisation », les communistes trouvent des gens complaisants, cyniques ou naïfs pour relayer leurs mensonges sur la prospérité de l'Union soviétique et de ses habitants.

 

Le cas le plus notable est celui d'Édouard Herriot, maire de Lyon et chef du parti radical français, qui se rend en URSS à l'été 1933. Il aspire à un rapprochement entre la France et l'URSS pour contenir l'Allemagne, qui vient de tomber aux mains des nazis.

 

De ce fait, après avoir parcouru l'Ukraine en compagnie des officiels soviétiques, il déclare, péremptoire : « J'ai traversé l'Ukraine. Eh bien ! je vous affirme que je l'ai vue tel un jardin en plein rendement. » Il est vrai que les communistes ont fait ce qu'il fallait pour cela, maquillant les villages où devait passer le leader occidental.

 

La famine et son aspect intentionnel ne font plus guère débat parmi les historiens. Quant aux députés ukrainiens, ils ont voté le 28 novembre 2006 une loi affirmant que « la famine provoquée par les Soviétiques est un génocide contre le peuple ukrainien ».

 

 

 

« Grande famine » et Holodomor ukrainien 
« Grande famine » et Holodomor ukrainien 
« Grande famine » et Holodomor ukrainien 
« Grande famine » et Holodomor ukrainien 
« Grande famine » et Holodomor ukrainien 
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commentaires

G
Comme dirait l'autre , leur "holomor" de circonstance m'en touche une sans faire bouger l'autre ! Je dirais même plus , " fuck l'ukraine et ses ukraignoss moitié nazi-moitié maquereaux !
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A
En surfant sur le Net ou plus simplement au hasard des vidéos qui s'ouvrent j'ai le sentiment que cette guerre Russie/Ukraine a provoqué un débat à front renversé. Non pas dans celui des positions et des discours officiels qui restent fidèles aux intérêts privés qu'ils représentent mais dans celui des interventions officieuses. Le soutien à la Russie est très très majoritaire sur internet.<br /> Je constate que majoritairement ceux qui sont apparemment à droite défendent la Russie. Je suppose que Poutine représente finalement pour ceux-là une idéologie plutôt droitière, des mœurs qui s'opposeraient frontalement au supposé laxisme occidental.<br /> On aurait imaginé que leur soutien aurait été naturellement vers les ukrainiens dont les forces militaires sont colonisées par des mouvements d'extrême-droite et dont on sait qu'ils sont des résurgences néo-nazies. <br /> Si j'évoque cette impression c'est pour montrer les limites des mémoires historiques dans les conflits d'aujourd'hui. Pour faire une comparaison peut-on penser que chez nous le panégyrique actuel des contre révolutionnaires vendéens est la conséquence de ces batailles du passé ou bien le projet actuel de contester la République et d'imposer celui de valeurs comme par exemple l'anti IVG ? <br /> Je ne nie pas qu'il y ait des mémoires longues comme l'a démontré E. Todd et comme on le constate a travers la persistance des expressions politiques comme le sont les élections mais ce qui est en jeu ce serait, selon moi, des intérêts immédiats et structurels. Ici pour la Russie il s'agit d'une question de survie, confrontée à des forces étrangères qui veulent son éclatement pour s'emparer des richesses de son sous-sol et pour l'Ukraine le maintien au pouvoir d'intérêts privés liés à des intérêts étrangers.<br /> Je veux ajouter que lisant ce texte, il m'est revenu en mémoire " Les raisins de la colères" puisqu'il s'agit là aussi de la description du drame humains de paysans contraints de quitter leur terre. Bien sûr le degré de souffrance en nombre n'est pas comparable bien qu'il le soit pour chaque individu dans sa chair et par conséquent il ne s'agit pas de diminuer le drame Ukrainien d'hier en le comparant avec celui des USA à la même époque mais ce que je constate sur le principe c'est que la décision politique en URSS est plus visible que celle aux USA où la responsabilité est plus diffuse masquant le lien entre le sommet et leurs agents de terrain. En raison de cette visibilité l' Histoire retiendra plutôt les victimes ukrainiennes et non celles qui disparaissent isolement et qui sont au total très nombreuses.
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