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29 mars 2023 3 29 /03 /mars /2023 05:01

En 1966, je passai le Baccalauréat. C’était, et c’est toujours, l’examen, le rite de passage le plus important dans la vie d’un écolier (et dans la vie tout court) car, comme les Africains le disent, il permet l’entrée dans le bois sacré de l'existence.

 

Je n’étais pas un brillant élève, sauf en anglais. Mais comme je me débrouillais assez bien dans les matières littéraires, j’obtins ce premier grade universitaire avec mention Assez Bien, après un oral dont je ne pensais pas qu’il serait aussi bon.

 

Comme il y a prescription, je peux raconter comment j’obtins la note de 13/20 à l’oral de philosophie. Il y avait trois œuvres au programme, dont une, le Ménon de Platon que je n’avais pas lue. La veille de l’épreuve, mon père me demanda si j’étais prêt pour le Ménon. Je lui répondis que ça pouvait éventuellement passer. Flairant, à juste titre, que je ne savais rien, mon père me rédigea en une nuit des notes de synthèse très précises sur cette œuvre. Naturellement, c’est ce texte que je tirai au sort. Avec une habileté dont je m’étonne encore aujourd’hui, je m’arrangeai pour ne pratiquement jamais répondre aux questions du prof – j’en étais incapable dans la mesure où mon père ne les avait pas anticipées – mais, au contraire, pour ressortir les éléments de la fiche de synthèse préparée par lui. C’était la fin de l’après-midi, le prof était peut-être fatigué, le fait est qu’il ne s’est rendu compte de rien et qu’il n’a pas trop insisté.

 

À l’oral d’anglais, ce fut épique. J’avais tiré au sort un texte de Daphné du Maurier qui ne m’inspirait guère. Au bout de deux minutes, je découvris que l’examinatrice avait séjourné dans les mêmes villages gallois que moi. Je lançai donc la conversation sur le nord du Pays de Galles et, au bout d’un quart d’heure, la prof me dit : « au fait, je ne vous ai pas interrogé sur le texte. Ce n’est pas grave, je vous donne 18/20 » (elle n'était pas censée me communiquer ma note). Très immodestement, je dois dire que mon anglais oral était meilleur que le sien, ce dont elle ne prit pas ombrage.

 

Je revis cette prof deux ans plus tard dans une manif lors de Mai 68. Je lui remémorai cet oral et l’on s'en amusa bien. Lorsque je suis devenu professeur et que j’ai eu à faire passer quantité d’oraux, je ne me suis jamais laissé piéger par un étudiant, y compris par un jeune Ivoirien qui avait essayé de me marabouter pendant un oral : en me parlant, il triturait quelque chose dans sa poche. Je m'en aperçus et lui demandai à quoi tout cela rimait. Il me dit : « c'est gri-gri contre vous ». Je lui répondis que ça ne pouvait pas marcher puisque je n'y croyais pas, et je lui donnai un 3/20.

Souvenir (7) : mon oral du Bac
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commentaires

A
Envie de répondre aux commentaires : <br /> Je ne veux pas la jouer modeste mais je ne peux m'empêcher de mesurer mes limites et pourquoi ne pas le dire mes incapacités en les confrontant aux capacités qu'ont d'autres à atteindre certains résultats. De l'obtention d'un diplôme particulier au démontage et au remontage d'un moteur thermique de voiture en passant par la réalisation de l'installation électrique d'une maison ou à toutes sortes de bidouillages électroniques, etc...<br /> Par conséquent oui s'il y a des intelligences différentes il n'empêche que nous ne sommes pas tous capables d'atteindre le résultat atteint par d'autres et il serait faux pire injuste de dévaluer le résultat atteint par ceux-là alors que nous mêmes n'en avons pas fait la preuve.<br /> On ne va pas revenir sur les déterminismes dont nous savons leur influence sur les résultats scolaires mais ce serait un peu court de fonder le succès de ces résultats uniquement sur les circonstances.<br /> J'ai l'impression d'enfoncer des portes ouvertes.<br /> Maintenant il est vrai que nous connaissons 20 exemples ou plus où des vrais cancres ont réussi dans des domaines dans lesquels l' échec scolaire aurait dû les handicaper. Je pense par exemple à Sacha Guitry. Il faut vite ajouter qu'il bénéficiait enfant d'un environnement favorable, ceci compensant cela, qui l'ont porté à s'intéresser à la littérature et qui par conséquent ont facilité l'éclosion de son talent. Ce sont des cas extrêmes mais ici comme ailleurs les extrêmes ont la qualité de mieux démontrer la pertinence d'une affirmation en poussant sa logique jusqu'au bout.<br /> Il faut de suite ajouter que l'intelligence est une capacité mais surtout un moyen. Elle ne vaut que par ce qu'on en fait.<br /> Bon dieu, ce que je viens d'enfiler de lieux communs !
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A
A supposer qu'il ait valu quelque chose ! Mon père disait que c'était une peau d'âne mais qu'il fallait en passer par là ! Pour diverses raisons bien des gens avec un bon QI n'ont pas réussi à décrocher LE BAC et au bout du compte ont réussi quand même à faire leur vie !
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G
C'est quoi pour vous "réussir à faire sa vie " ?
G
Si g bien compris , il valait déjà plus rien ce bac !
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