Au fait, d’où viennent-ils, ces fameux casseurs ? Ça fait bien cinquante ans qu’on se pose la question !
Sur le rôle ambigu de la violence dans les mouvements sociaux : ne pas oublier que toute grève efficace est un blocage et que tout blocage est immédiatement assimilé de manière hyperbolique à une violence – à une « prise d’otage »- par ceux qui n’y adhèrent pas mais qui en subissent les conséquences. Mais ici on ne va parler que de la violence de rue, la violence physique, des affrontement entre grévistes ou manifestants avec les forces de l’ordre et des violences répressives de celles ci, qui font le journal de vingt heures. Dont on ne se méfie jamais assez.
« Tout le monde déteste la police » en ces moments là semble-t-il.
Et simultanément il est tentant sans souci de cohérence de ne voir en cette violence qui perce les écrans qu’un procédé pour pourrir les mouvements : ceux-ci finiraient par échouer faute du soutien de cette fameuse « opinion publique » que l’on invoque tout le temps mais que personne n’a jamais rencontré. Il n’y aurait en fait de violence que celle des provocateurs stipendiés ou des idiots utiles du pouvoir – si tel était le cas, les CRS auraient bien raison de leur taper dessus.
Mais en réalité les mouvements sociaux « débordent » inévitablement, inévitablement rencontrent la violence policière, et ils n’échouent que parce qu’ils ne parviennent pas à bloquer l’économie capitaliste. Le violence joue son rôle dans cet échec, mais d’un autre manière qu’on pense généralement : le mouvement social croit avoir atteint des grands buts puisqu’il peut admirer le désordre qu’il a semé à la télévision alors qu’il n’y a eu que quelques feux de poubelles et beaucoup de fumigènes. Et la vie quotidienne continue son bonhomme de chemin. (Aïe aïe aïe est-ce que je vais pouvoir faire le plein ? Ouf, il y en a, à la troisième pompe !). Les mouvements sociaux sont intimidés par leur propre reflet.
Mais sans violence spectaculaire, c’est l’inexistence médiatique totale qui attend le mouvement social, lequel semble avoir besoin de ces médias pourtant aux mains de ses adversaires résolus pour communiquer son existence et faire boule de neige.
Sans incendie photogénique, aucun impact, et non plus aucune contagion. Incidemment cela aboutit à reconnaître de facto le rôle de miroir objectif de la réalité usurpé par les médias et à leur donner le pouvoir de manipuler la suite des événements. Mais sans violence visible, Sarkozy peut s'en aller parader à l'étranger en disant que quand on fait grève en France, personne ne s'en aperçoit.
Cet effet d’image est encore amplifié au niveau international, c’est « l’ambiance de guerre civile » dont on parle un peu vite, avec des clichés inquiétants de cagoulés paradant devant des incendies, qui provoquent des appels internationaux anxieux d’amis lointains. Des véhicules de gendarmerie incendiés par des olibrius écologiques qui préfèrent manifester contre des réservoirs que contre la guerre mondiale qui leur pend au nez, voilà qui est encore mieux.
Tout semble donc jouer sur les écrans, alors que nous le savons bien, que la révolution ne passera pas à la télé.
Dans les manifs les plus filmées journalistes et street-medics surpassent en nombre les manifestants au point qu'à la fin on ne voit plus qu'eux, et une seule poubelle, une seule voiture incendiées fait dix fois le tour du monde.
On finit par se demander si en 2023 la révolution, et la guerre aussi, sont devenues une affaire d’image !
Les participants authentiques à tous ces troubles que les autres grâce à eux peuvent regarder confortablement assis dans leur fauteuil, outre le désir louable qu’ils ont de montrer leur courage face à des brutes policières caparaçonnées, manifestement pensent que cette image de dégradation de l’ordre public va effectivement dégrader le pouvoir politique, et exacerber ses contradictions. Et même provoquer sa chute finale. Or ça, ce n’est possible que dans une révolution colorée, c’est à dire un mouvement libéral de la classe moyenne dont les ouvriers sont exclus et qui a le soutien des médias globaux et des États impérialistes, comme au Bélarus en 2021, où il a d'ailleurs échoué. Comme en mai 68, durant le deux premières semaines, jusqu’à ce que les ouvriers entrent en scène. Les étudiants gauchistes alors jouaient dans l’agenda de l’OTAN -déjà ! - contre de Gaulle, jusqu’à ce que ces ouvriers rappellent de mauvais souvenirs à la néo-bourgeoisie du Club Med.
Et quelle est cette victoire, si ce n’est à la fin qu'un fusible qui saute ?
Le spectacle de la violence a pour effet de faire croire que le but est atteint, alors que rien n'est encore joué. Nixon, De Gaulle, ou Macron, il faut parfois destituer un président, pour donner du courage aux autres.
Il faut garder présent à l’esprit que l’imaginaire révolutionnaire plein de clichés est depuis longtemps récupéré, contre le mouvement réel, contre la révolution sociale.
Certes on dira qu'il n'est pas question de révolution, mais seulement de l'âge de la retraite. Mais les questions matérielles qui concernent tout le monde sont les seules pour lesquelles on fait des révolutions.