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27 février 2024 2 27 /02 /février /2024 06:01

Par Viktor DEDAJ, pour le Grand Soir

 

D’abord un rappel. Depuis plus de 30 ans, Cuba présente chaque année une résolution à l’Assemblée Générale des Nations Unies. Cette résolution demande à tous les pays membres de condamner le "blocus économique, commercial et financier" des États-Unis envers Cuba. Elle est toujours accompagnée d’un document qui présente une analyse détaillée des conséquences économiques et sociales, et une longue liste d’exemples concrets. Les pertes directes pour l’économie cubaine. Les pertes indirectes incommensurables. Ça fait soixante ans que ça dure et ça ne fait que se renforcer de plus en plus. Ce qui n’empêche pas de voir parfois passer des dépêches de l’AFP qui annone des trucs du genre "depuis la levée du blocus". Ce qui n’empêche pas la totalité de la presse institutionnelle d’éviter soigneusement de parler de l’éléphant dans la salon lorsqu’ils prétendent informer sur Cuba.

 

Chaque année donc, l’Assemblée générale des Nations unies vote. Pendant les premières années, les votes se répartissaient en gros ainsi : un tiers des pays pour la levée du blocus, un tiers contre et un tiers d’abstentions. Mais chaque année, le nombre de pays condamnant le blocus des États-Unis contre Cuba augmentait. Depuis dix ans environ, les résultats se suivent et se ressemblent. La totalité des pays membres de l’ONU condamnent le blocus. La totalité, sauf deux : les États-Unis et Israël. Israël est d’ailleurs (avec les États-Unis évidemment) le seul pays à voter systématiquement en faveur du blocus. On trouvera, selon les années, quelques abstentions, et quelques autres voix en faveur, pas toujours les mêmes. Tel pays votera une fois en faveur et se rétractera ensuite en déclarant n’avoir pas compris la question (véridique) ou tel autre qui avait apparemment besoin d’un emprunt auprès du FMI ou... Dieu sait quoi. Mais ces dernières années, on ne trouve même plus ce genre de "couac". C’est à l’unanimité que les pays de l’ONU condamnent le blocus, à l’exception évidemment de nos deux lascars. Encore une fois, seuls contre tous.

 

Cuba qualifie le blocus de "génocidaire". Et d’aucuns hausseront les épaules en se disant qu’il s’agit d’une exagération. Et pourtant. Les avocats cubains sont très pointus en matière de droit international. Le terme n’est pas un effet de propagande car le blocus dont on parle c’est celui des États-Unis contre Cuba, le blocus réel, concret, pas celui invisible des médias, ou invisibilisé par les médias, ou imaginé par ceux qui en ont juste entendu parler et qui se disent "ben, ouais, bof, j’sais pas...". Le blocus - et pas embargo - présente toutes les caractéristiques nécessaires et suffisantes pour être qualifié de génocidaire. A savoir un ensemble de mesures qui tentent d’infliger des souffrances économiques ET physiques, jusqu’aux plus extrêmes, à toute une population.

 

Le paradoxe cubain (c’est comme ça que je l’appelle) est le suivant : malgré les conditions imposées, littéralement inouïes et inconnues dans l’histoire moderne, et surtout depuis la chute de l’Union Soviétique, Cuba a réussi à en atténuer les effets les plus néfastes pour la population. Jusqu’à un certain point. Et parce que ces effets ont été atténués, l’esprit occidental de passage ne "voit" pas le blocus. Il ne voit pas le miracle cubain qui s’est opéré dans le contexte invisibilisé par les médias. Il ne voit pas l’éducation, la santé. Par contre, l’esprit occidental débusquera sans faille les immeubles décrépis (pas de ciment pour Cuba), les vieilles bagnoles (pas de voitures pour Cuba), les trucs en panne (pas de pièces détachées pour Cuba), le beurre qui manque au petit déjeuner, le café qui se fait rare, etc. Ce qui n’empêche pas, soit dit en passant, que Cuba reste une expérience humaine incroyable, pour ceux que ça intéresse.

 

Israël, par contre, est une danseuse entretenue par oncle Sam. Israël vote en faveur d’un blocus génocidaire mais hurle aux simples appels au boycott.

 

Cuba forme gratuitement un millier de médecins étrangers par an. Cuba envoie des médecins aux quatre coins du monde. Cuba a accueilli et soigné une quantité innombrable de Palestiniens.

 

Cuba est le pays qui a subi le plus grand nombre d’actes terroristes par rapport à sa population. Leur nombre approximatif est de 3500, avec environ autant de victimes. A l’échelle de la France, cela correspond à quelque chose comme 20.000 attentats, et autant de victimes. Question : à quoi ressemblerait la France au bout de 20.000 attentats et autant de victimes ? Et pourtant, à Cuba, on ne verra jamais de militaires patrouiller les gares et espaces publics, fusils automatiques en bandoulière. D’ailleurs, c’est à peine si on voit la police.

 

Israël a soutenu l’Apartheid en Afrique du Sud. Cuba a fait tomber l’apartheid avec son intervention militaire en Angola et Namibie contre l’armée sud-africaine de l’époque.

 

Israël a formé et équipé l’armée génocidaire (encore) du Guatemala de Rios Montt. Cuba a offert sa solidarité au peuple Guatémaltèque, à toute l’Amérique latine, à l’Afrique, au monde entier en fait.

 

Cuba a connu ses "7 octobre" et même ses "11 Septembre". Cuba a connu la tentative d’invasion, la guerre bactériologique, l’assassinat de ses diplomates. Cuba a connu le premier attentat contre un avion civil qui a couté la vie à tous ses passagers et dont les auteurs avaient trouvé refuge (asile ?) aux États-Unis. Cuba a connu toutes les crapuleries possibles et imaginables. Et Cuba n’en a pris aucune comme prétexte pour aller massacrer des populations innocentes.

 

Cuba a continué à accueillir et soigner gratuitement des dizaines de milliers d’enfants de Tchernobyl alors même que l’Ukraine votait en faveur des résolutions des États-Unis qui prétendaient condamner Cuba pour atteinte aux droits de l’homme...

 

Cuba a opéré et sauvé les yeux du fils de celui - un militaire bolivien - qui a assassiné Che Guevara.

 

Avec leurs trois bouts de ficelle et leurs baluchons, les médecins cubains ont soigné des millions de damnés à travers le monde. Avec leurs platées d’haricots noirs et de riz, Cuba a accueilli et nourri plus de réfugiés politiques que toute la "civilisation" occidentale réunie. Avec quelques tableaux noirs et quelques morceaux de craie, et une armée de volontaires, Cuba a alphabétisé et éduqué un nombre de personnes à faire pâlir d’envie toutes les ONG friquées du monde. Cuba a partagé son pain, même lorsqu’il était sec.

 

Et petite précision qui me tient à cœur : les dirigeants cubains, s’il leur arrive évidemment de pas parler de certaines choses, et même de se tromper (ça arrive), ne mentent jamais. C’est un constat.

 

Cuba n’a jamais exercé de vengeance. Cuba ne s’est jamais montrée mesquine. Cuba n’a jamais violé sa parole. Cuba n’a jamais violé ses principes.

 

Et c’est Cuba qu’on vient faire chier ?

 

Courageuse, solidaire, internationaliste et humaniste, et pauvre, Cuba est effectivement l’antithèse d’Israël. Cuba est tout ce qu’Israël ne sera jamais - ne prétendra même jamais être.

 

Si l’agressivité des dirigeants occidentaux, USA en tête, et des médias institutionnels envers Cuba peut être mesurée, c’est - entre autre(s) - à l’aune de leur complaisance envers Israël.

 

Oui, lors de chaque vote à l’Assemblée générale des Nations unies, la main levée d’Israël votant en faveur du blocus génocidaire sera toujours à mes yeux le reflet inverse du poing encore et toujours levé de Cuba.

Cuba est l’antithèse d’Israël, et voici pourquoi

PS : Repris du Grand Soir

 

Un militaire s’immole par le feu devant l’ambassade israélienne à Washington

Un membre en service actif de l’armée de l’air des États-Unis s’est immolé par le feu devant l’ambassade d’Israël à Washington, dimanche, en signe de protestation contre la guerre en cours en Palestine.

 

L’homme de 25 ans s’appelait Aaron Bushnell. Transporté à l’hôpital dans un état critique, il a succombé à ses graves blessures.

 

Dans la vidéo qu’il a postée sur les réseaux sociaux (Twitch), l’aviateur en uniforme déclare : « Je m’appelle Aaron Bushnell, je suis un membre en service actif de l’armée de l’air des États-Unis et je ne serai plus complice d’un génocide. »

 

Il a ajouté : « Je suis sur le point de m’engager dans un acte de protestation extrême, mais comparé à ce que les gens ont vécu en Palestine aux mains de leurs colonisateurs, ce n’est pas extrême du tout. C’est ce que notre classe dirigeante a décidé de considérer comme normal. »

 

La vidéo le montre s’approchant de l’entrée de l’ambassade d’Israël à Washington, poser son téléphone sur le sol et s’asperger d’un liquide inconnu provenant d’une bouteille en métal pour enfin l’enflammer tout en criant “Free Palestine” à plusieurs reprises.

 

La vidéo a été supprimée rapidement et remplacée par un message indiquant que la publication avait enfreint les directives de Twitch.

 

Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, la première réaction des forces de l’ordre a été de crier à Bushnell de se coucher par terre en le pointant avec une arme. Alors qu’il s’écroule au sol en hurlant de douleur, un autre policier l’asperge avec un extincteur pour tenter de lui sauver la vie. On entend alors distinctement le second policier crier : « Je n’ai pas besoin d’armes à feu, j’ai besoin d’extincteurs ! »

 

Contactés par la journaliste indépendante Talia Jane, les proches de Bushnell ont donné leur accord pour que des images floutées soient publiées en ligne.

 

Un porte-parole de l’armée de l’air étasunienne a confirmé à CNN qu’un aviateur en service actif était impliqué dans l’incident.

 

En décembre, un manifestant anonyme s’était déjà immolé par le feu devant le consulat d’Israël à Atlantapour protester contre les atrocités commises en Palestine et soutenues par le gouvernement américain.

 

À l’époque, Anat Sultan-Dadon, consule générale d’Israël dans le sud-est des États-Unis, s’était particulièrement distinguée par ses déclarations : « Il est tragique de voir la haine et l’incitation à la haine envers Israël exprimées d’une manière aussi horrible (...) Le caractère sacré de la vie est notre valeur la plus élevée. Nos prières accompagnent l’agent de sécurité qui a été blessé alors qu’il tentait d’empêcher cet acte tragique. »

 

Le dernier bilan de la guerre mis en ligne le 26 février par le ministère de la Santé de Gaza annonce 30 001 morts côté palestinien. On comprend mieux le caractère sacré de la vie prôné par cette ambassadrice.

 

Cet acte désespéré nous rappelle les immolations pendant la guerre du Vietnam, où des individus ont utilisé ce moyen de protestation ultime contre des injustices perçues comme intolérables.

 

Alice Herz, une dame de 82 ans d’origine juive, s’était immolée dans le centre-ville de Détroit le 16 mars 1965. Cette militante pacifiste avait succombé à ses blessures une dizaine de jours plus tard, mais sa mort était passée presque inaperçue.

 

Quelques mois plus tard, Norman Morrison, un père de famille, se rendait devant le Pentagone, à Washington, et s’aspergeait de kérosène. Son immolation se voulait un coup d’éclat pour protester contre la guerre du Vietnam. Deux autres citoyens des EU l’avaient imité par la suite.

 

Avant d’accomplir son acte, Norman Morrison avait écrit des lettres aux journaux et participé à des manifestations contre la guerre. Selon un ami, il ne voulait pas mourir, mais ne pouvait plus vivre sachant que le gouvernement américain était insensible à la souffrance vécue au Vietnam.

 

Malgré une supériorité militaire écrasante, les Américains ont fini par perdre cette guerre. Pour rappel, ils ont largué quelque 7,5 millions de tonnes de bombes sur le Nord-Vietnam, le Sud-Vietnam, le Laos et le Cambodge, soit plus que ce qui a été utilisé pendant toute la Seconde Guerre mondiale par les deux camps. C’était tout simplement le plus grand nombre de bombes jamais enregistré dans un conflit armé. À cela s’ajoutent environ 400 000 tonnes de napalm, 75 millions de litres d’agent orange et d’autres herbicides, ainsi que des centaines de millions d’obus d’artillerie.

 

Comment ne pas penser qu’Israël est dans la même impasse qui a mené l’armée américaine au désastre que l’on connait ? L’objectif de détruire le Hamas ne sera jamais atteint. Ce sont des spécialistes du renseignement des EU qui l’affirment : « Le Hamas a été limité par les opérations israéliennes, mais Israël ne sera pas en mesure d’atteindre, dans un avenir prévisible, son objectif d’éliminer la capacité militaire du groupe ».

 

Les Palestiniens ne renonceront jamais à lutter pour obtenir l’État que le droit international leur reconnait.

 

Le sacrifice de Aaron Bushnell aura-t-il le même retentissement que le sacrifice de Norman Morrison en 1965 ? Ayant le sentiment d’avoir tout essayé, il voulait changer le cours des choses à travers cet ultime acte désespéré.

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commentaires

A
Je ne me lasse pas de regarder cette courte vidéo de Mandela aux USA répondant à un politique qui lui reprochait ses liens avec Fidel Castro, Arafat ou Kadhafi<br /> Ce qui m'est particulièrement impressionnant est son visage sans expression qui donne un caractère définitif à son argumentaire. Il n'y a ni sourire qui chercherait à créer un lien artificiel avec son public ou une attitude qui pourrait laisser croire à une forme d'autosatisfaction. C'est d'une sobriété qui réduit à néant toute critique.<br /> Comme il est difficile de mettre une vidéo dans un commentaire je pense qu'en écrivant la phrase suivante on y a accès :<br /> "La réponse cinglante de Mandela quand on lui reprochait d’avoir des liens avec Arafat, Castro et Kadhafi "<br /> Cependant ils ne cesseront jamais le dénigrement de Cuba comme dans cet article du point à propos des médecins https://www.lepoint.fr/societe/la-face-sombre-de-l-affaire-des-medecins-cubains-de-guingamp-21-02-2024-2553054_23.php<br /> On y lit entre autres que le gouvernement cubain - nos journalistes écrivent plutôt le régime cubain, nous nous avons un gouvernement - confisque 75 à 80% de leur salaire. Comme pour les généralistes, le revenu moyen s'élève à 92 000 euros, il resterait donc pour les médecins cubains 23 000€/an soit 1900 € mensuel. J'ai même entendu qu'ils ne peuvent pas s'expatrier car la famille sur place est prise en otage. <br /> Au passage on ne se pose pas la question à propos de la politique menée depuis des années qui a rendu nécessaire pour un pays riche de faire appel à des médecins étrangers.<br /> Et pour finir il y a toujours un sentiment d'impuissance à constater à quel point les gens se laissent tromper par leur absence de curiosité. Ainsi j'ai pu entendre dernièrement une infirmière à la retraite affirmer que Macron a supprimé le numerus clausus. 2 clics lui auraient pourtant appris que si la loi a été votée depuis quelques années, il n'y a ni financement, ni décrets d' application.
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