On n’en prend pas actuellement le chemin quand on constate comment des journalistes israéliens chauffent à blanc leurs opinions publiques.
La guerre actuelle est la 23ème opération militaire menée par Israël depuis 1956.
54 % des habitants de Gaza soutiennent une solution à deux États. 73 % favorisent une résolution pacifique au conflit israélo-palestinien, contre 20 % qui penchent pour une solution militaire pouvant aboutir à une destruction d'Israël (sans surprise, une forte majorité de ces derniers sont des soutiens du Hamas). Avant le conflit en cours, divers sondages montraient que le Hamas était soutenu par 25 à 30% de la population de Gaza. Ce soutien s’est amplifié depuis, à peut-être plus de 60%. Le Hamas est l’une des organisations guerrières les plus riches au monde : il est en effet financé par plusieurs pays musulmans et tout un réseau d’associations caritatives disséminées sur toute la planète. Après que le Hamas eut éliminé le Fatah, Israël le considéra comme un interlocuteur valable puisqu’il fut inclus dans les pourparlers sur l’augmentation du nombre de permis de travail accordé par Israël aux travailleurs gazaouis.
Pendant des années, Netanyahou et ses soutiens en Israël jouèrent une partie de billiard à trois bandes avec le Hamas. Il s’agissait, pour la droite israélienne, de diviser le pouvoir entre Gaza et la Cisjordanie pour saper l’autorité de Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, avec pour résultat de renforcer le Hamas. Et aussi avec l’idée que la création d’un État palestinien s’envolerait pour très longtemps. Le statut du Hamas changea : le « groupe terroriste » devint une organisation avec laquelle Israël négocia sous l’égide de l’Égypte.
Le Hamas ne s’est certainement pas lancé à la légère dans l’opération d’octobre 2023. Il a pu compter sur des alliés très solides qui n’ont pas été mis devant le fait accompli et qui savaient fort bien que la réaction d’Israël serait terrible. Son principal soutien est l’Iran, qui apporte au Hamas un soutien diplomatique et financier. Très efficace également dans son assistance est la milice chiite du Hezbollah. On a vu l’antagonisme se manifester rapidement après le 9 octobre quand, après des tirs revendiqués par le Hezbollah sur Israël, l’armée israélienne a riposté par des bombardements massifs. L’aide du Qatar n’est pas négligeable en tant que bailleur de fonds et dans la mesure où il héberge des combattants du Hamas en exil. Sans parler de l’aide humanitaire qu’il apporte au Hamas, avec l’accord d’Israël d'ailleurs. A contrario, depuis les accords d’Abraham en 2020 soutiennent Israël : les Émirats arabes unis, le Maroc, Barheïn et le Soudan. Ces accords, signés à la Maison blanche élargissent le fossé entre les États sunnites et l’Iran chiite et repoussent aux calendes grecques une solution à deux États : un État israélien et un État palestinien comportant une partie de la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est, une solution encouragée par une grande partie de la communauté internationale.
Où en sommes-nous actuellement ?
En octobre 2023, l’attaque terroriste, violente et dévastatrice du Hamas (“ Déluge d’Al-Aqsa ”) provoque l’effroi en Israël. Á noter que je ne finasse pas avec le mot “ terroriste ”. Pour moi est terroriste ce qui suscite la terreur. 1140 personnes, majoritairement des civils, sont tuées. Des milliers sont blessées. 250 personnes sont enlevées. 136 sont toujours retenues en otages, dont des enfants, des Français et des Franco-Israéliens. Il s’agit d’une opération de grande ampleur. Des milliers de roquettes sont tirées depuis la bande de Gaza. Certaines localités israéliennes sont conquises par le Hamas, des combattants se livrant au pillage, à des viols et autres atrocités. Un instant désemparée, l’armée israélienne riposte rapidement par l’opération “ Glaives de fer ”. Le discours est tout aussi violent que le fer du glaive. Les combattants du Hamas sont ramenés au rang d’« animaux humains ». Le ministre de la Défense Yoav Galant déclare que les règles du conflit ont changé, que Gaza sera frappée comme jamais, que le Hamas a ouvert les portes de l’enfer. 300 000 réservistes sont mobilisés. La guerre est totale, au sol, mais aussi en mer et dans les airs. Israël continue de filer une métaphore poétique inaugurée en 2006 avec l’enlèvement du soldat franco-israélien Gilad Shalit. Après « Pluies d’été », « Plomb durci » et Bordures protectrices », « Glaives de fer » consiste en des bombardements aériens massifs (les hôpitaux, les établissements scolaires état des cibles de choix) visant à rendre impossible, en tout cas invivable, l’existence à Gaza. Le choix “ poétique ” des noms, en faisant allusion à la nature, voire à l'Ancien Testament (on avait eu précédemment les “ Raisins de la colère ” ou “ L'Opération Verger ”), vise à faire oublier les réalités et les responsabilités de la guerre.
Les victimes se comptent désormais par dizaines de milliers. Á noter que les grands médias français, style France Inter ou France Info, ont cessé de tenir un décompte.
Le gouvernement de Netanyahou a donc adopté une attitude hyper vengeresse dont sont principalement victimes des populations innocentes. Le pilonnage incessant de la bande de Gaza frappe des femmes et des enfants qui n’ont même plus accès à de l’eau, même non potable. Gaza est un champ de ruines méconnaissable où, à l’évidence, plus rien ne sera jamais comme avant. Le Hamas et le gouvernement israélien sont deux forces fascistoïdes – certes élues – qui se combattent au détriment de leurs peuples. L’Histoire retiendra-t-elle que Netanyahou s’est lancé dans cette guerre sans fin suite à la décision de la Cour suprême d'invalider une disposition majeure de la réforme judiciaire antidémocratique entreprise par le gouvernement et visant à ôter au juge le droit de se prononcer sur le caractère raisonnable des décisions du gouvernement ? Et que l’objectif officiel mais illusoire du Hamas, et de ses soutiens officiels, est de rejeter Israël à la mer ?
PS : EDGAR MORIN À PROPOS DE LA GUERRE À GAZA