Que les choses soient claires : pour moi, l’exil
fiscal est une démarche ignoble. Je n’emploierais pas le terme de « trahison », mais plutôt ceux de « perfidie », de « noirceur ».
La lettre ouverte de Depardieu est à son image : excessive, plutôt grossière. Un peu de sobriété lui aurait rendu service. Sur le fond, sa dernière démarche ne tient pas debout. Il sait bien, car ses avocats ont dû le lui préciser, qu’un passeport est un document qui sert simplement à passer les frontières. Il n’a rien à voir avec la nationalité. Si je suis pote avec Benoît XVI, ce qu’a dieu et la Hitler Jugend ne plaisent, je peux me faire délivrer un passeport aux armes du Vatican. Rendre son passeport n’ébranle pas le fondement de la nationalité. Par ailleurs, on peut se faire soigner gratuitement en France sans carte vitale.
Ce que je reproche à Jean-Marc Ayrault, c’est sa démagogie. Il n’a en effet jamais utilisé le mot « minable » pour qualifier l’exil fiscal belge lorsqu’il a vu partir des patrons du CAC 40. Qu’il craint, et donc qu’il sert. À ce jour, Depardieu n’avait rien fait de mal aux Français. Il ne leur a donné que du bonheur, de la culture, de l’art (de moins en moins au fil des ans), alors que les exilés patronaux exercent un pouvoir considérable sur nos concitoyens. En les mettant au chômage, en déterminant leur niveau de vie. Ce sont eux qui décident si la France fera la guerre ou ne la fera pas, si les Français payeront pour les crimes des banksters ou ne payeront pas.
Plier devant Mittal, pire encore devant une poignée de « pigeons », pour la plupart exilés fiscaux, ça c'était minable.
Cela dit, l'idée de fuir son destin fiscal trotte dans la tête de Depardieu depuis quelques années. Marianne.fr cite ce dialogue de 2004 entre une journaliste et l'acteur (link) :
« D’autres que toi ont choisi depuis longtemps d’aller vivre sous des cieux fiscaux plus cléments. L’idée d’aller t’installer en Suisse ou dans tout autre paradis fiscal ne t’a jamais traversé l’esprit ? »
Gérard Depardieu : « Je vais être franc avec toi :
oui, j’ai déjà pensé m’exiler en Suisse. Non pas seulement pour payer moins d’impôts, mais pour gagner une certaine tranquillité. Pour fuir une pression médiatique qui a déjà causé beaucoup de
tort à ma famille et à ma vie privée. Et, aussi, pour rejoindre un certain nombre de mes amis qui ont depuis longtemps élu domicile là-bas. Il y a un an et demi, j’ai demandé au fisc helvétique
de calculer ma facture fiscale. Le forfait qu’il me réclamait était très élevé. J’y ai tout de même réfléchi à deux fois. Et puis, je me suis dit que c’était trop compliqué. Je me suis dit surtout que j’étais français et
donc que je devais payer mes impôts en France. Au fond, je suis très bien ici. Mieux, sans doute, que partout ailleurs. J’aimerais simplement que l’on sache que lorsque je touche un gros cachet
pour un film, je paie des impôts, des charges sociales, des cotisations chômage… Les sommes énormes qui sont annoncées dans la presse ne vont pas directement dans ma poche. Une fois qu’on
a dit cela, je sais que je suis un privilégié, que je gagne beaucoup d’argent, mais je n’en ai absolument pas
honte ».
À l’époque en 2004, et toujours à l’occasion de ce livre d’entretien, Gérard Depardieu avouait payer 2,3 millions d’euros d’impôts par an et être évidemment soumis à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Il ajoutait : « J’ai toujours su instinctivement qu’une partie de l’argent que je gagnais appartenait à l’État et devait être redistribué. Je suis pour le partage et la redistribution de richesses ».