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2 mai 2011 1 02 /05 /mai /2011 06:49

Delerm2Chez Philippe Delerm, on dirait que, contrairement à l'expression consacrée, dieu est dans les détails. Il voit "une autre vie" dans les syllabes DU-RA-LEX au fond des verres du même nom. Il a sûrement raison. Une dame qui vient de perdre son mari lui dit qu'elle relit ses livres et que "le détail lui permet de tenir".

 

Chaque fois que je me rends dans son village du Tarn-et-Garonne, où j'ai de la famille, je me demande à chaque pas : "Que verrait Philippe Delerm à ma place en cet instant précis ?" Une question gratuite, rhétorique, donc, qui me permet d'engager un dialogue, non pas avec lui, mais avec moi.

 

Je vous livre quelques lignes de son dernier ouvrage, Le trottoir au soleil. Après une belle promenade en fin d'après-midi, le narrateur s'est arrêté dans le petit café de Dore-l'Eglise, près de la Chaise-Dieu, en Auvergne.

 

"Un soir d'été. Comment partir ? Aucune affichette, aucun menu sur les vitres du café. Quand la patronne vient ramasser les verres, vous osez pourtant tenter comme une chance infime cette question que vous posez avec un ton à l'avance dénégatif, comme pour conjurer la probable réponse : "Vous ne faites pas restaurant ?" La femme ne répond pas tout de suite, et le fléau de la balance oscille entre contrainte et possibilité. Et puis : "Je peux vous faire à dîner." Elle n'a pas vraiment répondu. Elle ne fait pas restaurant, elle peut vous faire à dîner, d'un merveilleux menu où tout sera bon, car il n'y aura rien à choisir. Vous dînerez à petits coups d'étonnements sereins - excellent ce saucisson ... tu as vu la taille du morceau de cantal ? Vous n'aurez pas quitté la table ronde un peu rouillée. Le portail va flamber, prendre un ton de corail à l'heure du café. Dore-l'Eglise. On peut vous faire à dîner."

 

La table "ronde un peu rouillée" : un détail, mais on imagine bien l'hôtesse des lieux dans cet état. J'aime bien aussi l'utilisation du mot "patronne". On se croirait dans un film de Gabin ou de Bourvil dans les années cinquante. Je pense que, moi aussi, j'aurais utilisé ce terme. Mais, ayant deux ans de plus que Delerm, je suis de sa génération et mon oreille d'enfant a entendu les mêmes mots que la sienne. Bref, j'adore.

 

Je me permets ce rappel autocitatif :

http://bernard-gensane.over-blog.com/article-en-lisant-philippe-delerm-68047603.html

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