Jean-Michel Aphatie, obsessionnel et poujadiste
En temps normal, le sentiment de fierté m'est complètement étranger. Mais ce coup-ci, j'ai dérogé.
J'ai publié ce texte en octobre 2010, sur mon blog censuré par Nouvelobs.com, puis sur le site du Grand Soir. Une parenthèse sur ce site : il appartient à la gauche de gauche, il est animé par une poignée de personnes de grande qualité intellectuelle, et il ne rejette que les textes très mal écrits, sans réel intérêt et, bien sûr, de droite.
Je ne m'y attendais pas du tout, mais ce portrait a eu – et continue d'avoir – un réel succès. Si l'on tape "Aphatie" (et même "Apathie", c'est dire) sur Google, l'article (version Grand Soir) est référencé en haut de la première page, avant le blog de l'intéressé (qui doit en être vert) et avant la page Wikipédia. Mon portrait du chroniqueur de canal+ et de RTL a été lu par plus de 1000 personnes sur mon ancien site et par plus de 10000 personnes sur le site du Grand Soir. Je sais bien que le critère de quantité ne veut rien dire, sinon notre kleiner Mann aurait raison avec sa "culture du résultat", concept qu'il a piqué au monde de l'entreprise privée étatsunienne.
Mais je pense avoir visé juste.
Il y a une cinquantaine d’années, un sociologue britannique des médias, dressant une typologie des éditorialistes en fonction du lieu d’où ils s’exprimaient, distinguait trois positions :
- celle de “ Sirius ” (comme Hubert Beuve-Méry) : le journaliste parle d’un point imaginaire éloigné de la terre, du personnel politique, des lecteurs ; il est “ objectif ” parce que sans liens avec la contingence,
- celle de l’initié, l’insider, celui qui connaît les choses de l’intérieur, qui est dans la place, et fait donc profiter ses lecteurs de sa proximité avec les gens d’en haut dont il partage le style, les bonnes manières, les valeurs (les journalistes du Times, du Figaro),
- celui qui perçoit de l’extérieur, l’outsider, qui “ sait ”, parce qu’il est au parfum, parce qu’on ne la lui fait pas, qui a ses entrées dans le grand monde mais qui s’exprime au niveau de ses lecteurs en répondant à leurs attentes et en exprimant (prétendument) leur point de vue.
Jean-Michel Aphatie appartient, bien sûr, à la troisième catégorie des observateurs politiques.
Il faut s’arrêter un instant sur son itinéraire peu banal. Issu d’un milieu modeste, il quitte l’école à quatorze ans et travaille comme garçon de café ou vendeur de voitures (sa page Wikipédia). Il reprend des études à vingt-quatre ans. Il obtient des diplômes en journalisme et en droit public. Ce parcours méritant le situe et le constitue. Aphatie est différent des autres (il n’a pas fait Sciences Po en compagnie des responsables politiques de sa génération) et s’autorise à parler au nom de ceux qui en ont bavé. Avec Aphatie, on est dans le personnel, les fibres, le réactif, l’émotion. En septembre 2008, il expliquait sa passion pour la politique : « J'ai le virus, je ne connais pas de lassitude. L'actualité m'intéresse toujours autant, il se passe toujours quelque chose de passionnant. Dans la politique, il y a des snipers, des trahisons, des complots, du danger partout. On y trouve de l'irrationnel, du charme, de la solitude, des drames. La politique prête à la tragédie ». Telle est sa passion : la politique ressentie comme un film à suspense, avec des larmes, des destins croisés. On ne s’étonne pas qu’il avoue venir de la gauche (il fut membre du Parti socialiste de 1982 à 1986, donc quand ce parti était au pouvoir) sans jamais avoir été de droite. Il quitte le PS lorsqu’il apprend l’existence de la fille cachée de Mitterrand (sacrément dialectique !) et va se consacrer au “ mensonge ” en politique. Il fera également une fixation sur le sonotone (lui aussi caché) de Chirac, autre preuve que le mensonge est consubstantiel à ceux qui nous gouvernent, surtout s'ils ont, à cause de leur surdité, une perception déformée du monde. En bon outsider, il indique avoir voté blanc à tous les scrutins depuis 1988, sauf lors du référendum sur le Traité de Maastricht, où on serait surpris qu’il ait rejoint le camp du Non.
De fait, il va travailler deux ans pour Politis (qui ne recrute pas ses collaborateurs au hasard), dont il sera chef du service politique, puis dans divers quotidiens et hebdomadaires nationaux avant d’exercer dans les médias radiophoniques et télévisuels. Toujours à un haut niveau : chef du service politique à France Inter (qu’il quittera, vexé de ne pas pouvoir présenter l’éditorial du matin), interviewer à RTL, responsable du “ Grand Jury ” RTL-Le Figaro-LCI. Dans le même temps, il donnera des chroniques à Marc-Olivier Fogiel pour son émission “ On ne peut pas plaire à tout le monde ” et au “ Grand Journal ” de Michel Denisot (Canal+). De Politis à Fogiel et aux bobos de Canal+, Aphatie est donc passé d’une conception en profondeur de la politique au degré zéro des coups de gueule, des “ évidences ”, de la simplification à outrance. Chez Denisot, il est parfois aidé – et c’est alors désastreux de médiocrité et de lâcheté – par Ariane, l'arrière-arrière-arrière-petite-nièce du compositeur Jules Massenet. On les verra s’en prendre à Guillon et à Porte, KO debout après leur éviction de France Inter, sans que ces derniers puissent se défendre, ou à leur tête de Turc actuelle, Jean-Luc Mélenchon, qui a la langue bien pendue lorsqu’il s’agit de dénoncer les journalistes carpettes.
Dans un récent article, Marianne2.fr, exposait les obsessions politiques du journaliste. Peu nombreuses, ces marottes. Lorsqu’on chronique avec l’aide d’Ariane Massenet, il faut faire simple, formaté. Mélenchon est violent lorsqu’il traite Pujadas (systématiquement non gréviste, comme tous les présentateurs de Canal+, d’ailleurs) de laquais. Point final. Pujadas, et d’autres, sont-ils effectivement des laquais ? Peut-on s’interroger, sans basse polémique, sur les relations entre les journalistes et le personnel politique, sur celles qui unissent les journalistes à leurs employeurs, marchands d’armes, membres du CAC 40 ? Non, bien sûr. Dans ses interviews pour RTL, Apathie assène qu’une grève est systématiquement inutile, sans jamais s’interroger sur le sens des mouvements sociaux, sur l’inévitabilité des crises.
Comme il réduit l’essence des problèmes à une peau de chagrin, Aphatie use, jusqu’à la corde, un discours clos renfermant deux ou trois concepts ressassés presque quotidiennement : la dette est trop importante, les fonctionnaires sont trop nombreux, critiquer les médias est démagogique, les manifestations sociales sont inefficaces en démocratie.
Celui qui ne vient pas du moule mais qui est parvenu à faire sa place au soleil s’en prend avec jouissance aux marginaux de la politique. Arnaud Montebourg est vilipendé à plusieurs reprises pour avoir dénoncé la « tradition délinquante » de TF1, cette entreprise pourtant respectable qui vend du cerveau vide à Coca Cola.
Selon Marianne2.fr, au moindre surgissement d’une contestation (un droit en démocratie), « le cerveau apathien se met en mode automatique ». Il peut s’agiter devant son micro, à l’extérieur rien ne doit bouger. Le Parlement fait la loi, donc « on » ne « comprend » pas « l’agitation sociale ». Pourtant, si un p’tit gars comme Aphatie a pu reprendre des études, c’est bien grâce aux mouvements sociaux, en particulier à Mai 68 qui a facilité l’accès à l’enseignement supérieur de travailleurs déjà entrés dans la vie active (et vive l’examen spécial d’entrée à l’université !). Pour Apathie, la démocratie est un état de fait, une congélation, un instant parfait, sûrement pas un rapport de forces, des luttes, des avancées, des brèches. Et il n'a pas son pareil pour surréagir en poujadiste. Voyons-le se gausser du care, cher à Martine Aubry. La responsable du Parti socialiste souhaite, selon Le Monde, "redynamiser la pensée sociale progressiste". "Nunucherie", explose Apathie, en lançant un exocet au Monde : "Déjà, le titre. Qui a imaginé ce fabuleux titre ? Le rédacteur du papier, Olivier Schmitt ? Son rédac’ chef ? Un secrétaire de rédaction ? Le directeur du Monde soi-même ? On voudrait savoir. « Redynamiser » situe déjà l’action à un certain niveau d’exigence. Mais quand en plus on apprend qu’il s’agit de la « pensée sociale progressiste », alors là mes amis et mes aïeux, on prend son Monde solidement dans ses mains et on s’assoit parce qu’on sait que ça sera du lourd".
Pour Aphatie, le journalisme politique se résume à un questionnement d’autorité entre un journaliste qui se met au même niveau de responsabilité que l’élu qui doit lui rendre des comptes (d’où le mot “ Jury ”, très bien trouvé).
Apathie est hargneux parce qu’en maverick (en franc-tireur qui vient de loin et se veut non conformiste), il n’a pas l’aisance naturelle des journalistes qui appartiennent – ou croient appartenir – au grand monde : les Barbier, les Giesbert, les Mougeotte.
Un petit ajout, pour la route (sur le site de Jean-Luc Mélenchon) :
Dans son blog en date du 15 octobre, à propos des grèves, Apathie évoque "les chiffres de la contestation". Parlons en effet, jusqu'à plus soif, des batailles de chiffres syndicat-police-gouvernement. Pendant ce temps, on n'évoquera pas les luttes des salariés, les raisons profondes de la classe dirigeante de sa volonté apparemment inébranlable d'imposer cette "réforme" des retraites. On n'évoquera pas non plus la vie des gens, leur ressenti, leurs angoisses, leur dégoût de Sarkozy et de son gang. Aphatie conclut son article par :
"Ceci nous rappelle une vérité simple: le journalisme est un métier, pas un acte de foi quotidien. Sans doute, le phare du journalisme à la française qu'est Jean-François Kahn, ou Pierre Carles, l'homme qui préfère diffuser ce qu'il y a avant les interviews plutôt que ce qu'il y a dedans, ce qui nous renseigne sur ses qualités d'interviewer, ne seront pas d'accord, eux qui commencent par l'analyse et se dispensent des faits quand cela les contrarie, ou les ennuie. Mais ne soyons pas sectaires. On peut tolérer, en France, deux manière de faire du journalisme, la bonne et la mauvaise. Il suffit juste que chacun choisisse la sienne."
Une fois encore, il fait la leçon à Jean-François Kahn qui n'a jamais prétendu être le "phare" du journalisme français (et qu'on a assez peu entendu depuis le début du mouvement) et à Pierre Carles, authentique journaliste d'investigation iconoclaste, auteur d'un film magnifique sur Bourdieu et grand dénonciateur du journalisme de cour : c'est lui qui avait démontré le bidonnage de l'interview de Fidel Castro par PPDA et qui avait filmé une conversation entre Mougeotte et Léotard, où l'on voyait clairement le ministre aux ordres du journaliste qui s'apprêtait à lui donner TF1.
Aphatie termine son article par un PS qui ressemble à un "attendez, j'essuie les miettes de la table et on y va" :
"PS Suis-je bête, j'ai oublié... Page 24 dans Libération du jour, Pierre Marcelle, chroniqueur, parle de moi dans sa chronique. Je me suis dit que la moindre des politesses, ce serait de lui répondre, ici et maintenant comme on disait avant. Mais pour comprendre ce qu'écrit Pierre Marcelle, il faut le relire au moins quatre fois, ou cinq les bons jours. Le style plus l'intelligence, c'est beaucoup pour moi. Presque trop. Je suis sûr qu'il comprendra et qu'il ne m'en voudra pas, pour cette raison, de ne pas lui répondre."
Le poujadisme de l'individu éclate dans cette adresse à Pierre Marcelle qui signifie "vous et moi, chers lecteurs, nous sommes beaucoup trop bêtes, trop insignifiants pour engager le débat avec une telle lumière". Aphatie devrait se méfier : Marcelle a peut-être un style tout en finesse, il a un gabarit de catcheur.
Encore un petit verre pour la route :
Alexis Corbière, un proche de Mélenchon, rapporte ceci dans son blog :
Dès dimanche dernier, j’ai eu la chance avec plusieurs de mes camarades du PG, d’accompagner Jean-Luc sur
le plateau de l’émission du Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro. C’est Jean-Michel Apathie qui menait les débats, accompagné d’Eric Revel de LCI etEtienne Mougeottepour le Figaro. « L’Affaire Pujadas » a occupé pratiquement la moitié de l’émission. Les trois journalistes voulaient lui faire mettre un genou à terre, sur
cette question, et je considère qu’ils n’y sont pas arrivés. Mais, quel ring ! Quel bras de fer ! Après l’émission, avec quelques camarades, nous avons discuté un moment avec Apathie
sur le rapport entre les journalistes et les politiques. L’homme, plus à l’écoute que ce que je pensais, n’était pas indifférent à nos critiques sur la façon dont certains journalistes assénent
des évidences qui ne peuvent être remise en cause, sans être moqué. Nous avions déjà vécu cette outrance en 2005 lors du débat sur le TCE, et nous avions le sentiment
de le revivre à présent, lors du débat sur les retraites. Il semblait entendre. Mais, peut être était-il lui aussi épuisé par l’épreuve qu’il venait de faire subir à JLM. Il faut dire que
l’exercice était éreintant, et la tension grande dans la petite équipe que nous étions, assis derrière les intervenants, durant les soixante minutes de l’émission. Dans le métro qui nous
ramenait nous avons ri avec Jean-Luc des pièges qui lui furent tendus par ce trio. Mais, sans son expérience accumulée, un autre invité aurait été écrasé. Il faudra s’en souvenir dans les
étapes suivantes.
Je fais encore un petit détour à propos de M. David Pujadas. Voulez-vous un nouvel exemple de ses choix éditoriaux lorsqu’il interroge un syndicaliste ? Mardi soir, après le succès de la manifestation organisée le jour même, M. Pujadas avait pour invité M.Bernard Thibault,secrétaire général de la CGT. Quelle est la première question qu’il lui a posé : « Avec cette culture du blocage, ne craignez-vous pas d’être la risée de l’Europe ? ».Sidérant, non ? Qui ne voit pas le lourd contenu idéologique colporté par une telle question qui, sur le ton de l’évidence, entend ridiculiser un puissant mouvement populaire ? M. Thibault aurait sans doute dû lui répondre : et vous, M. Pujadas, avec une telle question, ne craignez vous pas d’être la risée de votre profession ? Il ne l’a pas fait. Dommage. Mais, a-t-on le droit s’indigner que sur une chaîne de service public on traite ainsi l’information ? Cette affaire nous concerne tous. L’information et le traitement de l’information sont des questions civiques relevant de l’intérêt général. Elles formatent les consciences. Elles ne peuvent être seulement débattues entre journalistes, en famille, tel un clan fermé. Je suis convaincu que l’immense majorité d’entre eux sont conscients de ce problème. Ils le vivent quotidiennement. Je suis persuadé que pour la plupart, ils en souffrent. Il ne s’agit donc pas de globaliser en critiquant « les » journalistes, mais au contraire de défendre cette profession indispensable à toute démocratie et de pointer ses dysfonctionnement les plus graves. Est-ce possible ?
Il faut à présent dire un mot du ball-trap anti-Mélenchon auquel certains rêvent de participer. Pour un mot de colère lâché devant un écran, combien d’insultes, injures et calomnies… ? Je veux essayer de répondre à certaines d’entre elles.
Alors, « totalitaire » Jean-Luc Mélenchon par son comportement? Mais, je rêve. Qui possède les groupes de presse ? Où sont les monopoles mêlant dangereusement pouvoirs médiatiques et économiques ? Qui contrôle et décide du traitement de l’information ? Qui a le pouvoir de faire taire telle ou telle personne, ou tel courant de pensée ? Mélenchon tout seul ? Quelle blague. Et pourtant, déjà la menace est brandie, elle menace de s’abattre. Sur le net, la mode est au billet d’insulte. Inutile de tous les citer. Mais au premier rang, M.Renaud Revel, rédacteur en chef de l’Express, qui prévient sur son blog: il faut faire taire ce « gugus ». « Que serait Mélenchon sans la télé ? Rien : un obscur militant venu du PS représentant un courant politique confidentiel, plombé dans la pénombre. »Pour lui, JLM est « un hurluberlu qui ne représente que lui-même», « un homme politique virtuel » au « poujadisme rampant et à la démagogie poisseuse ». « Il est tout ce qui rend la politique détestable ». Il est temps de « faire un sérieux tri ». Sous entendu : Journalistes, mes chers collègues ! Ne l’invitez plus, n’en parlez plus, boycottez-le ! Ruth Elkrief si I-Télé en rajoute en considérant que Jean-Marie le Pen et Jean-Luc Mélenchonsont comparables, et elle ne souhaite plus en parler. Voilà donc comment ils veulent traiter un des rares responsables politiques qui exprime l’opinion de millions de gens actuellement mobilisés contre la réforme des retraites. Ils ont tout pouvoir, ce sont eux qui l’ont « fabriqué », à présent il faut le faire taire, et c’est un fasciste. Et cela, parce qu’il s’est indigné de la façon dont l’information est traité par les principales chaînes de TV. Où est le totalitarisme ? Franchement. Que chacun garde donc son sang-froid. Je me souviens encore d’une émission sur France 5,Ripostes animé par Serge Moati (excellente émission d’ailleurs qui a disparu) en avril 2009, durant laquelle M. Pierre Lellouche, actuel membre du gouvernement, avait insulté Jean-Luc en lui disant : « vous êtes un pauvre type Mélenchon. Si nous étions au 19e siècle, je vous provoquerai en duel et je vous flinguerai. Mais hélas je ne peux pas.. » Jean-Luc était resté de marbre devant cette menace de mort en direct à la TV. A-t-on vu un journaliste, ou précisément M. Renaud Revel s’indigner de ce comportement de Pierre Lellouche ? Non. Cela, pour M. Revel « ne rend pas la politique détestable » pour reprendre son expression. Idem, quandXavier Bertrand, en pleine affaire Woerth Betancourt, considère que Médiapart est digne d’une officine d’extrême droite des années 30. J’attends encore la réaction de M. Revel qui est pourtant responsable de la rubrique Médias pour l’Express.
Poujadiste ! JLM serait donc « poujadiste » selon ce journaliste de l’Express. C’est à dire un héritier dePierre Poujade, leader d’extrême droite des années 50, défenseur des petits commerçants, violemment anti fonctionnaire et ultra de l’Algérie française. Bigre, ça c’est précis, et ça c’est envoyé ! Il faut dire que M. Revel lui, connaît les sujets importants et s’y consacre. Il est notamment un « spécialiste » de Johnny Hallyday sur lequel il vient de publier récemment un ouvrage : Johnny, les 100 jours où tout a basculé. Ah, voilà enfin un sujet important qui ne dégrade pas la vie politique. Dans les pages de M. Revel, on ne trouvera aucune critique contre le rockeur exilé fiscal en Suisse. Rassurez-vous, ici pas de telle vulgarité. Par contre, M. Revel en présentant son ouvrage s’inquiète : « Johnny est un travailleur pauvre qui malgré ses nombreuses années de carrière n’a pas cumulé de patrimoine, car il a toujours eu un train de vie flamboyant. » Quand le producteur du chanteur lui verse « 800 000 euros, il y a 15 jours, c’est insuffisant. Il ne possède pas de capital, excepté son capital immobilier. » Pauvre Johnny… Des lignes pareilles, voilà du beau journalisme, sur des thèmes majeurs, traités avec une belle hauteur de vue. Chapeau. Pas de « poujadisme » dans votre style. Et cela vous donne le droit de défendre l’honneur de toute votre profession… M. Revel, à la vérité, parler ainsi de Jean-Luc Mélenchon, homme de gauche, est indigne. Savez-vous au moins de quoi vous parlez ? J’en doute. Vous avez une excuse. Vous n’êtes pas le seul. Ce qualificatif à force d’être utilisé en toute circonstance, n’a plus aucun sens. Je l’ai même entendu utilisé contre moi, en Conseil de Paris, il y a deux semaines, alors que j’expliquais pourquoi j'allais voter contre le protocole d’accord entre la Ville de Paris et l’UMP etJacques Chirac. « Poujadiste » que de demander justice et la tenue d’un procès digne de ce nom pour une affaire qui a occupé durant plus de dix ans la vie politique française. « Poujadiste » d’être outré par l’arrogance tranquille d’un présentateur TV quand il interview un homme licencié. Les mots n’ont décidemment plus aucune signification. Pour la peine, j’en invente un nouveau (en réalité je l’emprunte à l’intelligence vive et mordante de mon ami François Delapierre) : M. Revel, vous, et ceux qui pratiquent comme vous ce métier êtes des « Pujadistes » ! Et vos insultes sans fondement vous déshonorent.
Mais, ce n’est pas fini.
Populiste ! Ils veulent aussi l’injurier par ce terme. Mais, cette fois ci, cela ne fonctionne plus, car le pire pour eux, c’est
que Jean-Luc Mélenchonassume. A ce sujet, lisez« Qu’ils s’en aillent tous ! Vite, la révolution
citoyenne »(édition Flammarion) dans lequel il s’explique brillamment. Je voudrais ajouter au sujet de ce mot « populiste » qui donne des sueurs froides à certains,
quelques arguments. Cela s’impose. Il y en a assez, que tout ce qui semble venir du peuple est montré comme vulgaire, simpliste et généralement raciste. Le mot de populiste n’a pas la
signification que certains lui donne depuis quelques années. Depuis 1929, il existe par exemple en littérature un « Prix du roman
populiste ». Il récompense, je cite : « une œuvre romanesque qui préfère les gens du peuple comme personnages et les milieux
populaires comme décors à condition qu’il s’en dégage une authentique humanité ». En 1930, ce prix a récompensé Marcel
Aymé, puis en 1932 Jules Romains, en 1940 Jean-Paul Sartre, en 1984 Didier Daeninckx, en1987Gérard Mordillat ou encore en 2001 Daniel Picouly.
Aucun de ses auteurs ne s’est indigné de l’intitulé de ce prix. Il me semble même qu’ils en ont été honorés.
Depuis quelques décennies, des commentateurs politiques ont détourné ce mot pour qualifier des mouvements d’extrême droite qui seraient« des représentants du peuple contre les élites ». Le problème est que cette définition courante est dangereuse. Non, l’extrême droite ne représente pas le peuple. Elle n’est ni populiste, ni populaire. Il nous faut nous réapproprier ces mots, même si cela choque dans un premier temps. J’invite chacun à y réfléchir sans passion. Pour nous républicains, le peuple est notre souverain. C’est lui que l’on doit servir, écouter, éduquer aussi et non pas le mépriser en considérant que ce qu’il pense, la façon dont il parle, ses modes d’actions sont « la risée de l’Europe »ou de je ne sais trop qui.
Je le sais, pour des femmes et des hommes de gauche, le
peuple n’a pas forcément raison. Mais il n’a pas forcément tort non plus. Et, quand il se trompe c’est souvent quand on lui a fait entrer au forceps dans le crâne des valeurs qui sont celles de
ceux qui organisent et profitent du système économique actuel : le goût inconsidéré de l’argent facile, de la réussite individuelle, du chacun pour soi. L’idéologie dominante est
aujourd’hui celle des classes dominantes. Qui peut prétendre l’inverse ?
On revient donc à la question des médias. Peut-on imaginer une société plus juste, plus fraternelle, plus solidaire, en ne changeant rien de notre système médiatique et aux messages quotidiens qu’il fait entrer dans des millions de foyers ? C’est aussi aux professionnels de l’information de nous aider dans cette tâche. Ils n’ont rien à perdre et tout à gagner.
Est-il possible de prétendre« changer la vie » en annonçant que rien ne changera ? Est-il crédible de dire que nous bâtirons un autre monde en gardant aux mêmes places, aux mêmes responsabilités, ceux qui organisent le monde actuel ? Ayons confiance en nos propres forces. L’intelligence de la majorité de notre pays se fait entendre. D’immenses énergies sont disponibles pour cette tâche. Pour l’essentiel, elles sont actuellement dans la rue, pour le retrait d’une loi injuste.
Si certains veulent ouvrir la chasse au Mélenchon pour le faire taire, ils rencontreront une difficulté. La cible est multiple. Il y en a des millions dans la rue qui manifestent.