Un échange bref et très intéressant, à Cannes hier soir.
Jean Rochefort descend d’une voiture, passe devant des midinettes en jouant les starlettes. Ces midinettes sont des ménagères d’à peine moins de cinquante ans qui ne cherchent pas à voir telle célébrité en particulier, mais de « la » célébrité. Elles reconnaissent le beau Jean et s’écrient :
— À ma guise !
Surpris, dépité, le beau Jean répond :
— Et quelques autres choses aussi…
Jean Rochefort a joué dans 150 films et dans des dizaines de pièces de théâtre. Il a obtenu sept César, y compris un César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Il est un monument de la comédie française.
Je ne l’ai vu qu’une seule fois sur scène, en 1970, dans l’adaptation française d’une pièce anglaise, Un jour dans la mort de Joe Egg, pour laquelle il reçut le Prix du Syndicat de la critique. Je connaissais très bien l’original de cette œuvre de Peter Nichols qui raconte l’histoire d’un père et d’une mère qui tenent de sauver leur couple tout en élevant leur fille lourdement handicapée mentale.
Époustouflant, Rochefort permit à la version française de surpasser la version anglaise.
Toute la carrière de ce comédien fut à cette aune.
Seulement, voilà : ce sémillant octogénaire doit avoir besoin d’argent, ou alors penser que les linceuls ont des poches. Il a tourné cette année dans une publicité qui eut un gros succès, grâce à lui évidemment, pour vanter “ Amaguiz ”, un produit des assurances Groupama. Je passe rapidement sur la philosophie de cette pub : c’est du sarkozysme pur sucre, tout est possible, chacun fait comme bon lui semble en se contrefoutant des autres. Seules les assurances privées vous apportent la liberté de choix, le petit bonheur égoïste.
Ce qui m’intéresse ici, et que l’acteur populaire a dû prendre comme un coup de poing dans l’estomac, c’est que pour le grand public, il ne restera de son œuvre immense et magnifique que cette publicité, cette performance de 17e rang.
Bien fait !