Au camp de concentration de Pithiviers (comme dans celui de Beaune-la-Rolande et de Jargeau, deux autres communes du Loiret), il s’est passé des horreurs (voir les films La rafle de Roselyne Bosch et Elle s’appelait Sarah de Gilles Paquet-Brenner). Construit au début de la Seconde Guerre mondiale pour y héberger des prisonniers allemands, il fut utilisé après la capitulation pour y interner des soldats français avant que le gouvernement de Vichy en fasse un camp de transit. 6079 Juifs (dont Max Jacob) partirent de Pithiviers pour Auschwitz. 115 en revinrent.
Lorsque l’on séjourne dans la ville, on « sent » quelque chose : un non-dit souterrain qui fait que rien n’est jamais dit. D’abord par les très nombreux gendarmes cantonnés dans cette petite cité du Loiret. Veulent-ils savoir que nombre de leurs collègues d’il y a soixante-dix ans ont commis des infamies durant l’été 1942 ? Sont-ils conscients que ces collègues ont appliqué avec zèle la consigne de Laval de "ne pas oublier les enfants" (2300 d’entre eux partirent de Pithiviers) ? Quant aux Pithivériens de souche, on a l’impression qu’ils vivent hors du temps historique. Il faut dire qu’ils ne sont pas aidés : le camp a été entièrement rasé. Un monument a été élevé tardivement rue de l’ancien camp, près de la voie ferrée d’où partirent les victimes innocentes.
Photos BG (d.r.)
Pithiviers fut affecté à la concentration et à l’extermination des Juifs par Vichy, un régime ultra-réactionnaire et officiellement antisémite. Mais il est un camp de concentration dont on ne parle jamais, sûrement pas dans les livres d’histoire : celui de Montreuil-Bellay. Construit avant la guerre, ce camp fut destiné, par un décret du président de la République Lebrun, à la concentration des Tsiganes.
Ancien instituteur, Jacques Sigot est un homme de convictions. Ainsi, il refusa d'aller se battre en Algérie. Il s'installe en Anjou en 1973. Il écrit deux livres régionalistes sur cette province, puis Ces barbelés oubliés par l’histoire. Un camp pour les Tsiganes et les autres (Wallada, Port de Bouc, 2011). Ce sont les recherches de Sigot qui inspireront à Tony Gatlif son film Liberté (link).
Comme les habitants de Pithiviers, les Montreuillois avaient oublié leur camp jusqu’à ce que Jacques Sigot en exhume le souvenir. Dans ce camp furent enfermés des Républicains espagnols durant l’hiver 1939-40, des civils anglais au cours de l’été de cette même année, des femmes allemandes retenues comme otages en 1945. Mais surtout des Tsiganes que la IIIe République interna avant l’invasion et l’occupation allemandes, et qu’elle « oublia » de relâcher après la Libération.
Du 8 novembre 1941 au 16 janvier 1945, l’État français fit de Montreuil-Bellay un camp pour « individus sans domicile fixe, nomades et forains, ayant le type romani ». Il s’agissait donc d’une décision ouvertement raciste. Ces Tsiganes venaient pour la plupart de petits camps d’internement ouverts suite à la loi du 6 avril 1940 signée par Albert Lebrun, selon laquelle ils devaient être rassemblés dans des communes désignées sous surveillance des forces de l’ordre. Jusqu’en janvier 1943 les Tsiganes furent gardés par des gendarmes, puis par des jeunes civils qui échappèrent ainsi au STO. Fin 1944, des Italiens, des Allemands et des Russes blancs rejoignirent les « Romanis » qui quittèrent le camp en 1945 pour être transférés dans les camps de Jargeau et d’Angoulême jusqu’en 1946.
De ce camp vendu aux Domaines en octobre 1946, il ne reste aujourd'hui qu’une modeste plaque commémorative. Des ruines du camp ont disparu après la création d’un rond-point et l’élargissement d’une route.
Photo D. Natanson
Plus du quart des Tsiganes de France furent exterminés (la totalité des Tsiganes des Pays-Bas, du Luxembourg et de Lituanie).
La photo ci-dessus m'a été fournie par Jacques Sigot, avec les commentaires suivants :
La stèle quelques jours après l'inauguration le 16 janvier 1988. J'avais demandé le retrait du panneau publicitaire, mais on m'a répondu que c'était un terrain privé... J'ai publié cette photo dans la presse : le panneau disparaissait aussitôt.
Le texte de la stèle : En ce lieu se trouvait le camp d'internement de Montreuil-Bellay. De novembre 1941 à janvier 1945, plusieurs miliers d'hommes, de femmes et d'enfants tsiganes y souffrirent victime d'une détention arbitraire.
- On nous imposa le texte : interdiction d'écrire "camp de concentration", terme pourtant employé à l'époque ; refus de citer les autres internés ; refus de citer les vraies responsabilités de la France (République, Vichy et Gouvernement Provisoire de la République) pour l'internement : remplacé par le terme très efficace et trompeur "arbitraire".
- Nous devions assumer les frais de cette stèle, suite au refus des personnes et organismes contactés.