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17 avril 2011 7 17 /04 /avril /2011 07:27

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La loi permet désormais à l’État et aux régions de financer les lycées privés sous contrat. Ces financements se montent actuellement à 7 milliards d’euros. Il s’agit là d’une atteinte, d’une mise en danger de l’école publique et laïque.

 

La région Île de France (à majorité socialiste) va au-delà de ce que permet la loi. 37% des financements régionaux versés aux lycées privés ne découle d'aucune obligation légale.

 

Depuis 1982, l’entretien, la rénovation et la construction des lycées publics est à la charge des collectivités territoriales. Ce qui, pour la région Île de France, représente 22% de son budget. Depuis 2004, les régions sont par ailleurs responsables du recrutement et de la gestion d’une partie du personnel non-enseignant.

 

La loi impose aux régions des obligations quant au financement des lycées privés : rémunération des personnels non enseignants, dépense de fonctionnement en matériel. Le législateur a considéré que les deux contributions de fonctionnement versées aux établissements privés doivent être "calculées selon les mêmes critères que pour les classes correspondantes de l'enseignement public". Les deux contributions sont majorées d'un pourcentage permettant de couvrir les “ charges sociales et fiscales ” des personnels de droits privé ainsi que les “ charges ” dont les établissements publics sont dégrevés, comme si la loi considérait que les deux enseignements méritent un même soutien financier et que la collectivité doit payer en lieu et place des établissements privés, tout ou partie de leurs impôts locaux. On note que le législateur utilise le registre patronal lorsqu’il parle de « charges » et non de cotisations. Enfin, la loi a supprimé le taux de majoration de 5 % pour couvrir les charges diverses (impôts et taxes) accordés aux lycées privés pour le remplacer par un “taux non imposé”, lequel reste à définir par les conseillers régionaux. Ce taux peut être revu … à la baisse. Or en 2008 le Conseil régional d'Ile-de-France a « choisi de reconduire le même taux de majoration de 5% », alors qu'il n'y était pas contraint et qu'il pourrait ramener ce taux à zéro. En ces périodes de disette de l'argent public est-ce dans les priorités d'une Région de maintenir cette majoration accordée aux lycées privés sous contrats ? Concernant la construction des bâtiments, leur rénovation ou les gros travaux, la Région n'est dans l'obligation de les prendre en charge que pour les établissements publics. L'article L 214-7 du Code de l'Education précise : « La Région est propriétaire des locaux dont elle a assuré la construction et la reconstruction ». La Région Île-de-France finance les 470 lycées publics et contribue à des financements obligatoires mais également facultatifs pour 202 lycées privés sous contrat (chiffres 2009).

 

Prenons l’exemple des 1,36 M d’euros débloqués par la Région pour la construction du lycée Jean Paul II de Sartrouville auxquels se sont ajoutés 776 960 euros pour les locaux d’un Centre de Formation en Apprentissage (CFA), comme par hasard installé dans le lycée... Ainsi la Région a utilisé l'argent public, celui de tous pour la construction d'un lycée privé. Cela a été rendu possible par un subterfuge juridique. Ce nouveau lycée a été présenté comme une annexe d’un lycée existant. Il ne s’agissait plus juridiquement de la création d’un nouveau lycée, mais du financement de places nouvelles dans un lycée professionnel privé existant.

 

Ces choix s’inscrivent dans le contexte de la mise en concurrence de tous les établissements et de l’offensive anti-laïque menée par la droite depuis le discours de Latran. Les « diplômes du Vatican » sont désormais automatiquement reconnus (l’État n’a plus le monopole de la délivrance des diplômes nationaux, c’est Kouchner qui a signé cette forfaiture au nom du gouvernement). Le développement des écoles privées hors contrat se verra défiscalisé. Pendant ce temps-là, des dizaines de milliers de postes sont supprimés dans l’enseignement public (dix fois plus que dans le privé). Dans 520 communes françaises, l’école publique est absente, mais pas l’école privée (en contravention avec la loi du 30 octobre 1886 et avec la Constitution).

 

Le cadre égalitaire de l’Éducation nationale est plus qu’en danger. Le recours au privé encourage les ségrégations et aggrave encore les inégalités déjà amplifiées par la suppression de la carte scolaire. En Ile-de-France le coût d'une scolarité dans le privé, surtout dans certains établissements, ne laisse pas de doute sur la sélection par l'argent qui en découle. Ainsi l'Ecole Active bilingue étoile située près des Champs-Élysées sélectionne ouvertement ses élèves : 4500 euros de frais de scolarité auxquels il faudra ajouter 630 euros de préparation à la Mention Européenne et 975 euros l'option internationale au Bac !

 

L’idée selon laquelle l’enseignement privé  exerce une mission de service public est un mythe. Une école privée peut fermer quand bon lui semble. C’est arrivé récemment à un lycée privé parisien car le diocèse avait besoin des liquidités obtenues par la vente de terrains (link).

 

En Ile de France, 19% des élèves sont scolarisés dans le privé et 81% dans le public. Avec 470 lycées publics, les 202 lycées privés sous contrat représentent 30% des établissements. Il suffit d'un calcul mathématique assez simple pour constater que 19% d'élèves bénéficient de 30% des établissements.

 

Les manuels scolaires mis à disposition de l'ensemble des lycéens du privé représentent près de 4 Millions d’euros de dépenses. Cette somme est souvent présentée comme « une aide aux familles » mais elle est versée directement aux lycées et c'est ainsi une aide supplémentaire accordée à des établissements dont certains n'hésitent pas à faire payer aux familles jusqu'au coût de l'organisation des “ bacs blancs ”. Le lycée Saint Dominique à Neuilly-sur-Seine facture, ainsi les oraux de 1ere et de terminale 66 euros pour l'année.

 

À ces inégalités, il convient d’ajouter le problème des bourses : moyenne il y a moins de 10% d’élèves boursiers dans le privé, quand le public en accueille plus de 30%.

 

En usant d’un subterfuge de classe, le gouvernement vient enfin de faire un superbe cadeau au privé : l'association d'entraide des établissements privés (AEE) d’Île-de-France a récemment bénéficié d’une transformation lourde de conséquence. Par décret du 16 février 2010, cette association c’est transformée en “Fondation saint Matthieu pour l'école Catholique” (link), reconnue d’utilité publique. Par le biais de cette Fondation, les Évêques de France et le Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique peuvent récolter des dons qui permettent aux plus favorisés de s'exonérer de leur obligation de contribution au financement des services publics. Et ceux qui sont visés par cette fondation sont ciblés : « Si vous êtes assujettis à l'ISF, vous pouvez en affecter tout ou partie à la Fondation Saint Matthieu jusqu'à 50 000 euros ». « Le don libre favorise la création d’un cercle vertueux d’entraide », annonce cette brave fondation. Mais cette politique fiscale et les financements facultatifs organisent l'injustice !

 

En conclusion, disons qu’avec la complicité active de la gauche d’Île de France l’École publique est aujourd'hui déshabillée et dénigrée et son affaiblissement ouvre la voie à une marchandisation accrue des savoirs. L’enseignement privé profite d’une dégradation considérable de l’image de l’enseignement public.

 

 

 

Note réalisée à l’aide d’une réflexion du Front de Gauche d’Île de France

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