Un ami garagiste m’a raconté la chose suivante : une fois
par an, les garagistes doivent solliciter de la Préfecture de leur département le renouvellement de leur autorisation de rouler et de faire rouler des véhicules en plaques WW.
Concrètement, comment cela se passe-t-il dans la France de l’homme du Fouquet’s ? L’artisan téléphone au service concerné. Deux cas de figure se produisent. Ou bien personne ne répond jamais, ou alors, après de multiples tentatives et environ une demi-heure de patience, un employé répond qu’il faut venir chercher le formulaire idoine à la Préfecture même, que l’on habite dans la ville préfectorale ou dans un village situé à 80 kilomètres de là. On répond que, jusqu’à présent, la Préfecture envoyait le formulaire en question aux garagistes concernés. Oui, mais non, maintenant il faut se déplacer. On se permet de demander si, par le plus grand des hasards, le formulaire ne serait pas téléchargeable. Il ne l’est pas. On se met en colère, on explique qu’on n’a pas que cela à faire et que l’on va déposer une réclamation. L’employé saute à pieds-joints sur cette suggestion :
— Oui, écrivez, vous nous serez d’un grand soutien, on en a ras le bol de laisser sonner le téléphone pendant des plombes, non par méchanceté, mais parce qu’on n’est pas assez nombreux pour répondre.
Alors, on écrit pour protester et, miracle, on reçoit quelques jours plus tard le fameux formulaire. Que l’on retourne tranquillement.
Je n’en mettrai pas ma main au feu, mais j’avance que la proportion de garagistes ayant voté pour l’homme du Fouquet’s en 2007 fut importante. J’espère que ces artisans de droite ont compris que les fonctionnaires fonctionnaient, et que les supprimer par dizaines de milliers chaque année ne pouvait que pourrir la vie de tous.
Cette gabegie voulue est à replacer dans le contexte plus large de la prise en charge par le privé d'attributions jusque là dévolues aux autorités régaliennes. En mars 2011, je dénonçais dans ce blog le fait que les cartes grises ordinaires pouvaient être désormais délivrées par les concessionnaires automobiles eux-mêmes, ce qui instillait dans l'esprit des acheteurs citoyens l'idée que la fonction publique ne servait à rien (link).