Ban Tai Doan est né en 1923 au Vietnam. Il appartient à la minorité ethnique Dao. Il lutta contre l’invasion de son pays par le Japon et commença alors à écrire des poèmes en langue man à la manière des troubadours. Dans le poème qui suit, écrit en 1965, il exprime la détresse de ses compatriotes qui ont fui leur pays car ils refusaient les regroupements de population au Sud-Vietnam.
NOSTALGIE DE L’ANCIEN VILLAGE
Et tu as au cœur la nostalgie de ceux des hameaux voisins,
Parce que l’ennemi les a trompés et qu’ils ont abandonné le pays natal,
Arrachés au vieux village, aux bons amis,
Le petit frère séparé du grand, et le grand loin du petit.
Notre lit laissé vide, personne n’y dort plus.
Le battant de la porte, plus personne ne l’ouvre.
Le petit tabouret, laissé là, plus personne ne s’y assoit.
La pipe à eau est envahie par la mousse.
Le petit au cœur trop jeune écoute et suit l’ennemi
Qui parque et pousse les gens du pays sir les routes du Sud.
Les escargots des rizières dorment sous le champ aride ;
Ils attendent la main qui retiendra les eaux.
Soir et matin, en aval de l’embarcadère, passent les poissons
Qui jamais plus ne retrouveront la belle, venue laver sa tunique
Couleur de ces terres.
Ban Tai Doan a également écrit ces vers que je trouve très beaux :
Demain tu iras vers ta ville
Avec toi j’irai jusqu’au bout.
Moi l’homme au village tranquille
Perdu dans la brousse des monts
Mes pas resteront dans ta trace.
À jamais nos peuples ne font
Qu’un seul foyer aux mille faces
Dans la chaleur de la maison.
Photo : Le Monde.