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21 novembre 2011 1 21 /11 /novembre /2011 07:00

http://www.amessi.org/local/cache-vignettes/L446xH298/amiante3-c4a00.jpgArdisson et son œuvre sont à prendre avec des pincettes. Il serait, cela dit, injuste de tout rejeter en bloc. Son émission du samedi soir sur Canal +, “ Salut les Terriens ” nous offre souvent des moments réjouissants et intéressants. Ardisson écoute ses invités avec respect (il est l’une des rares vedettes des médias à ne pas traiter Mélenchon avec mépris), il critique régulièrement le capitalisme financier et il accorde un temps d’antenne raisonnable à de pauvres gens que la vie, mais surtout que le système, a ravagés.

 

Samedi 19, il recevait un ancien travailleur de la Normed dont les poumons avaient été brûlés par l’amiante dans les années soixante-dix. Je voudrais rappeler par parenthèse que j’ai connu le mot anglais asbestos avant le mot français amiante au début des années soixante pour la bonne raison qu’en France nous vivions au milieu de l’amiante (il y en avait jusque sur les tables à repasser) mais nous n’en savions rien, alors que les autorités d’outre-Manche s’étaient déjà emparées du problème et avaient commencé à réfléchir à l’interdiction de ce produit. Après plusieurs décennies de combat juridique, ce travailleur, ainsi que quelques centaines de ses camarades s’étaient vu accorder des indemnités qui ne leur rendraient pas la santé mais qui leur permettraient de vivre un peu moins mal (quelques dizaines de milliers d’euros). Par un jugement de la Cour de cassation, ces travailleurs viennent d’être condamnés à rendre une partie importante des indemnités qu’ils ont en général déjà intégralement dépensées. Statuant dans une perspective libérale sarkozyenne (payer parce qu'on est malade), le tribunal a produit cette cote mal taillée pour une raison toute bête : les technocrates qui avaient évalué les remboursements avaient vu trop juste quant au nombre de victimes. Comme il n'était pas question d’augmenter la somme globale à rembourser, les heureux bénéficiaires allaient devoir se serrer la ceinture et participer à la gestion de la pénurie. Le premier lecteur qui évoque la notion de « justice de classe » est condamné à lire l’œuvre complète d’Ardisson, y compris les livres pour lesquels il a reconnu avoir usé de plagiat.

Présente sur le plateau ce soir-là : Nora Berra, secrétaire d’État à la Santé, pour qui tout se passe bien dans les hôpitaux aujourd’hui en France. Cette Française d’extraction algérienne modeste, médecin dans le civil, cache derrière un sourire mondain un furieux désir de revanche sociale. Interpellée par Ardisson, elle proposa que les remboursements s’effectuent par petites tranches. Également présent sur le plateau, le chanteur de rap Soprano trouva cette solution « ignoble ». Même Jean-Jacques Aillagon, de droite, en gros pour les mêmes raisons que Berra, exprima son effarement face à la décision de la Cour de cassation.

Ce qui avait peut-être permis cette morgue de Berra, c’était une analyse d’Ardisson concernant la crise. Pour contrer le capital financier, il avait suggéré un pouvoir exécutif très fort – chez nous un président de la République usant de l’Article 16 (utilisé une seule fois par De Gaulle lors du putsch des généraux) – qui prendrait des décisions radicales sans aucun contrôle populaire. On frémit à l’idée de notre kleiner Mann faisant joujou avec cette aberration constitutionnelle ! On retrouvait là le fantasme royaliste ardissonnien que nous connaissons bien. Très modestement, je propose mieux encore : confier le pouvoir à HAL, le méga ordinateur d’Odyssée de l’espace. Petit problème pour Ardisson : qui l’alimenterait, et avec quelles données ?

 

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commentaires

P
La démocratie est en danger. Et il faut bien dire que ce sont les démocrates qui en portent la responsabilité par leur faiblesse et leur manque de courage.<br /> <br /> L'épisode Ardisson s'inscrit dans la logique qui a amené les gouvernements "Goldman Sachs" en Italie et en Grèce. Et je crains, bientôt, en Belgique.<br /> <br /> La question mérite d'être approfondie d'urgence.
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