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25 août 2013 7 25 /08 /août /2013 07:34

En 1900, le Royaume-Uni contrôlait un cinquième des terres émergées de la planète, un quart de la population mondiale et elle régnait sur les mers. Sa marine était deux fois plus puissante que celle de l’Allemagne et de la France réunies.

 

Néanmoins, depuis le milieu du XIXè siècle, une phase de déclin était prévisible. Le pays était sous-peuplé par rapport aux États-Unis et à l’Allemagne, il était pauvre en ressources physiques (à part le charbon), et comme son agriculture avait été sacrifiée au profit des manufactures, le Royaume-Uni ne se nourrissait plus par ses propres moyens.

 

Avant 1900, la Grande-Bretagne est la manufacture du monde. Elle transforme le coton, vend du fer et de l’acier et elle importe des matières premières et des produits agricoles. Mais le monde change en s’industrialisant progressivement. Ainsi, en France, il n’y a plus qu’un habitant sur deux qui vit de l’agriculture. L’accumulation du capital ayant lieu désormais sous de nombreuses latitudes, la puissance commerciale britannique décroît relativement. Sa marine lui permet encore de pénétrer violemment en Chine mais elle ne peut rien face au protectionnisme des autres puissances montantes. La France, l’Allemagne et les États-Unis dénoncent le libre-échangisme britannique en tant que système permettant aux produits industriels d’outre-Manche de s’écouler dans le monde entier. La Russie impose des barrières douanières en 1877 (dans le même temps, elle renforce son arsenal), la France en 1878, l’Allemagne en 1879. Le protectionnisme français se distingue par son caractère « défensif » à l’extérieur et par son souci de préserver la paix sociale. Il s’agit moins de rattraper la Grande-Bretagne que d’assurer un modèle de développement équilibré entre industrie, artisanat et agriculture. En Allemagne, des empires industriels comme celui de Krupp se sont érigés au XIXe siècle grâce au protectionnisme, au Deutscher Zollverein.

 

 

La première phase du déclin britannique se produit vers 1880, avec l’apparition de nouvelles puissances industrielles et/ou commerciales. Avant ce défi, plusieurs dirigeants politiques britanniques avaient remis en question la politique coloniale du pays. À droite, Benjamin Disraeli, pourtant l’un des principaux responsable de la domination britannique en Inde, affirme que les colonies sont « une pierre au cou de l’Angleterre ». Les libéraux, regroupés derrière Richard Cobden, partisans de l’abolition des lois protectionnistes sur le blé (les « Corn Laws » de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle) mettent en avant que les colonies sont sources d’impôts, de barrières douanières et qu’elles alimentent les rivalités entre grandes puissances. Mais dans les vingt dernières années du XIXe siècle, non seulement le pays n’abandonne pas ses colonies mais il fait tout pour les garder et pour en acquérir d’autres (en Afrique du Sud, au Soudan entre autres). C’est que l’industrialisation des grandes puissances européennes contraint celles-ci à préserver à tout prix leurs débouchés outre-mer. L’idéologie impérialiste se développe. Le militarisme, le nationalisme, le jingoïsme qui date de 1878 sont d’autant plus exacerbés qu’en face la France et l’Allemagne utilise les mêmes méthodes, le même discours et qu’elles disposent de davantage de ressources à l’intérieur de leurs frontières. Le livre de la Jungle de Rudyard Kipling date de 1894. Et dès 1878, on chante

 

Nous ne voulons pas nous battre mais, par Jingo, si nous y allons,

Nous avons les bateaux, nous avons les hommes, nous avons l'argent aussi

Nous avons déjà vaincu l'Ours et tant que nous serons de vrais Britanniques

Les Russes n'auront pas Constantinople.

 

Les partisans du libéralisme économique, les défenseurs des grands intérêts industriels souhaitent des colonies de peuplement, un « Empire anglo-saxon » pour véhiculer les capitaux britanniques et pour transmettre aux élites locales les valeurs des classes moyennes et supérieures britanniques. D’où la théorie du « fardeau de l’homme blanc », appliquée particulièrement à l’Inde, induisant un type de gouvernement paternaliste de territoire à civiliser. Cette politique échouera à long terme car les principales colonies de peuplement (Canada, Australie, Afrique du Sud) exigeront rapidement leur indépendance tandis que, par ailleurs, les « libéraux » ne seront jamais majoritaires à l’intérieur de la classe dominante britannique.

 

(à suivre)

 

 

 

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