Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
23 mai 2013 4 23 /05 /mai /2013 06:44

Angliciste, parlant couramment l'allemand, Claude Truchot est l'un des meilleurs sociolinguistes de France. Il défend depuis bien longtemps l'idée qu'il n'y a d'Europe que multilingue. Il dresse ici un bilan très sombre du tout-anglais dans certaines universités européennes.

 

En Europe du Nord, le recours à l’anglais a été un moyen de compenser la faible diffusion internationale des langues nationales, considérée comme un handicap pour l’attractivité internationale des universités, notamment lors de la mise en place du programme d’échanges universitaires Erasmus qui a vu les étudiants se tourner en masse vers les universités britanniques, françaises et espagnoles.

Pour ce faire, les universités nordiques et néerlandaises se sont appuyées sur une compétence acquise : la connaissance de l’anglais. Ces universités ont ainsi pu attirer une proportion plus importante d’étudiants étrangers. Précisons toutefois que celle-ci reste très largement inférieure à ce qu’elle est en France. En revanche, les effets négatifs sont multiples et de plus en plus mis en évidence :

  • Les langues nationales disparaissent des enseignements de haut niveau. Aux Pays-Bas, les masters tendent à avoir lieu presque exclusivement en anglais. Ainsi, en 2008-2009 à l’université de Maastricht, sur 46 masters le seul qui n’était pas en anglais était celui de droit néerlandais.
  • Calqués sur les enseignements dispensés par les universités américaines, les cursus perdent toute spécificité et ignorent les travaux scientifiques européens.
  • Aux Pays-Bas, les universités ont perdu non seulement l’usage du néerlandais, mais aussi l’ouverture internationale qui les caractérisait traditionnellement par la connaissance d’autres langues, surtout l’allemand et le français, actuellement ignorées des étudiants.
  • Si le niveau de connaissance de l’anglais parmi les enseignants est généralement considéré comme correct, l’usage qu’ils peuvent en faire n’est pas celui qu’en ferait un anglophone. Les cours sont récités, les échanges avec les étudiants sont limités, et ont souvent lieu dans une langue approximative. La perte d’information dans la transmission des connaissances est considérable.

Le bilan probable, mais les autorités n’ont jamais osé le faire, est que la qualité de l’enseignement supérieur a baissé dans ces pays.

Cette prise de conscience s’est faite en Allemagne à la suite de dix ans d’anglicisation. Le bilan par les chefs d’établissements est sans concession :

  • S’ils admettent que l’enseignement en anglais a pu renforcer l’attractivité de certains cursus, ils constatent qu’ils attirent des étudiants étrangers dont le niveau en anglais est insuffisant. De nombreux enseignants allemands n’ont pas « les compétences linguistiques requises pour garantir que l’enseignement dispensé en anglais soit de haut niveau ».
  • La polarisation sur l’anglais se fait aux dépens des autres langues et de l’ouverture internationale des universités.
  • La mise à l’écart de l’allemand des enseignements internationaux contrecarre les efforts faits pour développer la diffusion et le prestige de cette langue dans le monde.
  • Alors que les échanges internationaux devraient permettre aux étudiants, chercheurs et enseignants venant de l’étranger de connaître la culture et d’apprendre la langue du pays qui les accueille - ici l’allemand -, cet aspect est marginalisé.
  • Ce mode d’internationalisation crée de multiples problèmes de gestion auxquels les universités ne peuvent faire face.

 

L'intégralité de l'article sur le site de Mémoire des Luttes.

Partager cet article
Repost0

commentaires