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29 juin 2013 6 29 /06 /juin /2013 07:17

La tentative (qui a pour l'instant échoué) des élus Verts (qui reviendront à la charge autrement) de supprimer les procédures de qualification dans l'enseignement supérieur ne fut pas le produit de quelques sénateurs un peu fatigués par des débats nocturnes. Elle s’inscrivait dans la politique, voulue par le CAC 40, de démantèlement de la Fonction publique et de la fin du statut des fonctionnaires.

 

Dans un article récent, Bernard Friot, professeur de sociologie à Paris X, expliquait remarquablement cela. Extraits :

 

Le doctorat est un diplôme et le diplôme ne vaut pas salaire. Le diplôme est de l'ordre de la certification et nous situe du côté de l'utilité sociale du travail. Le salaire est de l'ordre de la qualification et nous situe du côté de l'évaluation de la valeur économique du travail.

 

Or la qualification relève de deux procédures contradictoires qui sont aujourd'hui l'enjeu d'un affrontement décisif.

 

Soit c'est le poste de travail qui est qualifié (comme dans les conventions collectives) et on est sur le marché de l'emploi avec des employeurs qui pratiquent le chantage à l'emploi : c'est l'emploi qui est payé et entre deux emplois on est au chômage.

 

 

Soit c'est la personne même qui est qualifiée, il n'y a pas de marché du  travail, pas d'employeur et pas de chômage: c'est la grande conquête du statut de la fonction publique d'Etat avec Thorez en 1946 (dans la fonction publique territoriale, hélas les maires sont des employeurs). L'attribution de la qualification à la personne, c'est le grade: un fonctionnaire est payé pour son grade et non pas pour son poste. Dans la fonction publique d'Etat, le grade s'obtient par concours national. Ainsi, dans l'enseignement, l'agrégation (du secondaire ou du supérieur), le capes, le concours de professeur des écoles, ou alors une procédure en deux temps dont le premier est national (CNU) avant l'épreuve locale (comité de sélection).

 

Les réformateurs (le trio PS, CFDT, Verts en est la variante de gauche, et n'oublions pas le trio Medef, UMP-UDI, FN qui en est la variante de droite) veulent en finir avec la fonction publique d'Etat. Pour affirmer "l'emploi public" contre la fonction publique et faire des enseignants des cadres évoluant sur un marché du travail avec des employeurs et du chômage, il faut exalter le diplôme (qui ne qualifie pas, il certifie) et marginaliser le concours pour en finir avec le grade tout en transformant les chefs d'établissement en employeurs. C'est tout l'enjeu de la LRU/loi Fioraso: confier la masse salariale aux présidents, donner au CA croupion de la présidence le dernier mot en matière de recrutement, et autant que possible marginaliser le CNU et faire des CS des organes donnant des avis à la présidence.

 

L’intégralité de l’article ici.

 

PS : Des collègues de Poitiers refusent l'un des aspects de la marchandisation des universitaires :

 

 

L'AG de notre laboratoire, le CRIHAM (Histoire, Histoire de l'Art, Musicologie) a voté à l'unanimité moins une abstention notre motion sur les "colloques payants".

 

 L'assemblée générale du CRIHAM réunie le 26 juin 2013 réprouve l'instauration par le Conseil Scientifique de l'Université de Poitiers d'une règle tacite conditionnant l'examen des projets de colloque à l'obligation de faire acquitter des droits d'inscription au public et/ou aux intervenants.

 

Cette disposition ne se justifie, en effet, ni pour les communicants, qui n'ont pas à payer pour travailler davantage et obtenir les références nécessaires à leur carrière, ni pour les étudiants intéressés, dont beaucoup connaissent des situations de réelle précarité, et que ces frais ne peuvent que décourager, ni pour les personnes extérieures à une Université qui entend promouvoir une image « ouverte sur la cité » et « citoyenne ». L'assemblée considère, en outre, qu'il est inéquitable de rejeter, sans égard aucun pour leur valeur scientifique intrinsèque, les projets d'organisateurs de colloque qui refuseraient de se plier à cette règle au nom de la défense du principe de gratuité dans le cadre d'une mission de service public. Elle demande donc que soit abrogée cette pratique qui, à ses yeux, constitue une étape supplémentaire dans la voie de la marchandisation des savoirs.

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