Marco Cianfanelli
Dommage qu'il y ait des fils électriques
Marco Cianfanelli
Dommage qu'il y ait des fils électriques
La semaine dernière, Maxime Vivas (dans l'émission “ Excusez-moi de vous interrompre ” de la chaîne Radio Mon Païs – 90.1 – qui accueille cette revue de presse) a fort bien mis en regard le militant de gauche démocrate, le jeune intellectuel courageux Clément Méric, qui a payé de sa vie le courage de ses idées, et les gros buveurs de bière au crâne rasé, jamais éloignés de leur batte de base-ball dans les meeting de Marine Le Pen.
Comme un clou chasse l'autre, je voudrais ici reprendre quelques échos qui ont fait suite à ce drame humain qui nous dit tant sur la société française d’aujourd’hui.
Une fois n’est pas coutume, L’Express offre une analyse plutôt lucide de la droite :
«La mort du jeune Clément Méric des suites d’un tabassage en règle par des nervis d’extrême droite suscite un immense malaise et appelle quelques questions toutes aussi dérangeantes. Car ce drame était pour ainsi inscrit dans les gènes du mouvement contre le Mariage pour tous : une vague protestataire largement relayée par les médias et dont la radicalisation est allée crescendo.
On a d’abord vu l’UMP prendre bien peu de distances avec l’ensemble du climat homophobe qui n’a cessé de polluer cette lamentable campagne, jusqu’à s’enraciner comme du chiendent dans les rangs de manifestants à l’homophobie souvent affichée.
On a aussi entendu sur les antennes des propos hallucinants, dont certains n’auraient pas déparés durant le régime de Vichy. Et ce sans que personne, sur les plateaux de télés, ne s’en offusque.
Cette banalisation de la haine, très docilement répercutée par des médias prêts à relayer le moindre témoignage, au nom d’une politique de « couverture » et de surenchère médiatique, fut intolérable.
Oui, les médias ont joué un rôle pervers dans cette lente poussée de fièvre homophobe qui s’est emparée de ce débat au fil de ces micros-trottoirs infâmes qui ont vu une France ultraconservatrice prôner l’exclusion de toute une communauté homosexuelle ostracisée. Oui, les chaînes de télés ont indiscutablement surfé sur ce climat nauséabond, tendant sans discernement leurs micros au tout-venant, hébergeant la fange, offrant aux extrêmes des tréteaux inespérés, quand derrière les mots de ces familles endimanchés, avec landaus et marmailles, suitaient une idéologie poisseuse : la peur de l'autre. »
L’extrême droite impressionne par son organisation. Esteban Morillo (dont les médias ont longtemps caché le nom alors qu’il est majeur) a le droit à sa page de soutien sur Facebook, "likée" par plus de 7 000 personnes. La page renvoie également à une page de soutien qui permet d'effectuer des dons :
« Chaque euro compte, les avocats coûtent cher. On ne vous demande pas de l'argent pour sauver les koalas rayés du Gabon occidental, mais pour éviter à un jeune homme de 20 ans de moisir dans une cellule grise. Merci d'avance pour votre générosité. »
Dans Le Point, Charles Consigny alimente l’amalgame et offre le point de vue des beaux quartiers pour qui Clément est le seul coupable : « Il n'y a aujourd'hui en France ni fascisme, ni résistance, ni ordre, ni courage. Ce militant avait sans doute la funeste illusion d'atteindre la fièvre de la lutte politique radicale, comme ses meurtriers. Mais que pouvaient-ils, chacun avec leurs noirs desseins, face aux forces qui actionnent désormais le destin des hommes et des peuples ? Rien. »
Le site identitaire (NOVOpress) crache sur le jeune assassiné : On en sait plus sur les circonstances de la bagarre ayant coûté la vie au militant gauchiste, Clément Méric. Les faits semblent éloignés du portrait du jeune martyr gratuitement et sauvagement agressé par une horde de « fascistes ». Caricature du militant d’extrême gauche, « il tractait contre les fascistes, pour le droit des étrangers, pour l’égalité hommes-femmes », TF1 fait de même : Clément Méric « était connu des services spécialisés comme appartenant à un groupe de militants d’extrême gauche qui recherchaient la confrontation avec des militants d’extrême droite ». Tout comme RTL qui évoque : « une bagarre généralisée et désordonnée, empreinte d’une grande violence, où les coups de poings et les coups de pieds ont commencé à fuser de toute part ».
Dans Tribune Juive, Pascale Davidovicz estime que les médias se sont emballés : « Même si la mort d’un jeune homme de 19 ans, élève brillant, ne peut pas laisser indifférent, il n’en demeure pas moins que son engagement peut poser certaines questions. Et, après les larmoiements d’une classe politique de gauche aux abois qui tient son icône et crie à la menace fasciste, le témoignage d’un vigile présent sur les lieux du drame, et dont le magazine Le Point se fait l’écho en exclusivité, pourrait ramener tout ce beau monde à la raison. »
Je laisserai le dernier mot à Jean-Luc Mélenchon sur BFM/TV : On lui demande s’il faut user de la violence en réponse à la violence. « Ce serait une erreur totale, nous serions sur un terrain qui n’est pas le nôtre. Le nôtre, c’est la passion, mais le raisonnement. Chaque jour, des milliers de gens basculent dans le chômage. Cette violence, nous devons l’exprimer, mais pas dans une violence de bandes armées. Ça nous amène sur un terrain où des gens comme nous ne pourrions jamais gagner. Les moyens définissent la fin, nous aspirons à une société de fraternité, de tolérance, d’égalité, pas de violence. Tout le monde a sa place dans la société, toutes les idées ne l’ont pas ».
Je suis tombé récemment sur un site facho sur une allusion au « sang impur » de La Marseillaise. L’idée quasi explicite était que le sang impur des étrangers devait simplement servir à arroser notre bonne terre de France, et rien d’autre.
Je me trompe peut-être, mais il s’agissait là d’un contresens total. Ce qui n’étonnerait guère de la part de crânes rasés « abreuvés » de bière.
Jusqu’à la Révolution française, il était communément admis que le sang des aristocrates était pur, plus exactement bleu. Celui de la plèbe (95% de la population) était impur. Le vers « Qu’un sang impur abreuve nos sillons » relève de l’ironie. Le Chant des Marseillais voit donc le peuple en armes comme un martyr de la liberté dont les victimes abreuveront la terre, le pays de demain, celui où règneront la liberté, l’égalité et la fraternité.
Ce que corrobore magnifiquement le quatrième couplet de La Marseillaise :
Tremblez, tyrans et vous perfides
L'opprobre de tous les partis,
Tremblez ! vos projets parricides
Vont enfin recevoir leurs prix !
Tout est soldat pour vous combattre,
S'ils tombent, nos jeunes héros,
La terre en produit de nouveaux,
Contre vous tout prêts à se battre !
Plus les héros tomberont et plus la terre produira de nouveaux martyrs.
Ou, comment resémantiser une expression convenue et se l’approprier. Il en alla de même pour l’expression « sans-culotte », la culotte étant l’apanage des riches, les pauvres portant des chausses. Un « sans-culotte » qualifia non plus une manant courbant l'échine mais un homme du peuple en marche vers la liberté.
Comme pour de nombreux enfants de ma génération, La Marseillaise fut longtemps pour moi un chant oral et non écrit. Pendant des années, j'entendis « qu’un cent guimpure », avant de demander à mon père une explication qui tienne la route. Ce « guimpure » avait encore moins de sens que « Séféro, ce soldat ».
J’ai suffisamment dénoncé les méfaits politiques et culturels du globish dans ce blog pour ne pas dire quelques mots sur la manière dont la langue anglaise est bousculée, abâtardie et donc transformée par ses utilisateurs non anglophones.
Lorsque deux peuples, donc deux langues sont en contact, il se passe des choses aussi inattendues qu’ingérables. J’ai ainsi brièvement expliqué dans les colonnes du Grand Soir pourquoi les jeunes (et moins jeunes) Français des beaux quartiers utilisaient désormais « trop » à la place de « très » (« cette glace à la pistache est trop bonne ») sous l’influence de l’immigration en provenance d’Afrique noire.
Je vais ici m’inspirer d’un article savant d’Ian MacKenzie, maître d’enseignement et de recherche à l’université de Genève, “ Lexical Inventiveness and Conventionality in English as a Lingua Franca and English Translations ”, publié par la revue The European English Messenger.
Les Anglophones n’apprécient guère que leur langue soit désormais affublée du surnom de globish (mot valise pour global English). À juste titre, ils préfèrent la dénomination d’ELF, « English as a Lingua Franca ». La première lingua franca fut la langue franque, une langue véhiculaire utilisée du Moyen Âge jusqu’au XIXe siècle autour de la méditerranée par les marchands, les marins, et toutes les personnes déplacées de manière temporaire ou permanente. Les quatre langues qui prédominèrent dans cette langue franque furent l’italien, l’espagnol, le portugais et le français. Raison pour laquelle, par exemple, le mot « sabir », qui vient du portugais et de l’espagnol « saber » (latin sapere) signifie « savoir ».
En tant que langue véhiculaire, une lingua franca est fondamentalement utilitaire. Voir les exemples de l’anglais des institutions internationales et du système bancaire, le kiswahili en Afrique subsaharienne, le dioula en Afrique de l’Ouest, le quechua dans l’Amérique promue au rang de « langue générale » par les colons espagnols), ou encore l’espéranto. Parfois, mais pas toujours, une lingua franca possède un vocabulaire assez limité et une grammaire rudimentaire.
Au XXIe siècle, l’anglais en tant que lingua franca, est un moyen de moyen de communication bien plus obligé que choisi. Comme le fait observer MacKenzie, la plupart des locuteurs qui l’utilisent pensent parler anglais et non globish. C’est donc tout à fait inconsciemment qu’ils triturent, manipulent et transforment la langue source. Ce qui ne doit pas surprendre dans la mesure où un contact entre deux langues amène des simplifications dans ces deux langues. Voir, par exemple, l’usage appauvrissant que les francophones font en français des verbes « concerner » ou « dédier ». C’est pourquoi lorsque l’on traduit du globish ou de l’ELF, on aboutit à des traductions plates car l’on choisit presque systématiquement des termes au champ sémantique pauvre. Fioraso et les Solfériniens peuvent se croire innovants et modernes : des cours en « anglais » dans l’université fançaise signifient inéluctablement un appauvrissement du français. Ce sera bel et bien Proust que la gauche américaine aura assassiné.
MacKenzie remarque tout d’abord que les locuteurs de l’ELF utilisent une quantité non négligeable de mots qui n’existent pas en anglais. Ce phénomène existe depuis belle lurette avec, par exemple, mettre « un smoking ». On a affaire dans ce cas à de l’interaction, de la collocation, des calques. Plus importantes, statistiquement parlant, sont les approximations qui sont en fait des créations bidon et involontaires : dictature, importancy, removement, slowering, colonisators, instable, introducted. Pour l’auteur, ces « créations » témoignent de la pente naturelle propre aux enfants qui veulent de la régularité et de la transparence : « il est viendu », « une rmoire ». Cette tendance à la facilité concerne également les participes passé des verbes irréguliers (et pourtant l’anglais en compte moins que bien d’autres langues) : fighted, feeled, meaned, striked, teached. Un relâchement identique – même chez de bons locuteurs – concernera les préfixes négatifs : discrease, injust, inofficial, uncapable, unpossible, unsecure.
Autre phénomène très intéressant relevé par MacKenzie : la créations de faux anglicismes : autostop, recordman, skipass, basket, cocktail, happy end, footing. Les Italiens utilisent mister pour entraîneur (coach ?) de football et box, comme les Français, pour nommer leur garage à voiture. Pour eux, Messi est un bomber (buteur exceptionnel).
La plupart du temps sans le savoir, les locuteurs du globish tronquent certains mots presque savants : automously, categoration, decentralation, phenomen, significally. Ou alors ils jouent avec les suffixes : satisfactionate, securiting, competensity, governmentality, methodologic, quitely, strategical. À contrario, selon la linguiste finlandaise Anna Mauranen, citée par MacKenzie, la tendance à la surproduction est naturelle chez tous les locuteurs (ornementationner, emmerdationner) : intersectioning, militarians, paradigma.
Les interférences sont innombrables : phenomen chez les Allemands qui ont Phänomen, homogene chez les Finnois qui ont homogeeninin, performant chez les Français ou les Roumains.
La création peut-être authentique et rendre des services aux anglophones de souche. Par exemple forbiddenness, le fait d’être interdit. Cette créativité peut rendre les sémantismes plus clairs, plus forts. À partir du verbe (et substantif) increase (accroître, accroissement), on crée increasement. Supportancy devient plus clair que support.
Dans ses “ Observations sur l’art de traduire, d’Alembert se montrait magnanime et accueillant :
« La condition la plus indispensable dans les expressions nouvelles, c'est qu'elles ne présentent au lecteur aucune idée de contrainte, quoique la contrainte les ait occasionnées. On se trouve quelquefois avec des étrangers de beaucoup d'esprit, qui parlent facilement et hardiment notre Langue; en conversant ils pensent en leur Langue, et traduisent dans la nôtre, et nous regrettons souvent que les termes énergiques et singuliers qu'ils emploient ne soient point autorisés par l'usage. La conversation des étrangers (en la supposant correcte) est l'image d'une bonne traduction. L'original doit y parler notre Langue, non avec cette timidité superstitieuse qu'on a pour sa Langue naturelle, mais avec cette noble liberté, qui fait emprunter quelques traits d'une Langue pour en embellir légèrement une autre. Alors la traduction aura toutes les qualités qui doivent la rendre estimable; l'air facile et naturel, l'empreinte du génie de l'original, et en même tems ce goût de terroir que la teinture étrangère doit lui donner. »
Il n’empêche que, si l’on ne veut pas d’appauvrissement, en tant que locuteur ou en tant que traducteur, il faut résister à toutes les facilités.
PS : Un site sur l'apprentissage des langues par téléphone : http://www.izidia.fr/
Ci-dessous un communiqué du Snesup qui montre à quel point la politique de Hollande, en matière de statut des personnels de l'Enseignement supérieur, est plus réactionnaire que celle de Sarkozy/Pécresse.
Une alerte est nécessaire sur l'article 43bis de la loi ESR introduit en commission par Le Déaut avec le soutien de Fioraso.
On avait dénoncé avec force l'inattention de la ministre aux statuts des personnels, se traduisant par une quasi-absence de ceux-ci dans le projet de loi. On aurait dû se méfier d’un article 43 à contenu vide qui gardait la place pour quelque chose. Une fois le projet soumis aux partenaires et aux instances y compris le CNESER, l'article 43 a été supprimé pour faire place aux véritables intentions du ministère : le 43bis a été introduit, dénoncé par le communiqué intersyndical du 28 mai avec juste raison.
Cet article s'applique aussi bien aux enseignants-chercheurs qu'aux enseignants et aux chercheurs ("personnels mentionnés à l'article L. 952-1") et combine la mobilité chère à Sarkozy et la modulation de service portée ainsi au niveau législatif : on pourrait parler de "mobidulation". Comme les couteaux suisses, l’article comporte plusieurs lames : la modulation de service proprement dite, la modulation temporelle chère à certains syndicats, la modulation spatiale aussi bien par changement de lieu que par changement d'établissement.
- Modulation spatiale: Reprenant et étendant les dispositions du décret de 84, l’article permet la mobilité « au sein du même établissement d'enseignement supérieur, entre établissements d'enseignement supérieur, avec les organismes de recherche et les fondations du secteur de la recherche, avec les services publics de toute nature et entre ces services et établissements et les entreprises, en France ou à l'étranger ainsi que des collaborations ou mises à dispositions dans des laboratoires ou institutions publiques, semi-publiques ou privées.
- Modulation de service et modulation temporelle : Ces personnels « participent aux missions du service public de l'enseignement supérieur définies à l'article L. 123-3. Leurs statuts leur permettent d'exercer ces missions simultanément ou successivement » Cette formulation permet aussi bien de cesser à un moment de faire de la recherche, que de répartir ces activités dans le temps. Ainsi les deux formes de modulation sont comprises dans cette phrase.
Le placement de toutes ces dispositions ensemble fait de cet article une trousse à outils complète de modulation permettant à chacune de ces trois formes de se combiner aux autres pour en multiplier les effets nocifs. Plaçant ces mesures au niveau législatif, le projet en renforce le caractère obligatoire. De plus, tous les garde-fous (nécessaire accord de l’intéressé, nécessité de préserver une moyenne de 192 h/TD pour les EC) ont été omis dans ce texte.
S’il advenait que cet article soit maintenu dans le texte final, ce serait une déclaration de guerre aux personnels, à laquelle devrait répondre une mobilisation de grande ampleur.
Par ailleurs, un amendement déposé par le gouvernement au Sénat vise à modifier radicalement le fonctionnement et surtout l'esprit du CNESER disciplinaire.
Le CNESER disciplinaire est une juridiction administrative INDÉPENDANTE, compétente soit en appel, soit plus exceptionnellement en premier ressort. La formation disciplinaire est composée d'enseignants-chercheurs (professeurs et maîtres de conférences) et d'étudiants élus. Elle élit son président parmi les professeurs, de sorte que le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche n'intervient pas dans cette instance.
En modifiant l’article L. 232-3 du code de l’éducation, qui deviendrait « Le président du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire est un conseiller d’Etat, en activité ou honoraire, nommé par le ministre chargé de l’enseignement supérieur. Un président adjoint, élu en leur sein par l’ensemble des enseignants-chercheurs membres de cette juridiction la préside en cas d’absence ou d’empêchement du président », le MESR rompt brutalement avec le principe d'indépendance du CNESER disciplinaire.
Si l'amendement était adopté, un Conseiller d'Etat, nommé par le MESR, serait le Président du CNESER disciplinaire. L'argument du renfort juridique ne peut aller à l'encontre du principe fondamental d'indépendance de la juridiction et aboutir à la mise sous tutelle de cette instance.
Un renfort juridique peut être envisagé, mais sous la forme d'un membre extérieur à la juridiction (Conseiller d'Etat ou professeur des universités spécialiste en droit), venant assister le Président élu du CNESER disciplinaire.
Enfin, que penser de la méthode du cabinet qui consiste à faire semblant de consulter le président du CNESER disciplinaire, à annoncer au SNESUP un travail de concertation préalable à des évolutions par décret, alors même que l'amendement est déjà déposé ?
Le SNESUP s'oppose de la manière la plus vigoureuse à ce tour de force visant à caporaliser le CNESER disciplinaire et exige le retrait de cet amendement inacceptable. Il s'adresse immédiatement aux collègues de la communauté scientifique, aux sénatrices et sénateurs qui doivent examiner cet amendement, pour que l'indépendance du CNESER disciplinaire soit garantie.
Les Amis du Monde Diplomatique de Tours ont élaboré un savoureux glossaire néo-libéral.
J'en propose ici des extraits.
Voici la sixième édition de ce glossaire, enrichie de nouvelles contributions (comme celles de Paul Laurendeau et Mathieu Gauthier, du Canada, de Bernard Berthelot, de Saint-Quentin, dans l'Aisne, de Christian Paroissin, de Paris, de David Krieff, de New York, de Robert Libiszewski (que j'invite à me préciser le sens de Performance), de Maisons-Lafitte, et d'un lecteur – auteur de Rebondir – dont j'ai malheureusement perdu le nom et que j'invite à me recontacter). Je vous signale aussi la nouvelle adresse électronique de Gérard Leduc, à l'origine de cette initiative : yg.leduc@wanadoo.fr Pour rendre le texte plus visible, j'en ai aussi changé le titre.
Le glossaire ci-après, avec l'introduction de Gérard Leduc (Ami du Diplo de Tours), constitue un travail de fond des Amis du Diplo de Tours. L'idée qui a présidé à sa naissance est que le maître des mots est maître des idées et celui-ci maître des esprits. En ce sens, il se situe dans le droit fil des préoccupations du Diplo, qui avait établi, il y a plusieurs années, que le communisme (entendu au sens courant) avait perdu la bataille des mots – donc la bataille des idées – bien avant de s'écrouler, à Berlin, le 9 novembre 1989. Ce glossaire est destiné à s'enrichir au fil des séances, au gré de l'imagination de chacun de nous. Il a pour dessein d'inciter le lecteur à débusquer, derrière des termes innocents, les perversions du langage provoquées par la doxa néo-libérale. Il s'agit donc, en décapant chaque mot, de repousser l'emprise du vocabulaire des nouveaux chiens de garde. Il n'est pas nécessaire d'éliminer les mots en question, il suffit de supprimer leur halo. Je m'explique : chaque mot ne se termine pas lorsqu'on a fini de l'énoncer. Le sens qu'il porte, comme la couleur d'un objet, irradie les termes environnants (ex. : le bleu ou le rouge n'apparaissent pas semblables selon qu'ils reposent sur une surface jaune, blanche ou noire). Il en est ainsi des mots qui, judicieusement disposés dans un discours, «colorent » ce discours d'une façon particulière. Leur influence est d'autant plus grande – et plus pernicieuse – qu'il s'agit de mots a priori «neutres ». Si nous les identifions, non seulement nous supprimons leur halo mais nous en éliminons l'influence, puisque leur force est précisément d'être invisibles. C'est le «test de Dracula » : exposés à la lumière, ils meurent.
Albanais : modèle social paranoïaque, autarcique et bunkérisé de feu Enver Hodja auquel les zozos altermondalistes veulent délibérément ramener notre pays alors que celui-ci doit s'engager plus que jamais sur la voie de la repentance et du rattrapage économique par le truchement de sa douloureuse mais nécessaire modernisation. (Définition aimablement proposée par Jean-Luc Perrin).
Archaïque (archaïsme) : traction hippomobile, lampe à pétrole, moulin à eau, impôt, salaire minimum, congés payés, grève, conventions collectives, retraite par répartition, refus de la Bourse. Les Français, non contents de garder leurs habitudes archaïques, s'y vautrent. Ainsi en est-il de leur regrettable réticence à l'égard de la Bourse, de leur attachement lamentable à des pratiques incompréhensibles, telle la réduction du temps de travail, que les pays étrangers (voir ce nom) considèrent avec la condescendance qui sied à ce genre de fantaisie. Superlatif : paléolithique (voir ce mot).
Best off : terme passé de mode, les gens "in" à Bostonne utilisent désormais "florilège" (prononcer flau-ri-ledge en articulant longuement la première syllabe) – origine inconnue ; néanmoins, au regard de la prononciation, ne peut relever que de l'inventivité proverbiale de ce monde anglo-saxon à qui nous devons tant et qui à la chance insigne de se conjuguer avec la liberté. (Définition aimablement proposée par Jean-Luc Perrin).
Chine : pays toujours dictatorial dont naguère il était de bon ton, dans un autre millénaire, de stigmatiser l'absence de libertés. Il est en effet réputé s'être désormais libéralisé - et dès lors devient nettement plus fréquentable - à partir du moment où les mots d'ordres furent progressivement remplacés par les donneurs d'ordres. Le centre de l'impérialisme est dorénavant concurrencé par l'empire du milieu. (Définition aimablement proposée par Jean-Luc Perrin).
Conservatisme : respect exagéré d'institutions absurdes, périmées, inefficaces et injustes. Parmi elles, S.M.I.C., retraites, congés payés, Sécurité Sociale, Code du Travail. Ce conservatisme nuit aux deux extrémités de l'échelle sociale : aux pauvres, auxquels il interdit de travailler pour un salaire de misère et aux investisseurs (voir ce mot), qu'il décourage d'investir dans des pays abritant des institutions aussi obsolètes. Ce conservatisme prend aussi le nom de lourdeur (en général associée à bureaucratique), de rigidité (associé à culturelle), de corporatisme (associé à syndical), de crispation (associée à d'un autre âge).
Contribuable : dans d'autres langues équivalent de bagnard, supplicié, martyr. Dans la galère de l'Etat, le contribuable est à la chiourme, le percepteur sur le pont avec un fouet. A la proue et à la poupe, se prélassent des sybarites, nommés fonctionnaires. Voir aussi impôt, obligatoire, volontaire.
Courage : vertu nécessaire pour s'attaquer aux classes pauvres ou moyennes qui, nul ne l'ignore, sont assistées, profiteuses, nanties et, surtout, privilégiées. A l'inverse, l'attaque des riches n'est pas courageuse mais doctrinaire, idéologique, irréaliste, suicidaire (pour certains de ces mots, voir plus loin).
Dégraissage, dégraisser : au sens propre, enlever la graisse. Le terme graisse, appliqué à l'être humain, a une connotation péjorative. Il évoque des sujets éloignés des canons de la beauté, soit pour des raisons génétiques, soit pour des raisons morales. La plupart des expressions (faire de la mauvaise graisse, crever de graisse, graisser la patte) sont des expressions péjoratives. Depuis 1974, date de la crise pétrolière – et de la crise tout court – le mot s'emploie pour «effectuer des économies », en taillant dans les effectifs d'une entreprise, les salariés de celle-ci étant substantivés en graisse, donc en matière superflue, laide, inutile, néfaste. Il faut bien se représenter ceci : l'être humain est ravalé au rang de la matière. C'est l'essence du racisme, qui noie le sujet dans la masse indistincte de son «espèce ». Conseil pratique : conserver bien au chaud, dans le creux de sa main, une gifle pour ceux qui profèrent cette insanité.
Dogme : point de doctrine établi ou regardé comme une vérité. Employé péjorativement pour opinion imposée comme une vérité indiscutable (Le Robert historique). Dans la bouche du Chroniqueur économiquement correct, désigne la retraite à 60 ans, le S.M.I.C, les conventions collectives. Synonymes : idéologies (au pluriel), politiquement correct, théologie, théologique (voir ces mots).
Egalitarisme : doctrine visant l'égalité par nivellement des couches les plus favorisées. Ce terme, à connotation péjorative, exclusivement utilisé par la droite pour déconsidérer la gauche, est révélateur à nombre de titres. Il est révélateur en ce que le locuteur se place non du côté de celui qui veut s'élever, mais de celui qui craint qu'on l'abaisse. Il est révélateur en ce qu'au lieu de penser au nécessaire dont est privé celui qui aspire à l'égalité (toit, santé, éducation, retraite), ce même locuteur appréhende pour le superflu (golf, véhicule 4x4, caviar, Seychelles) dont il s'imagine qu'on va le priver. Il est révélateur en ce qu'il établit un lien – alors qu' on ne le lui demande même pas ! - entre la richesse des uns et la pauvreté des autres. Il est révélateur en ce qu'il lui apparaît moralement nécessaire que certains soient récompensés dans l'exacte mesure où d'autres sont punis. Celui qui prononce le mot égalitarisme pense : « C'est bien beau d'être heureux, encore faut-il que les autres ne le soient pas ».
Elève (bon, mauvais) : (sous-entendu de l'Europe, du F.M.I., de la Banque Mondiale, de l'O.C.D.E.). Comme à l'école, le bon élève ne se distingue pas par ses facultés intellectuelles, mais par ses résultats et sa capacité à intérioriser les normes. Jeune, le bon élève apprend ses leçons, soigne ses devoirs ; adulte, le bon élève privatise, déréglemente, baisse les impôts. Le bon élève, qui sourit aux citations latines du professeur prépare le souple énarque, qui comprend à demi-mot les allusions du président de la multinationale et les traduit dans un projet de loi sans faiblesse. Un peu de servilité ne messied pas au bon élève : "Chef, chef, je peux tutoyer votre chien ?".
Etrangers (pays): les mêmes que l'on trouve dans la Communauté internationale. Les pays étrangers n'ont pas de prélèvements obligatoires, pas de Sécurité sociale (ou très peu), une administration respectueuse envers les riches, beaucoup d'actionnaires. Les pays étrangers sont donnés en exemple de dynamisme, de modernité (voir ce mot).
Exception (française) : la France, par rapport aux pays étrangers (voir ce nom), est une triste exception. Secteur public pléthorique (et inefficace), réglementation tatillonne (kafkaïenne), impôts et prélèvements confiscatoires. Elle doit marcher dans le bon sens car on ne peut avoir raison contre tous. Voire ! Au XVIe siècle, la France chrétienne s'est alliée aux Infidèles et a fait échec à Charles Quint. Au XVIIe siècle, durant la guerre de Trente ans, la France catholique s'est alliée aux hérétiques suédois contre les puissances catholiques, et l'Empereur a cédé. A partir de 1789, la France a défié l'Europe monarchique, et, au XIXe siècle, les principes révolutionnaires ont sapé les gouvernements d'Ancien Régime. Dans les années 30 du XXe siècle, la France, sur le continent, était un des rares pays à ne pas avoir sombré dans la dictature de droite. Les régimes de cette espèce ont fini dans le sang, l'opprobre ou le ridicule. De tout temps, des Français (Ligueurs, Dévots, Emigrés, fascistes, aujourd'hui ultra- libéraux) n'ont vu dans leur pays qu'un clou qui dépasse et qu'il faut enfoncer à coups de marteau.
Flexibilité : au sens propre, ce qui est souple, ce qui se plie aisément. Au sens moral, docile, souple, obéissant, se soumettant à toutes les adaptations, à toutes les conditions de travail ou de salaire. Pour le Robert historique de la langue française, le terme correspond aux dogmes du libéralisme économique. Pour bien le comprendre dans ce sens, il ne faut pas le prendre dans son acception positive (ce qui est flexible étant gracieux, pratique, utile), mais dans son acception négative – l'intendant qui se courbe jusqu'à terre devant le satrape, l'esclave devant le maître, l'obséquieux devant le patron. C'est l'exact opposé des inflexibles à la nuque raide – Camisards cévenols ou jansénistes appelants, pour ne citer que ceux-ci. « Baisse la tête », dit le boyard au moujik.
Fonds de pension : officiellement, complément ou substitut de la retraite par répartition, présenté, par rapport à cette dernière, comme la Ferrari par rapport à la 2 CV. En fait, équivalent moderne du bélier médiéval, destiné à enfoncer protections sociales et structures de l'Etat. L'adhésion aux fonds de pension étant volontaire (voir ce mot), les pauvres en sont librement (voir liberté) exclus. Contrairement à ce que laisse croire leur nom, les fonds de pension n'ont rien à voir avec la protection des retraités, et tout à voir avec la protection de M. Seillière, patron du MEDEF. La preuve de leur nocivité est fournie, chaque matin, par l'insistance du Chroniqueur économiquement correct à les promouvoir.
Grande (la plus grande démocratie du monde) : périphrase désignant les Etats-Unis. L'adjectif « grande » est censé renvoyer au corps électoral concerné (donc à la population). Et, de fait, dans l'ordre de la population, les Etats-Unis figurent au 3e rang, après la Chine et l'Inde. Or, s'il n'y a guère, en Chine, de vie démocratique telle que nous la concevons, ce n'est pas le cas en Inde, pourtant trois fois plus peuplée que les Etats-Unis (1 milliard d'habitants contre un peu moins de 300 millions). Par quel mystère continue-t-on à perpétrer cet abus de langage ? Serait-ce parce que les Indiens sont moins gras que les Américains ? Ou moins riches ?
Idéologies : employé au pluriel, pour déconsidérer le concept. Pour un esprit superficiel, peut laisser penser qu'il s'agit des idéologies qui se sont succédé au cours du XXe siècle : socialisme, communisme, fascisme, nazisme, franquisme, justicialisme, salazarisme, etc. En fait, implicitement réservé aux seules idéologies de gauche, et même à la seule pensée de gauche en général (de Laurent Fabius à Arlette Laguiller). Est employé pour évoquer massacres, inefficacité économique, dictature. Est idéologique ce qui contribue à diminuer les revenus des plus riches. Très bien porté : confondre dans le même opprobre idéologies d'extrême droite et d'extrême gauche, exercice qu'affectionne Jean-François Revel.
Impôt : indemnité de guerre versée à un État ennemi, dont les ressortissants s'appellent fonctionnaires. L'impôt figure (avec la roue, l'estrapade, le carcan, la potence, l'écartèlement, le bûcher, l'eau) parmi les supplices imaginés dans les pays archaïques (voir ce mot) pour torturer les habitants, appelés pour la circonstance contribuables (voir ce mot). Cette lamentable institution est heureusement en voie de disparition parmi les pays étrangers (voir ce mot). Synonymes : extorsion, racket (associé à fiscal).
Investisseurs : institutions représentées par les fonds de pension (anglo-saxons de préférence) dont la fonction est... de ne pas investir du tout. Tout comme on nourrit les bovins avec des farines animales, on nourrit les investisseurs avec des entreprises saines. Cette nourriture, les investisseurs la transmutent en deux produits. De la graisse, appelée capital, plus-value, dividendes, et des déchets, appelés chômeurs. Les investisseurs ne passent que peu de temps à leur repas. Ils sont symbolisés par la nourriture McDo : vite mangée, vite – et mal - assimilée, vite évacuée.
Marchés : autre nom de Dieu. Il ne faut pas perdre leur confiance en commettant des péchés, le premier étant de les nier. Ils sont la seule forme d'existence, contrairement à la démocratie, qui n'est qu'épiphénomène. Autre nom des marchés : les investisseurs (voir ce mot). Lieu de culte : la Bourse. Desservant paroissial : Jean-Pierre Gaillard. Prédicateur de Carême : Jean-Marc Sylvestre. Confesseur : Alain Minc. Grand Inquisiteur : Thierry Breton. Primat des Gaules : Ernest-Antoine Seillière de la Borde. En entrant à la Bourse, on trempe la main dans une cuvette emplie d'euros et on se signe en disant : «Au nom du Pèze et du Fric et du Saint-Grisbi, Amen ».
Moderne, modernité, moderniser : dernier avatar d'un concept connu également par les verbes et expressions restructurer, rationaliser, dégraisser, présenter un plan social, et qui ne signifie rien d'autre que licencier, jeter les gens à la rue, tailler dans les effectifs. Mais on n'est plus aussi grossier : on est moderne.
Mondialisation : processus par lequel un maximum de richesse est concentré en un minimum de mains, au détriment d'un maximum de gens. Mondialiser, c'est agrandir le gâteau plutôt que partager les richesses : à l'issue de la mondialisation le riche a droit à deux louches de caviar au lieu d'une, le pauvre à deux épluchures de pomme de terre plutôt qu'à une de carotte.
Obligatoire : qui est exigé moralement, et, surtout, juridiquement. Dans le langage néo-libéral, s'applique aux prélèvements fiscaux (impôts) ou parafiscaux (santé, vieillesse), et s'oppose à volontaire (voir ce mot). Dans cette acception, est considéré comme obligatoire non pas le prélèvement (en particulier parafiscal), car ce n'est pas une sujétion de s'assurer contre la maladie ou les aléas de la vieillesse (on assure bien son logement ou son véhicule) mais le supplément exigé, en fonction du revenu, pour couvrir les risques des assurés moins riches que soi. Il s'agit donc d'une redistribution (donc d'une extorsion), manifestation archaïque d'un pays qui n'est pas entré dans la modernité (voir ces mots).
Otages : personnes dont on s'empare et que l'on retient comme moyen de pression et de chantage. En France – et en Occident en général – les otages apparaissent dans deux circonstances. D'une part lors des attaques à main armée (banques, bijouteries), d'autre part, dans les années 60-70, victimes de guérillas anti-occidentales, soit sud- américaines, soit palestiniennes. Dans les deux cas, les images de ces peuples ont une forte connotation négative (pour les Sud-Américains, l'imagerie négative, façonnée par Hollywood, oscille entre ridicule et lâcheté). Pour les Palestiniens, point n'est besoin de rappeler les sentiments de nombre de Français vis-à-vis du monde arabe. Le preneur d'otages est perçu comme lâche, cupide, cruel, et, si possible, basané au poil noir (encore mieux s'il est mal rasé). Lorsque les médias décrivent complaisamment les cheminots, postiers, conducteurs de métro en grève comme les preneurs d'otages des Français, la représentation est : salariés = privilégiés = lâches = bandits = terroristes. Ces preneurs d'otages prennent de la valeur si, par surcroît, ils sont salariés du service public et syndicalistes. Mais comment qualifier les chefs d'entreprises ou capitalistes qui menacent de délocaliser leurs sièges dans des paradis fiscaux si l'on ne baisse pas leurs impôts ?
Pédagogie : de temps à autre, au Moyen âge, la population était conviée à un spectacle. Sur un amoncellement de fagots, on liait un homme – ou une femme – à un poteau, et on boutait le feu à l'ensemble. Cette pratique était œuvre pie, car œuvre de salubrité. En effet, qui brûlait-on ? Des hérétiques, des schismatiques, des apostats, dont la parole perfide détournait de pauvres âmes sur le chemin de l'enfer. Or, qu'était-ce qu'une crémation – au pire de quelques heures – d'une poignée de pauvres hères par rapport aux tourments des multitudes dans les flammes éternelles ? Sans savoir compter, on saisissait vite la pertinence du calcul. L'explication relevait de la théologie. Aujourd'hui, de temps à autre, on jette des gens à la porte de leur entreprise (on dit qu'on restructure ou qu'on modernise, ou qu'on dégraisse). Cette pratique est œuvre pie, car œuvre de salubrité. En effet, qui restructure-t-on ? Des gens de faible productivité, de faible employabilité, et qui risquent d'entraîner la Bourse sur la voie de la baisse. Or, qu'est-ce que la perte d'un salaire par rapport à une chute des dividendes ? Dans un cas, ce sont quelques milliers de francs qui disparaissent, dans l'autre, des milliards. Sans savoir compter, on saisit vite la pertinence du calcul. L'explication relève de la pédagogie.
Polluer, pollution : lorsqu'un ouvrier défèque sur le palier de son patron ou urine sur le pantalon d'icelui, il manque du respect naturel dû aux riches. Lorsque, pour préserver les dividendes des actionnaires, un armateur affrète un pétrolier usé jusqu'à la corde et que ce pétrolier coule et noie 200 km de côtes sous le mazout, on ne dit pas que l'armateur pollue mais qu'il externalise ses coûts.
Privilégié : salarié bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée et d'un salaire dans la moyenne. Les privilégiés, non seulement ont le droit de grève, mais, en plus ont l'audace de l'exercer. Les fonctionnaires, à cet égard, sont des super-privilégiés, ou des nantis. Pour la pensée ultra-libérale, la maladie est la norme et la santé l'exception (malheureuse). Plutôt que de vacciner, il faut i-no-cu-ler. Tout le monde malade ! Tout le monde au RMI ! Tout le monde à la rue !
Rebondir : Employé à la place d'ajouter, illustrer, répondre ou contester, ce terme évoque une courtoisie branchée mais de bon aloi, un rien primesautière, attitude très respectueuse des règles truquées du débat moderne qui fini toujours par s'échouer sur le consensus. Rebondir est aussi le titre d'un périodique qui fait ses choux gras du chômage en suggérant un rebond facile et souple évoquant comme par hasard la célèbre flexibilité, au lieu de la chute. Travailleurs de caoutchouc... [Ce texte est dû à un ami dont j'ai malheureusement égaré le nom. Qu'il se fasse connaître, afin que je répare ma bourde].
Référendum : questionnement du peuple sur les sujets auxquels les élites condescendent à demander l'aval. En cas de réponse négative, le référendum sert à démontrer que le peuple ne mérite pas ses élites. Elles condamnent alors l'icelui à subir des référendums jusqu'à ce que la réponse populaire satisfasse ceux qui posent la question. (Définition aimablement proposée par Jean-Luc Perrin).
Réformes : mesures permettant aux riches de s'enrichir encore plus au détriment des pauvres. Réforme de l'impôt (= baisse sur les tranches élevées). Réforme de l'administration (= abolition du Code du Travail). Réforme de l'école (= soumission des programmes aux chefs d'entreprise). Les réformes sont toujours indispensables et trop tardives.
Responsabiliser : faire payer les pauvres. Se dit quand on veut «réformer» la Sécurité Sociale. Les «gens», «usagers», «assurés sociaux» ou autres profiteurs ne payent pas ou pas beaucoup, en tous cas pas assez, pour certaines prestations sociales ; cela est source de vice : il ne se rendent pas compte. Par conséquent, ils doivent sentir combien leur paresse et leurs maladies coûtent à la Sécurité Sociale : c'est ça être responsable. La responsabilité étant (voir point précédent) par ailleurs une caractéristique intrinsèque des riches, elle peut s'acheter. Les pauvres vont donc pouvoir y accéder par la seule voie rédemptrice : ils vont payer pour être responsables. Les exonérations de charges sociales faites aux entreprises, en revanche, ne creusent pas le trou de la Sécu : en effet, une entreprise est, à travers ses dirigeants, en soi responsable ; par conséquent, il n'est pas «irresponsable» de ne pas payer dans ce cas-là ... [Définition aimablement fournie par François Dreyfuerst].
Retraite : situation d'une personne qui, à un âge donné, a cessé de travailler, et qui touche une pension. Cette personne, aux yeux des néo-libéraux, est cause de scandale, puisque payée à ne rien faire (comme lorsqu'elle est en congé de même nom). Ce scandale doit cesser. La retraite est donc associée à des termes comme question, problème, aveuglement, à des expressions comme situation explosive, bombe à retardement (métaphores guerrières), aller droit dans le mur (métaphore routière). L'objet de tout ce tintamarre est de reculer l'âge de départ à la retraite (si possible indéfiniment) et de baisser les pensions (si possible infiniment) afin de promouvoir les fonds de pension (voir ce mot).
Sacro-saint : employé ironiquement pour désigner une institution vis-à-vis de laquelle on manifeste un respect exagéré (néanmoins pas aussi fort que tabou, cf. ci-après). Se dit de la durée quotidienne ou hebdomadaire du travail, des congés payés, du salaire minimum, de la retraite par répartition. Ex de phrase : les ouvriers s'accrochent à leur sacro-sainte pause déjeuner. Traduction : ils refusent de travailler 11 heures d'affilée pour saboter le repas de leur patron chez Lasserre.
Société civile : curieuse expression qui ne s'oppose ni aux militaires, ni aux ecclésiastiques, mais au personnel politique (en gros, les élus et l'appareil gouvernemental) censés être des parasites sans aucun lien avec la société qui les nourrit. L'expression tend à dévaloriser toute la politique pour ne voir de réalité que dans l'économie, et, pour être plus concret, de promouvoir les entrepreneurs et les financiers.
Surréaliste : dans le langage du Chroniqueur économiquement correct, tout ce qui entre en contradiction avec la réalité, définie par les marchés et les chefs d'entreprise. Sont donc surréalistes les 35 h, le SMIG, le droit de regard des syndicats, le Code du Travail, la taxe Tobin, la volonté de démantèlement des paradis fiscaux, etc. Pour le Chroniqueur économiquement correct, Bernard Thibault (secrétaire général de la C.G.T.) est le successeur d'André Breton.
Vaches sacrées : animaux étiques, sans viande ni lait, qui vaquent paisiblement dans les rues indiennes, immobilisant par caprice toute la circulation sans qu'on puisse les déloger – sauf à se faire lyncher par la population. Par extension, se dit des institutions archaïques (SMIG, Sécurité Sociale, droit de grève, droit à la retraite, congés payés, droit du travail), permettant aux ratés (pauvres, smicards, titulaires du RMI) de narguer les décideurs en bloquant les bolides de l'économie, alors qu'il serait si simple de les faire déguerpir à grands coups de pied dans le bas du dos.
Vitesse : le néolibéralisme traduit une perception – et une conception - du temps pour laquelle, plus que jamais, ce dernier est de l'argent. On comprend que la vitesse y tienne une place essentielle : à elle on associe liberté, progrès technique, aventure, puissance, pouvoir, sport, compétition, jeunesse, santé, indépendance. Que dit-on pour louer quelqu'un ? Qu'il vit à 100 à l'heure, qu'il est battant, fonceur, qu'il passe la surmultipliée, qu'il change de braquet, qu'il chausse ses chaussures à crampons, qu'il est dynamique, toutes métaphores liées à la vitesse. Quels termes reviennent le plus souvent dans les chroniques du Chroniqueur économiquement correct? TGV, turbo, super(carburant), Formule 1, booster, bolide, autoroute, dopage, accélération. Tout un programme... Que prophétise Alain Madelin ? « [Qu'à] l'avenir, ce ne seront pas les gros qui mangeront les petits, ce seront les rapides qui mangeront les lents ». Par qui le Conseil Constitutionnel a-t-il été saisi pour invalider la loi Gayssot sur le très grand excès de vitesse ? Par Démocratie Libérale. Qu'est-ce que le livre de Christian Gérondeau (président des Automobile-Clubs de France), intitulé Candide au pays des libéraux, sinon un plaidoyer en faveur du néolibéralisme ? A quoi Pascal Salin (professeur d'économie néo-libéral) consacre-t-il tout un chapitre de son livre Libéralisme ? A pourfendre les limitations de vitesse. De quoi se réjouit Jacques Garello (collègue de Salin, président de l'A.L.E.P.S. ; « boîte à pensée » ultra-libérale) ? De l'annulation par la Cour de Cassation d'un jugement sanctionnant un excès de vitesse. Comment s'appelle, en Suisse, un parti hostile aux limitations de vitesse et favorable au néolibéralisme ? Le parti des automobilistes [sic], etc.
... A vous de jouer, Amis de Tours ou d'ailleurs, pour nous aider à compléter, corriger, modifier, élargir. Voir aussi le texte de Gérard Leduc, les deux étant consultables sur le site des Amis du Diplo. Le présent texte est une édition enrichie par rapport au site du Diplo.
Philippe Arnaud,
Amis du Diplo de Tours
Courriel : pjc.arnaud@wanadoo.fr
Courriel de Gérard Leduc yg.leduc@wanadoo.fr
Le texte dans son intégralité.
« Je veux remettre l’éducation et la jeunesse au cœur de l’action publique » ! C’est une des propositions phares du candidat François Hollande lors de sa campagne de l’élection présidentielle. Nous avons eu à débattre, dans cet objectif, d’un projet de loi de refondation de l’école, affichant un volet programmation portant 60 000 postes sur cinq ans. Nous pensions que la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche auraient une ambition équivalente. Ce n’est pas le cas. Vous nous avez, Madame la ministre, expliqué en commission que vos objectifs seraient soumis aux arbitrages de Bercy. Les moyens d’une vraie ambition nationale pour le développement des connaissances, pour l’acquisition et la production des savoirs ne sont donc pas au rendez- vous, alors que les besoins sont immenses même si la commission a adopté la nécessité d’une future programmation pluriannuelle des moyens.
Vous avez, procédé à une concertation du monde universitaire et de la recherche avec les Assises où la communauté scientifique s’était fortement impliquée. Or, aujourd’hui, à l’appel de leurs syndicats de la FSU, CGT, FO, Solidaires et à l’appel de nombreux collectifs, les universitaires et les chercheurs sont dans la rue pour demander le retrait de votre projet de loi ! Vous n’avez pas su, semble-t-il, tenir compte de la richesse de leurs propositions et recommandations. Alors qu’ils s’attendaient à une remise en cause claire de la loi LRU, mise en œuvre par la majorité précédente, les universitaires et chercheurs constatent que le décollage n’a pas eu lieu. Ils contestent la logique portée par ce projet, quant au rôle assigné par l’article 4 à l’Université et à la Recherche : la compétitivité de l’économie.
Vous incluez dans ce projet de loi la logique du « pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi ». En fait, vous substituez à l’essor économique, social, culturel, industriel le concept de compétitivité. Un concept qui est un des derniers avatars du néolibéralisme. Vous substituez la concurrence des capitaux, casseuse d’emploi, en lieu et place d’une production durable pour répondre aux besoins des êtres humains. Notre pays a besoin au contraire, pour son essor scientifique et culturel, d’un développement exponentiel de coopérations, de mise en commun de ressources et de compétences intellectuelles à l’intérieur de l’hexagone mais aussi à l’échelle européenne et mondiale. La compétitivité, alliée à la régionalisation accentuée par amendement à l’article 12, ne correspond ni aux aspirations, ni à la pratique scientifique du monde universitaire et de la recherche. Cette fuite en avant dans la mise en place de grands complexes universitaires, mettant en concurrence régions ou métropoles est dangereuse. Une vision régionale ne peut remplacer la cohérence du service public et n’assure en rien l’égalité d’accès aux droits portées par la République pourtant affirmée à l’article 1.
Vous nous dites, Madame la Ministre, que ce projet de loi a, avant tout, pour but la réussite des étudiants. L’objectif est juste. Et je me félicite à cet égard que la formation initiale n’ait pas été boutée hors du code de l’éducation ! Mais, pour parler réussite, il faut traiter de la question des inégalités sociales. Je partage d’ailleurs ce qu’en dit l’exposé des motifs du projet de loi qui indique que notre système « révèle son incapacité à assurer des parcours d’orientation et de formation réussis aux jeunes issus des familles les plus modestes ». Mais, pour répondre à ce défi, vous n’avancez pas sur l’allocation d’autonomie pour les étudiants ni sur un véritable pré-recrutement pour les futurs enseignants. Aussi, face à ces manques, je veux insister sur le besoin de développer l’aide sociale aux étudiants par l’intermédiaire des CROUS et CNOUS. Je veux d’autant plus le faire, que nous avons appris dans le même temps, le gel d’une partie des dotations au CNOUS et votre volonté de construire 40000 chambres d’étudiants ! Je me réjouis que nos amendements sur les nouvelles de l’observatoire de la vie étudiante et sur le développement des œuvres universitaires aient été acceptés en commission.
Vous avez également, madame la Ministre, argumenté sur la réussite des étudiants grâce à une réforme du premier cycle visant une spécialisation moins précoce. Dans son rapport, Monsieur le rapporteur nous précise qu’une réforme de l’orientation aura lieu à la suite « du séminaire gouvernemental sur la compétitivité » .Le premier ministre a en effet annoncé « que serait amorcé, dès 2013, la mise en place d’un nouveau service public de l’orientation, du secondaire au supérieur.. » Un peu plus loin, le rapporteur précise « qu’une réforme globale du cycle licence fera l’objet de mesures d’ordre réglementaire ». Notre rapporteur nous indique que des mesures seront prises, mais elles ne figurent pas dans ce projet de loi. Vous comprendrez madame la ministre et cher-e-s collègues, que l’importance du sujet puisse nous porter à demander des précisions quant à vos intentions sur ces questions. Je voudrais à ce point de mon propos m’arrêter plus particulièrement sur le lien entre l’Université et les bacheliers professionnels et technologiques. Le projet initial leur permettait de bénéficier d’un système de quotas pour intégrer prioritairement les STS et les IUT, ce qui me semblait une mesure intéressante pour les jeunes concernés à défaut de couvrir l’ensemble du champ du cursus. Je m’inquiète de voir des amendements gouvernementaux sur l’article 18 soumettre ces quotas à une négociation avec les chefs d’établissement concernés ; les lycées privés étant eux exonérées de l’obligation de signer des conventions avec l’Université. Le problème reste donc posé pour ces jeunes qui risquent d’être soumis au bon vouloir de ce que l’on appelle le milieu socioéconomique de leur région et de se voir empêcher d’intégrer des cursus de second cycle et de recherche.
La réussite, c’est aussi l’égalité républicaine devant le diplôme ou le concours. Or, malgré l’article 1 bis nouveau affirmant que l’Etat est le garant de l’égalité, nous craignons un glissement inéluctable vers des diplômes de groupements d’universités accroissant d’autant les inégalités territoriales que sociales. Car, si l’on fait le lien avec l’acte III de la décentralisation, ce qui nous est proposé peut conduire à l’éclatement du service public national au profit d’une conception européenne des régions. C’est ainsi que nous comprenons le glissement entre habilitation et accréditation en lien avec la création des Communautés d’Etablissements. Mais je me félicite que la commission ait adopté un amendement n’autorisant pas les établissements privés à délivrer des diplômes nationaux. Nos inquiétudes sont renforcées par le non revalorisation du périmètre d’action du CNESER. Enfin, je me félicite que l’article 2 sur l’enseignement en langue étrangère ait été modifié.
Concernant la recherche, autant je me félicite que soit affirmé à l’article 11 « une stratégie nationale de recherche ...sous la coordination du ministre chargé de la recherche » autant je m’inquiète de l’alinéa suivant qui coince cette stratégie entre les choix de l’union européenne et des régions. Quant au transfert, nous ne pouvons que nous interroger de voir cette notion de transfert- même encadrée par les amendements adoptés en commission- devenir la mission prioritaire de la recherche. Comme le disent Claudine Kahane et Marc Neveu, co-secrétaires généraux du SNESUP : « combien de chercheurs passionnés ...expriment leur écœurement de ne plus disposer du temps long et des moyens pérennes, indispensables à la maturation de sujets de recherche ambitieux, à l’opposé du pilotage utilitariste et à courte vue... » Certes, des relations entre le monde scientifique et l’entreprise sont nécessaires, mais elles ne peuvent pas résumer l’objectif des missions de l’ESR comme les articles 55 le laissent supposer. Et surtout, c’est la coopération entre partenaires de choix construits sur la base du service public, sans domination de part et d’autre, qu’il faut viser. Sinon, on peut s’interroger sur le devenir de la recherche fondamentale ou sur celui de la recherche en sciences humaines et sociales. Les scientifiques sont acquis de longue date aux coopérations de toute nature mais ce dont ils et elles ne veulent en aucun cas, c’est de se soumettre à des exigences et à des injonctions qui sont extérieures à la logique scientifique.
Encore faut-il d’ailleurs, pour qu’existe une coopération, que demeure une industrie et que celle ci s’imprègne de l’exigence de recherche en y consacrant les moyens adéquats pour une production de qualité et non pour les dividendes. En ce sens, je déplore que les rapports qui se succèdent et prétendent évaluer le CIR (Crédit Impôt Recherche) tout en s’interrogeant sur son efficacité, concluent à la nécessité de le reconduire. Ce sont en effet 5 milliards d’Euros qui sont soustraits à nos laboratoires publics au bénéfice d’entreprises comme Sanofi, Aventis, IBM, ou Texas Instruments ! On peut douter à la lumière de cette liste que ce dispositif ait fait ses preuves, notamment, Madame la Ministre, pour l’emploi. Ne faut-il pas, dès cette année, réintégrer la moitié des sommes dans le budget de nos laboratoires publics ? Ce serait un signe fort montrant que pour vous et votre gouvernement, le rôle de la production et de l’appropriation collective des connaissances est devenu l’une des grandes questions de notre temps ? En ce qui concerne l’évaluation, si on peut se satisfaire de la disparition de l’AERES (Agence pour l’évaluation de la Recherche Scientifique) on doit pourtant constater son remplacement par une structure quasi à l’identique. L’évaluation individuelle et collective est un exercice indispensable, mais elle doit avoir pour objectif constant l’amélioration du travail collectif de nos laboratoires et de celui de nos chercheuses et chercheurs, elle doit continuer à s’effectuer par les pairs extérieure, par exemple pour le CERN (Centre européen pour la recherche nucléaire) ce laboratoire gigantesque, témoin s’il en est de la coopération scientifique, technologique et industriel entre différents pays.
Enfin, quelques mots sur la gouvernance. D’abord pour me féliciter de l’instauration de la parité dans les structures, même si hélas l’ANR est maintenue et l’AERES maintenue de fait. La création du Conseil académique, ne doit pas atténuer les compétences du CEVU. Le CNESER ne doit pas voir ses prérogatives diminuées en faveur de la tutelle, là où des compétences scientifiques sont requises. Nous avons vu en d’autres temps et d’autres lieux ce à quoi ont pu conduire les velléités du politique de vouloir dire à la science ce qui est bon pour elle et ce qui ne l’est pas ! C’est pourquoi, madame la ministre, cher-e-s collègues, je crois que nous avons un devoir d’entendre la communauté scientifique et universitaire lorsqu’elle nous demande, pour être efficace, de développer la démocratie et non de corseter ou de multiplier les contrôles et l’encadrement.
Dernier point, la question de la précarité. 50 000 personnes sont concernées ! La recherche et l’enseignement supérieur ont besoin de temps long, d’acquisition permanente de connaissances et donc de stabilité, de véritable travail d’équipe. Cela est-il compatible avec une politique de réduction des dépenses publiques ? Cela est-il compatible avec la gestion de la masse salariale par les Établissements d’enseignement supérieur ? D’ailleurs, vous avez déjà commencé à traiter le sujet dans la modification de l’article 3. Madame la ministre, aujourd’hui le SNESUP estime que « le sens profond des missions d’enseignement supérieur et de recherche et la notion même de service public national sont dévoyés par le nouveau projet de loi ». Je veux encore croire que le débat au sein de notre hémicycle va permettre de répondre aux attentes de celles et ceux qui manifestent aujourd’hui. Je reste dans l’état d’esprit d’y travailler tout au long de nos débats car si ce projet reste en l’état, les députés de notre groupe se verront contraints de voter contre.
(Intervention de Marie-George Buffet à l’Assemblée nationale le 13 mai 2013)
Cela dit, comme le précise Marie, une correspondante, le vote favorable des élus PC et PG a été justifié par Marie-George Buffet « pour capitaliser les acquis du débat » avec des amendements obtenus au Sénat, même si le projet « reste au milieu du gué ».
Dans l'éditorial du numéro de juin 2013, Serge Halimi dénonce la langue unique (le sabir, le globish) que les Solfériniens veulent imposer aux Français :
Marché unique, monnaie unique, langue unique ? Les portes et les ponts illustrant les billets européens incarnent déjà la fluidité des échanges entre des commerçants sans ancrage et sans histoire. Faut-il également que les étudiants puissent quitter leur pays sans dictionnaire ? Avec pour seul passeport linguistique un anglais d’aéroport. Utilisable partout, en particulier dans les universités françaises.
Car il paraît que celles-ci restent encore trop « décalées » — comme le reste du pays. Imaginez, on y parle toujours… français ! Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, veut supprimer cet « obstacle du langage ». Il découragerait « les étudiants des pays émergents, la Corée, l’Inde, le Brésil », de venir se former en France.
Vingt-neuf Etats ont pourtant comme langue officielle celle de Molière (cinquante-six celle de Shakespeare). Et le nombre de locuteurs du français ne cesse de croître, en particulier en Afrique. Mais, à en juger par le parcours du combattant qu’elle leur inflige, les étudiants de ce continent ne sont pas ceux que la France veut attirer. Pas assez riches, pas assez susceptibles de payer les (gros) droits d’inscription d’une école de commerce ou d’ingénieurs.
Un reportage édifiant d’Olivier Cyran sur le Bangladesh, la « machine à coudre du monde », avec ses « meurtriers du prêt-à-porter » :
Avant même que l’effondrement des ateliers du Rana Plaza, à Dacca, ne tue plus d’un millier d’ouvriers, d’autres drames avaient mis en lumière les conditions de travail dans les usines de confection bangladaises. Comment le pays en est-il arrivé à une telle situation ?
Visible à plusieurs centaines de mètres à la ronde, l’étincelante tour de verre qui se dresse en solitaire sur la berge du lac Hatirjheel évoque un greffon de la City de Londres transplanté au cœur d’un gigantesque bidonville. C’est le siège de l’Association des fabricants et exportateurs de textile du Bangladesh (Bangladesh Garment Manufacturers and Exporters Association, BGMEA), l’organisation des employeurs du prêt-à-porter.
Un dossier très intéressant sur le vieillissement de la population mondiale. J’ai particulièrement savouré celui sur l’Allemagne qui, après avoir importé des aides-soignantes des anciens pays de l’Est payées au noir, veut exporter ses grands-parents.
Et si, même sur le plan économique, une population vieillissante était un atout pour un pays ? C’est en tout cas la carte que veut jouer le Japon en misant sur le « marché argenté » (« Un marché qui excite le patronat japonais »). En Allemagne, les pensions ne suffisent plus pour payer les établissements médicalisés ; certaines familles envoient donc leurs parents en Thaïlande ou en Roumanie (« Les Allemands exportent aussi leurs grands-parents »). La Chine, essentiellement rurale il y a trente ans, a vu depuis les jeunes partir pour la ville, laissant derrière eux les vieux isolés dans leur village (« Qin Zhuang, royaume des aînés »). L’Afrique affronte une évolution identique (« “Te souviens-tu de nos 20 ans ?” »). En France, une nouvelle réforme se prépare, qui vise à faire payer les retraités (« Et maintenant, faire payer la crise aux retraités »). Selon les circonstances, les responsables politiques et les dirigeants d’entreprise valorisent les plus de 60 ans ou les fustigent (« A quel âge devient-on vieux ? »).
Notons qu'environ 7 146 retraités allemands vivant en maison de retraite en Hongrie en 2011. Plus de 3 000 retraités ont été envoyés dans des foyers en République Tchèque, et il y en avait plus de 600 en Slovaquie. Il en existe également un nombre inconnu en Espagne, en Grèce et en Ukraine. La Thaïlande et les Philippines sont aussi attirantes pour un nombre croissant d’entre eux.
Un réflexion très intéressante de Pierre Rimbert (“ Les robots ne joueront pas « La Traviata » ”) qui nous explique pourquoi, contrairement aux ordinateurs ou aux casseroles, les soins, la culture, l’éducation coûteront toujours « trop » cher, dans l’optique du capitalisme financier, évidemment :
Erigée en dogme de part et d’autre de l’Atlantique, l’exigence de baisse des dépenses publiques se répercute en premier lieu sur les services d’intérêt commun. Or, dans les secteurs où l’interaction humaine est irremplaçable, réduire les coûts implique inévitablement une perte de qualité. L’automatisation d’un nombre toujours plus grand d’activités exaucera-t-elle les maniaques de l’efficience ?
Difficile, pour les habitants des pays industrialisés, d’échapper au sentiment d’une vie quotidienne cisaillée par deux courants contraires. D’un côté, le foisonnement de services individuels accessibles par l’intermédiaire d’appareils toujours plus performants, pratiques et bon marché ; de l’autre, la raréfaction et le renchérissement des services collectifs de contact — ceux qui, rendus par des humains à des humains, tissent la trame de la société. Arbitrages budgétaires, modes intellectuelles, flux d’investissements : tout paraît encourager cette dynamique. La comprendre — pour la combattre ? — implique de saisir un mécanisme mis en évidence il y a près de cinquante ans, mais que les dirigeants politiques s’évertuent à ignorer. Son nom ? La « maladie des coûts ».
Pour Renaud Lambert, “ Le Brésil s’empare du rêve de Bolívar ” :
Unifier les douze pays d’Amérique du Sud pour les libérer de la tutelle américaine : au Brésil comme ailleurs, le projet d’intégration fait l’unanimité, ou presque. Rassemblant patrons et syndicalistes, mouvements sociaux et hauts fonctionnaires, une telle mobilisation pourrait toutefois faciliter l’émergence d’une nouvelle hégémonie, régionale celle-là.
Peut-on “ Prendre le pouvoir sans perdre son âme ” (Baptiste Dericquebourg) ?:
Comment passer du statut de principale force de l’opposition à celui de premier parti d’un pays ? Rares sont les formations politiques de la gauche radicale européenne en mesure de se poser sérieusement cette question. C’est toutefois celle qui tiraille Syriza, en Grèce, que ses résultats électoraux du printemps 2012 placent aux portes du pouvoir.
Syriza tiendra en juillet 2013 son premier congrès en tant que parti unifié (lire « Syriza en chiffres »). Propulsée par les élections législatives de mai et juin 2012 au rang de coryphée de l’opposition de gauche à la politique de la « troïka » — Fonds monétaire international (FMI), Commission européenne et Banque centrale européenne (BCE) —, la Coalition de la gauche radicale jouit d’une position unique en Europe. Avec elle, une force politique progressiste se trouve aux portes du pouvoir. Mais cette percée ambiguë, à la fois victoire et défaite face aux conservateurs de Nouvelle Démocratie, l’a également confrontée aux problèmes de l’élargissement de sa base électorale et militante, ainsi que de la recherche d’alliances. Problèmes d’autant plus urgents que, pour la direction de Syriza, le gouvernement tripartite sorti des urnes en juin 2012 ne devait pas tenir plus de quelques mois, et que de nouvelles élections auraient donc déjà dû avoir lieu.
José Luis Peixoto pense que l’avenir à court et moyen terme des Portugais est très sombre :
Passage du temps de travail de trente-cinq à quarante heures, élévation de l’âge du départ à la retraite… Avec le nouveau plan d’austérité entériné le 12 mai dernier, le Portugal poursuit sa descente aux enfers. Qu’ils partent ou qu’ils restent, ses habitants doivent faire le deuil de leurs rêves d’avenir.
Selon Karim Emile Bitar, la Syrie est le théâtre de guerres (au pluriel) par procuration :
Appuyé par le Hezbollah libanais, le régime de M. Bachar Al-Assad a repris l’offensive dans l’ouest de la Syrie. Un rapprochement américano-russe laisse entrevoir la possibilité de réunir une conférence internationale à Genève. Mais, deux ans après le début du soulèvement, la révolution est détournée par des acteurs régionaux et internationaux aux objectifs contradictoires et souvent mal définis.
Que penser des “ loups solitaires de Boston ” (Murad Batal Al-Shishani) ? :
Les attentats du marathon de Boston, le 15 avril dernier, ont fait resurgir le spectre d’un djihad mondial contre les États-Unis, qui mobiliserait les combattants islamistes du Sahel à l’Afghanistan en passant par le Caucase. Pourtant, les motivations des frères Tsarnaev ont peu à voir avec la situation en Tchétchénie, république dont ils sont originaires et dont le combat vise avant tout l’indépendance vis-à-vis de la Russie.
Benoît Bréville se demande si la France ne va pas connaître une “ Immigration choisie à l’américaine ” :
Actuellement en discussion au Sénat, la réforme de la politique américaine d’immigration prévoit d’ouvrir la voie à la régularisation de onze millions de sans-papiers. Cette mesure, qui focalise l’attention des médias et des partis politiques, en éclipse une autre : l’instauration d’un nouveau système d’attribution des visas qui ferait la part belle aux desiderata des entreprises.
Où en est la dissuasion française (“ L’arme nucléaire oubliée du débat français ”, Vincent Desportes) ?:
Le nouveau Livre blanc sur la défense remis au président de la République a reconduit la posture et l’arsenal nucléaires tels qu’ils avaient été définis par le général de Gaulle. Encore une fois, les changements intervenus au cours des dernières décennies et la modification des menaces n’ont pas été pris en compte. Au risque d’affaiblir les capacités de dissuasion de la France.
Le Koweït connaît, lui aussi, ses sans-papiers (Alain Gresh) :
Comme les autres pays pétroliers du Golfe, le Koweït vit grâce à une main-d’œuvre étrangère corvéable à merci. Mais les « bidoun », ces citoyens privés de droits, sont une particularité du petit émirat.
La science-fiction : nouveau genre dans la littérature africaine (Alain Vicky) :
La science-fiction déplie les possibles enfouis dans le présent et cristallise les formes que pourrait prendre l’avenir. En rendant ainsi sensibles des peurs et des espérances collectives, elle est toujours – à sa façon – politique. Alors que les Anglo-Saxons l’ont largement abandonnée au profit de la fantasy, les artistes africains s’en saisissent.
Savez-vous combien coûte un billet d’avion ? Non, bien sûr. Ariane Krol et Jacques Nantel expliquent pourquoi :
La semaine dernière, vous avez acheté un billet d’avion pour Montréal. Après avoir consulté le tarif sur le site de la compagnie aérienne, vous avez navigué sur Internet à la recherche d’une meilleure offre, pour finalement revenir au site original. A votre grand étonnement, le tarif avait grimpé. Vous vous êtes empressé de réserver votre billet avant que son prix n’augmente davantage.
Vous vous êtes fait avoir.
Enfin, un fort dossier sur “ Les nouveaux défis de la santé globale ”
Trente ans après la découverte du virus du sida, le combat contre la maladie a connu des progrès certains. Infection elle aussi mortelle, le paludisme fait l’objet d’un travail de prévention systématique, comme en République démocratique du Congo (lire Bataille contre les moustiques en République démocratique du Congo), tandis que le traitement de la tuberculose est de plus en plus accessible. Créé en 2002, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme est l’instrument-clé de ce travail de titan qui nécessite la mobilisation de sommes importantes. Mais, en période de crise et de restrictions budgétaires, les bailleurs se montrent parfois hésitants à maintenir un soutien financier pourtant indispensable (lire les tribunes de Pascal Canfin et de Mark Dybul). Définis en 2000, les Objectifs du millénaire pour le développement ne seront pas atteints en matière de santé à l’horizon 2015 (lire « Défis du Millénaire en matière de santé »), et la situation en Afrique francophone demeure inquiétante (lire « L’Afrique francophone face au sida »).
Le numéro 36/37 de La Vie Est À Nous !: Le Sarkophage annonce, navré, que cesse sa version papier, pour mieux rebondir sur le net, avant d’ambitieux projets pour la rentrée.
"Nous sommes tristes de vous annoncer que nous sommes dans l’obligation de cesser brutalement l’édition papier de notre journal car nous sommes totalement étranglés financièrement en raison de l’augmentation des frais de distribution et de fabrication.
Dès septembre 2013, un nouveau mensuel Les Z’indigné(e)s, la vie est à nous! sera publié par les éditions Golias. L’équipe de la société éditrice de La Vie est à nous !/Le Sarkophage, est certes triste de devoir cesser cette belle aventure collective, mais nous sommes heureux qu’une autre débute, avec la même ligne éditoriale et sous la direction de Paul Ariès. Ce mensuel de 32 pages format A4 ne sera pas distribué en kiosque mais uniquement sur abonnement et vente directe au numéro. Il existera aussi en version numérique sur le site des éditions Golias."
Selon Paul Ariès (“ Résoudre la question du chômage ”), le capitalisme a toujours aimé disposer d’une armée de réserve pour opposer chômeurs et salariés et mieux exploiter ceux qui « ont la chance » de trimer. La mondialisation, en mettant les peuples en concurrence tandis que la petite caste au pouvoir s’entend sur ses propres rémunérations (qui ne doivent rien à la loi de l’offre et de la demande mais tout aux Comités de rémunérations des firmes), a permis au capital de paupériser les salariés et de créer artificiellement un chômage de masse mondial. Ce ne sont pas les appauvris du Sud qui volent les emplois des appauvris du Nord puisque le chômage concerne d’abord les peuples de la périphérie.
En attendant que les citoyens s’emparent de ce débat, imposant le retour à la retraite à 60 ans avec 37 annuités et demi, au prix d’une réduction des hautes retraites, imposons la semaine des 32 heures, imposons la limitation des stages en entreprise (il n’y a pas si longtemps, ils n’existaient pas même dans les lycées techniques), interdisons les stages non rémunérés au tarif des salariés, comme cela se pratique aux États- Unis.
Christine Jakse chante les louanges de la cotisation sociale :
Dès l’instant où les gouvernements successifs ont décidé du gel progressif des taux de cotisation sociale, entre 1979 et le milieu des années quatre-vingt-dix, les régressions sont allées bon train pour les salariés: droits d’accès à la sécurité sociale durcis et réduits, niveau des prestations affaiblis, durée de versement limitée.
Pour Laurent Paillard (le coin des sophistes), « Il faut avoir le courage d’imposer des sacrifices. »
Indice: l’aliénation religieuse peut prendre la forme du discours économique.
Solution : C’est au nom d’une pensée magique que sont décrétées les mesures d’austérité telles que diminutions des salaires, licenciements, atteintes à tout ce qui concerne la part socialisée du salaire – sécurité sociale, assurance chômage, droit à la retraite à un âge décent, augmentation larvée de la durée et de l’intensité du travail, etc. En effet, si la pensée économique dominante se plaçait dans le cadre des Lumières, les mesures adoptées devraient être fondées sur une analyse rationnelle de la situation permettant de comprendre les causes des déséquilibres économiques afin d’agir sur celles-ci.
De cette façon, le peuple n’est pas conçu comme le seul souverain et l’existence des individus passe au second plan, c’est toujours la variable d’ajustement sacrifiée aux intérêts supérieurs du capital.
Yann Fiévet s’afflige de la longueur de la première année du quinquennat de Hollande :
Comme elle fut longue, la première année d’un règne qui pourrait en compter cinq. Longue de l’attente de changements qui ne viendront pas. Longue de l’amertume du constat que le président nouveau est, tout compte fait, un fieffé conservateur. Longue du dégoût du mensonge perpétué au sommet de l’État pour camoufler de vils conflits d’intérêts. Il est à craindre que « la bande à Hollande » continue de jouer avec nos nerfs, sourde qu’elle est au grand désarroi qui étreint le corps social. Les médecins attentifs savent qu’à tout moment les nerfs peuvent craquer.
Gérard Filoche sait où est l’ennemi : la récession est la faute au Medef et aux grands patrons :
C’est vous qui n’investissez pas. C'est vous qui bloquez les salaires. C'est vous qui augmentez les vôtres et vous goinfrez de stocks option, de retraites chapeaux, d’émoluments mirifiques à 600 fois le Smic, c’est vous qui bloquez l’argent, le stockez dans les îles Caïman et les caves à subprimes. C’est vous qui délocalisez, c’est vous qui violez même vos propres règles de concurrence, vos propres appels à la compétitivité.
Pierre Lucot réfléchit sur les notions de différence et de normalité :
Décidément, le début de ce quinquennat sera marqué par une aspi- ration à la normalité. Le débat autour du « mariage pour tous » relève de cette surprenante évolution des revendications sociales sollicitant de façon « prioritaire » non plus le droit à la différence (des homosexuels ou des célibataires) mais l’aspiration à la norme.
Aurélien Bernier écrit, sûrement en pure perte, à Alain Lipietz :
La grande habileté des libéraux est d’avoir bourré le crâne des citoyens avec de pseudo-lois économiques qui se révèlent fausses à l’usage.
Mais pour que ce projet se réalise, il faut retrouver l’audace dont vous faisiez preuve en 1984 : un vrai gouvernement de gauche doit agir, et rompre unilatéralement avec l’ordre libéral de Bruxelles. Jamais ce que vous écriviez à l’époque n’a été aussi valable qu’aujourd’hui. Alors pourquoi ne pas dépoussiérer ces belles réflexions révolutionnaires?
Philippe Corcuff demande si les gauches ne sont pas en plein coma intellectuel :
Peut-on se contenter de la tendance dominante au sein des gauches à la déflation intellectuelle et à l’inflation rhétorique, de rafistolages quant à « la moralisation de la vie publique » en nouveau prétendant à la chefferie demandant à ceux qui occupent les places qu’« ils s’en aillent »?
René Balme et Camille Ariès s’entretiennent sur les politiques de santé dans nos villes :
Le fait que les communes investissent le champ de la santé en se dotant d’outils comme les centres de santé, les maisons de santé ou les pôles de santé va permettre de coller à une réalité territoriale et d’avoir une vision globale de l’état de santé de nos populations. Vous avez parfaitement raison : les patients ne sont pas responsables de leurs maladies ou, s’ils le sont, c’est à la marge. Il y a une responsabilité collective dans bon nombre de pathologies. Les maladies respiratoires, un certain nombre de cancers sont directement liés à ce que nous inhalons ou ingérons. La culture intensive, les pesticides, la pollution de l’air, la pauvreté, les conditions de travail, etc., sont la résultante de poli- tiques ou d’absence de politiques à l’échelle des nations qui débouchent sur une responsabilité collective que nous devons assumer et prendre en compte dans l’offre de soins. La culpabilisation dont vous faites état ne concerne pas que la maladie. Les pouvoirs ont étendu son champ dans de nombreux domaines : les accidents de la route, l’alcool, le tabac, la sexualité, etc. Il y a donc un vaste chantier qui suppose un travail en amont conséquent et pédagogique autour de ce sujet.
Paul Ariès pense qu’il s’invente une nouvelle écologie des pauvres en Afrique :
Extrait du livre de Paul Ariès « Amoureux du Bien-vivre, Afrique, Amériques, Asie : que nous apprend l’écologie des pauvres ? », mai 2013, Golias
L’Afrique fut pionnière dans la remise en cause de l’industrialisme avec la condamnation dès le XXe siècle des « Grands projets inutiles imposés » qualifiés alors d’« éléphants blancs », avec le refus d’un développement économique extraverti.
Pendant ce temps, on suffoque à Pékin (Olivier Canal) :
Si les années qui viennent de s’écouler ont posé le problème, ces dernières semaines ont révélé l’urgence des mesures à prendre pour éviter le chaos écologique. Ainsi, les dysfonctionnements actuels sont la démonstration que la croissance survoltée des Chinois n’est pas durable. Malheureusement, la pédagogie des catastrophes est encore à l’œuvre. Au final, nombreuses sont les entreprises polluantes qui viennent s’installer en Chine pour contourner les lois antipollution occidentales basées sur le « pollueur- payeur ». La population chinoise sup- porte à la fois les conditions de travail imposées par le capital international et se voit soumise à une dégradation rapide de son environnement.
C’est la double peine de l’hypercroissance menée à marche forcée par le régime communiste et productiviste de Pékin.
Pour Jean-Michel Drevon, il urge de lancer une nouvelle réflexion sur le service public :
Alors que le Front de gauche est divisé sur la stratégie à l'égard du Parti socialiste à l'occasion des municipales de 2014, l'analyse d'un cas concret prouve qu'on ne peut décidément pas s'allier au Parti socialiste, sauf exception locale.
Si la droite parfois s’insurge, comme pour le TOP (tronçon ouest du périphérique) lorsque le sénateur maire d’Oullins François-Noël Buffet se bat contre les décisions de l’exécutif communautaire, obtenant l’organisation d’un véritable débat public, s’il arrive que des élus locaux, poussés par des citoyens en colère osent s’opposer au « grand stade » et ses dépenses scandaleuses, le plus étonnant est qu’une partie de la gauche se fait complice, même de l’inacceptable. En effet, en ce qui concerne le grand stade, véritable scandale où l’intérêt général est mis au service de celui très particulier et très privé du président de l’OL, on s’étonne de voir des élus qui s’affichent de gauche cautionner une telle politique malgré les mobilisations citoyennes. Si quelques-uns sauvent l’honneur, ils sont bien isolés.
Même topo sur les questions de services publics. D’abord avec la décision unilatérale de changer le système de la collecte des ordures ménagères. Malgré une grève unitaire et puissante des éboueurs et de leurs syndicats, non seulement Gérard Collomb passe outre mais, pour faire bonne mesure et montrer son sens du dialogue, il assigne les 7 dirigeants syndicaux au tribunal.
On l’a vu ensuite sur le retour en régie publique de l’eau. Un collectif très large se met en place dès 2011. Il se bat pendant un an et demi (pétitions, débats publics, conférence de presse, adresse aux élus) pour obtenir un véritable débat public organisé par le Grand Lyon, pour obtenir les informations lui permettant de faire la démonstration que l’eau, en tant que bien commun, impose un tel retour en régie publique, après 30 ans d’un contrat de DSP scandaleux et léonin aux profits de Veolia et Suez. Malgré l’évidence d’une telle solution, mise en œuvre à Grenoble avant-hier, à Paris hier, à Nice (par Estrosi !) aujourd’hui, à Bordeaux demain, Gérard Collomb, fidèle à lui-même, au mépris des élus et des citoyens annonce à la presse, avant même le vote officiel, la décision prise.
Enfin, Jean Gadrey revient sur l’articulation ehtre politique de gauche et productivité :
Les fabuleux gains de productivité de ces trois décennies et même ceux, de moins en moins élevés, des décennies suivantes, ont été largement fondés, via des technologies toujours plus lourdes, sur une exploitation déraisonnable des ressources naturelles.
Pour Jacques Sapir, Mémoire des Luttes, il convient de se rappeler ce que vient de déclarer Jérôme Cahuzac : “On me dit que j’ai menti sur ma situation personnelle. Cela veut dire quoi ? Qu’il y aurait des mensonges indignes et d’autres qui seraient dignes ? A ce compte-là, j’ai menti devant l’Assemblée sur la possibilité de réaliser les 3 % de déficit en 2013”. On peut être choqué par le cynisme de ces propos, mais il faut reconnaître leur vérité.
Où est le pire mensonge de Jérôme Cahuzac ? Dans une fausse déclaration de son patrimoine, certes éminemment condamnable mais qui n’a d’effets que sur lui-même ? Ou bien dans une fausse déclaration de nature politique, faite, elle aussi, devant l’Assemblée nationale ?
Michel Santi, dans Marianne, revient sur les prétendues réformes en Allemagne, au début des années 2000 :
Ces réformes sinistres ont été lancées le 16 août 2002 par un groupe d’experts dirigés par le directeur des ressources humaines de Volkswagen, Peter Hartz, qui a présenté au chancelier allemand Gerhard Schröder ses propositions relatives aux réformes du marché du travail.
Dix ans plus tard, la société allemande se retrouve profondément transformée par ces réformes.
En effet, une étude de l’OCDE, publiée à fin 2012, conclut à un accroissement spectaculaire des inégalités, bien plus que dans n’importe quel autre pays membre de cette organisation.
La commission Hartz a réussi à créer dans son pays un marché du travail subsidiaire dominé par des bas salaires et non soumis aux droits sociaux.
De fait, ces réformes privent les chômeurs allemands de tous leurs droits aux allocations chômage. Ils sont dès lors réduits à l’état de mendiants sociaux !
Le secteur allemand des bas salaires tire par le fond tous les salaires du secteur industriel en agissant comme une sorte de levier infernal. Le travailleur y subit des conditions similaires à celles encore en vigueur dans le Tiers-monde et dans les pays émergents.
Yann Fievet nous parle de Hollande dans Le Grand Soir :
Nous étions sans grande illusion quand François Hollande fut élu l’an dernier. Nous sommes aujourd’hui pleinement comblés.
La Gauche hollandiste a résolument et définitivement choisi son camp : celui de la préservation des intérêts des détenteurs du capital contre le sort difficile des possesseurs d’une force de travail chaque jour davantage méprisée quoiqu’en disent les discours convenus. Au lieu de songer à changer de cap, cette devient réellement dogmatique : l’austérité est obligatoire car c’est « la seule voie menant au redressement ». Quel redressement ? On ne le sait pas vraiment mais ce dont on est sûr c’est qu’il mène à la Croissance et que la Croissance – autre dogme de taille – ce sont des emplois assurés. Hâtons-nous donc de lancer de « grands projets structurants ». Et tant pis pour « la petite économie » et l’environnement massacré.
Ainsi que le site Convergences révolutionnaires :
Jeudi dernier, Hollande est venu à la télévision nous promettre une « offensive ». On n’a pas tardé à comprendre que dans son collimateur ne figuraient ni les licenciements ni les spéculateurs, mais nos retraites.Certes, comme le répète le ministère du Travail, « toutes les options sont sur la table ». Le problème, c’est qu’elles ressemblent comme deux gouttes d’eau aux revendications du syndicat... des patrons. Hollande reprend toute honte bue le slogan de Sarkozy « Travailler plus ». À sa sauce, il est vrai : il a supprimé « pour gagner plus ». Il s’agit en effet selon Hollande de dire « la vérité » aux travailleurs, et la vérité ce serait que la population vieillit et que l’âge de la retraite doit suivre. Un gros mensonge qui oublie également l’accroissement de la productivité. On produit aujourd’hui la même quantité de biens qu’il y a 20 ans avec deux fois moins de travail. PSA geint à qui mieux-mieux sur la mévente de ses voitures. Et consacre pas moins de 350 millions d’euros à des opérations boursières pour relever le cours de son action. Quant à Vinci, son patron vient de se faire voter une augmentation de 30 %, alors même qu’il emploie, via une cascade de sous-traitants des ouvriers portugais sur ses chantiers en France payés au salaire de leur pays : 650 euros par mois...
Sur le site du M »PEP, Oskar Lafontaine considère qu’il faut « abandonner » la monnaie unique. L’ancien ministre allemand des Finances reconnaît l’erreur qu’il a commise en faisant partie de ceux qui, dans les années 1990, ont soutenu le processus de mise en place de l’euro comme monnaie unique. Pour lui, la monnaie unique « aurait été valable » si les pays membres de la zone euro « s’étaient mis d’accord sur les conditions d’une politique salariale coordonnée en faveur d’une augmentation de la productivité ». Pour Lafontaine, « le système a déjanté ».
Dans son blog, Jacques Lacaze s’intéresse à la situation de la médecine en Espagne :
Ils sont 4 717 médecins généralistes au chômage, selon les dernières statistiques de l’Observatoire de l’emploi public espagnol, qui datent de janvier dernier. Un chiffre en hausse de 42 % sur un an. Et déjà plus de 2400 à avoir quitté le pays en 2012, pour s’établir, pour la moitié d’entre eux, au Royaume-Uni mais aussi en Allemagne, au Portugal, en Suisse, en Norvège et en Autriche.
Pour la première fois, les retraités paient les médicaments
Depuis juillet, les retraités sont obligés, pour la première fois, de payer leurs médicaments, à hauteur de 10%.
L’État prévoit de privatiser six hôpitaux de la capitale et vingt-sept centres de santé.