Le Sarkophage, dont je rends compte régulièrement dans ce blog et sur le site du Grand
Soir, vient de publier un formidable hors série consacré à ceux qui désobéissent, qui luttent, qui résistent. Je ne retiendrai dans cette chronique que
l’exemple de Dominique Liot, un Robin des Bois CGT de l’énergie, qui travaille pour l’EDF désormais privatisée, dans la région de Toulouse.
Dans son style bien à lui, Mélenchon aime à forger des expressions qui le caractérisent et le singularisent. Il en va du Jean-Luc comme de Chateaubriand : le style « est de l’homme même ». Pour le candidat du Front de Gauche, une tête dure est une personne qui ne se laisse pas impressionner par les « en haut d’en haut », qui sait quand il faut faire un écart par rapport à la norme qui ne tombe jamais du ciel mais est le produit d’un rapport de forces, qui fait tout pour ne pas subir les règles imposées par les dominants – et qui donc s’efforce d’édicter les siennes. Ainsi, pour les Robins des Bois de l’énergie (voir ici qui était le vrai Robin Hood : link), il est anormal que les actionnaires d’EDF, de GDF ou de Total perçoivent des dividendes délirants quand des victimes du système ne peuvent plus faire cuire leur tambouille ou réchauffer leurs enfants. D’où leurs actions diverses et variées consistant, par exemple, à remettre le courant chez des chômeurs ou des travailleurs précaires. Il est certain que dans la société française d’aujourd’hui, il y a les têtes dures et les ventres mous.
Dominique Liot se présente de manière fort politique : « Je travaille dans une entreprise née publique à la Libération, EDF-GDF, issue de nationalisations en 1946 des multiples entreprises électriques et gazières qui couvraient le territoire. Cette nationalisation, menée non sans réaction du camp patronal, était inscrite dans le programme du Conseil National de la Résistance. Comme une première marche d’un escalier menant l’ensemble des salariés à un statut respectable et respecté. »
Tout est dit lorsque Liot ajoute que le but de cette entreprise nationale n’était pas de réaliser des profits. Il faut toujours avoir à l’esprit que les nationalisations de l’après-guerre furent une des conséquences de la lutte contre le fascisme qui a permis la construction d’un monde meilleur, que les dominants sont en train de saper méthodiquement, en Grèce et ailleurs.
Dominique Liot, qui lie son destin de travailleur à celui des luttes collectives, a cette formule admirable : « Militer n’est pas une croix à porter, c’est une dignité à entretenir. » Il rappelle qu’au printemps 2009 un vent de révolte a soufflé sur ERDF-GRDF Midi-Pyrénées, peu après la tempête Klauss qui a ravagé le Gers et la Haute-Garonne. Les directions des établissements de l’énergie avaient préféré laisser à l’abandon une bonne partie du réseau « au motif que cela revient statistiquement moins cher d’attendre que ça pète plutôt que de mettre les moyens techniques et humains nécessaires pour l’éviter. »
Avec ses camarades, Liot entreprit d’aider des Rmistes dans le besoin en leur remettant le courant, en vertu du droit à l’énergie pour tous. Il fut mis à pied trois semaines (link). ERDF décida alors, de manière particulièrement mesquine, de porter plainte contre ces Rmistes pour vol d’électricité, en leur envoyant par ailleurs une facture de 367 euros pour frais de coupure ! Liot a bien raison : « ERDF fait du fric sur la misère. »
Être un Robin des Bois consiste, dans sa tête, à considérer que certaines actions, bien qu’illégales, sont légitimes. Comme celles des faucheurs volontaires ou des enseignants désobéisseurs. Ces actions amènent une prise de conscience qui débouchera – on peut l’espérer sous un gouvernement de gauche – sur « une tranche sociale gratuite et une forme de tarif progressif pour lier justice sociale et économies d’énergie ».
En l’état actuel, rappelle Liot, la privatisation d’EDG et GDF se concrétise par une externalisation massive et par un statut, pour EDF, de fournisseur comme un autre. Cette situation n’est pas inscrite dans le marbre si les travailleurs des deux grandes entreprises ET les consommateurs résistent pour récupérer ce qui leur appartient.
Le programme du Conseil National de la Résistance (24 mars 1944) s’intitulait Les jours heureux. Pour espérer vivre ces jours, Dominique Liot nous dit qu’il ne faudra rien céder sur les retraites, sur la précarité, la santé, l’éducation. On s’en veut de reprendre le slogan d’un candidat qui aura eu, contre son gré, le mérite de faire naître des initiatives comme celles du Sarkophage. Mais si on se retrousse les manches, dans les luttes, ensemble « tout deviendra possible ».