Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
19 décembre 2012 3 19 /12 /décembre /2012 07:04

RP2La Riposte recadre la notion de coût du travail, les libéraux et les socio-libéraux étant à ce sujet sur la même longueur d’ondes :

 

Depuis toujours, le MEDEF et les journalistes pro-capitalistes martèlent la même propagande : le coût du travail serait trop élevé en France. Il ne manque pas non plus de politiciens pour propager cette « évidence ».

 

C’est une opération de lavage de cerveau qui, il faut reconnaître, a été d’une certaine efficacité. C’est pourtant complètement faux. Les gens se disent que ces sont les employeurs qui payent le « coût du travail », et que si ce coût est trop élevé, ils ne peuvent plus se le permettre.

 

C’est Karl Marx qui a percé le secret de cette affaire. La source de la valeur, c’est le travail. Au cours d’un mois de travail, le salarié crée de la valeur. A un certain point dans le mois – après une ou deux semaines, par exemple – la valeur ainsi créée correspond au salaire qui lui sera versé à la fin du mois. Mais il continue de travailler jusqu’à fin du mois. La valeur qu’il continue de produire pendant cette dernière période constitue le profit que conserve le capitaliste. Le profit, c’est la partie de la valeur créée par le travail que le capitaliste ne paie pas. Par conséquent, le travail du salarié ne coûte rien à l’employeur, puisqu’il est fourni par une fraction de la valeur créée au cours du mois par le salarié lui-même. Quand les capitalistes se plaignent d’un « coût du travail trop élevé », ils veulent dire tout simplement que leurs profits ne sont pas assez élevés – et le monde n’a pas encore connu un capitaliste qui voudrait que ses profits baissent !

 

 

Avant de réveillonner, je voudrais pousser un cri contre la démission des élites médiatiques face à la montée toujours plus forte du globish, la langue du fric :

Je le dis très tranquillement comme je le pense : si les nazis avaient gagné, les successeurs de Clouzot et de Pierre Frenay (qui nous gratifièrent pendant la guerre de l’extraordinaire Corbeau, tourné dans des studios nazis – pardon allemands) joueraient pour la télévision en allemand.

Il se prépare actuellement à Paris une série policière où, nous dit Le Monde, « la langue de Molière est proscrite ». Cette série s’appelle Crossing Lines. Je n’en connais pas l’argument, mais comme je sais que la langue anglaise est parfois prodigieusement imprécise, je me permets de signaler que ce titre peut se traduire des manières suivantes (liste non exhaustive) :

Changer de ligne

Croiser des fils

Des lignes cruciformes

Des lignes qui se croisent

Des lignes transversales

Des lignes entrecroisées

La traversée des lignes

Une petite suggestion en passant : la forme en ing en anglais étant un peu n’importe quoi, on peut s’amuser cinq bonnes minutes en traduisant fucking machines.

La vedette de la série est française : il s’agit de Marc (Lucien) Lavoine, qui porte un nom qui fleure bon le terroir. Il donne – en anglais – la réplique à Donald Sutherland. Une fois qu’il a fini de tourner, il se double en français. Les autres acteurs, d’origine multiple et variée (j’espère qu’il y a parmi eux des Tchèques et des Hongrois que l’on peut payer à la sauce Bolkenstein), jouent également en anglais.

Parler dans la langue de l’autre, c’est penser comme l’autre, selon ses schémas. Jouer dans la langue de l’autre, c’est jouer comme l’autre, selon sa culture, sa langue, ses habitus. C’est être un autre.

Bien sûr, les producteurs se justifient sans problème : si l’on veut concurrencer les blockbusters (dans la langue de Molière : films à grand succès) étatsuniens (pardon : US), il faut tourner en anglais pour appâter les distributeurs internationaux. Ce qu’ont toujours fait, c'est bien connu, Truffaut, Manoel de Oliveira ou Fellini. Il vaut mieux effectivement, au XXIe siècle, tourner un gros caca en anglais qu’un bon film en italien ou en français.

Une question toute bête : pourquoi faut-il concurrencer les blockbusters US ? Qu’on les laisse vivre leur vie, qu’ils soient bons ou mauvais, et qu’on nous laisse vivre la nôtre. Passent actuellement sur nos écrans de télévision Borgen, une série danoise très innovante qui a été tournée en danois, et Les Revenants, une série française très prenante, très originale,coécrite par Emmanuel Carrère, tournée en français. Remercions l’auteur de L’Adversaire de ne pas s’être prostitué en écrivant dans la langue de Wall Street et de la CIA ! Les Danois ont produit en 2007 une fort bonne série policière sous le titre Forbrydelsen, un mot qui signifie « le crime ». Jouée en Danois. Arte, la grande chaîne culturelle, nous l’a présentée sous le titre « The Killing » ! Cette série était d’ailleurs tellement bonne qu’une chaîne étatsunienne l’a adaptée (pardon : en a fait un remake) de manière assez banale. Preuve qu’on peut être une nation de cinq millions d’habitants et s’exporter en restant soi-même.

TF1 devrait bientôt programmer Jo, une série conçue par René Balcer, brillant réalisateur et producteur canadien (New York police judiciaire). L’acteur principal, Jean Reno, joue en anglais, avec, selon les chargés de com’, un accent « presque parfait ». L’action se passe à Paris, avec des panneaux de signalisation en anglais (Eiffel Tower ? Magdalena Church ? Counterscarp Street ? The Father the Chair ?).

Vive le Danemark libre !

 

Partager cet article
Repost0
18 décembre 2012 2 18 /12 /décembre /2012 06:53

Ci-dessous un article très intéressant publié dans le Grand Soir par Amandine Guarini :

 

Amandine Guarini

Après l’homo erectus, l’homo sapiens et l’homo sapiens sapiens, est venue l’ère de l’homo numericus ! Excessif ? Peut-être pas tant que ça. Il suffit, pour se convaincre du bond effectué par l’humanité en quelques années, d’observer avec quelle dextérité n’importe quel enfant de 5 ans se sert d’une tablette numérique ou d’un iphone... Qui ne s’est pas déjà senti vieillir d’un coup en voyant un bambin manipuler un tel engin et faire courir sur son écran tactile ses petits doigts dodus et agiles ?

 

Mais il faut le reconnaître, il n’est pas si loin le temps où la façon dont aujourd’hui nous travaillons, nous nous déplaçons, nous nous renseignons, nous nous rencontrons, nous communiquons, nous aurait semblé de la pure science-fiction. En l’espace de 15 ans, notre vie a été révolutionnée : nous ne vivons tout simplement plus notre quotidien comme avant. Pour le meilleur, mais peut être aussi pour le pire, diront les esprits chagrins. Car l’emprise des NTIC, des smartphones, de la réalité augmentée et autres réseaux sociaux évoque sans conteste le mythe de l’humanité devenue esclave de ses robots. Combien de fois vérifie-t-on son téléphone par jour ? 150 fois selon une étude, réalisée à l’occasion de la conférence Mobile Web Africa qui s’est tenue à Johannesburg en début d’année. Stupéfiant. Mieux : une étude de l’université de Chicago, Booth Business School, vient de dévoiler que les jeunes de 18-25 ans sont plus accrocs aux réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter qu’à l’alcool, au sexe ou même au tabac. Etonnant. Encore mieux : 3% des Australiens consulteraient Facebook durant une relation sexuelle. Renversant.


Etre joignable partout, répondre immédiatement, être ici et ailleurs en même temps, tout cela fait partie des usages des représentants de la nouvelle branche de la famille des « e-hominidés ». Les sondés d’une récente enquête menée par l’Observatoire annuel des modes de vie Ipsos reconnaissent « consulter et envoyer des SMS » (33 %) « des mails » (15 %), « téléphoner » (36 %), « aller sur des réseaux sociaux » (9 %) ou encore « jouer » (5 %) alors qu’ils sont... en conversation avec un tiers !


Le cerveau de l’homo numericus est ainsi soumis à un flux continu d’information qui finit par modifier sa façon de penser. Il zappe les informations, fonctionne par association, synthétise les données, les diffuse, les classe et la plupart du temps…les oublie ! Comme il n’a plus le temps d’attendre, il donne le sentiment qu’il n’a plus le temps de comprendre. Désormais, tout doit être instantané, résumé, mâché. Les journaux télévisés résument à outrance les situations et privilégient l’information brute au détriment de l’analyse. Une pensée est transmise instantanément par SMS, elle doit tenir en 140 signes (Twitter), elle doit faire mouche, elle doit buzzer. Sinon, elle n’existe pas.


Les champions de la communication politique l’ont bien compris. Ils jouent sur le réflexe plus que sur la réflexion, comme les héros de ces jeux vidéo qui développent la dextérité mais absorbent le temps libre des enfants… et des adultes qu’ils deviennent en grandissant. Or le temps libre, comme chacun sait, est aussi celui de la réflexion, de la contemplation, de l’introspection. C’est un temps utile pour se connaître et connaître le monde qui nous entoure.


On craint donc, d’une part, la noyade dans les tourbillons d’informations. De l’autre on s’inquiète de l’omniprésence et de la force d’attraction négative des écrans. LeTube, un reportage réalisé en 2001 par le réalisateur Peter Entell s’intéressait aux effets des écrans et montrait qu’ils déclenchaient dans notre cerveau des réflexes à la chaîne à l’origine d’un état quasi-hypnotique isolant du réel. Ceux qui se sont plongés des heures durant dans des parties de jeux en ligne ou se sont simplement perdus dans les méandres d’internet sans voir le temps passer sauront de quoi l’on parle. Même les sociétés numériques sonnent l’alarme. En Thaïlande, l’opérateur Dtac pointe du doigt, dans une publicité, un père sur le canapé du salon, plus absorbé par son BlackBerry que par sa fille dessinant à ses pieds. Et de leur côté, les éditeurs de jeux vidéo signalent les risques liés à l’addiction des loisirs qu’ils proposent comme les cigarettiers préviennent leurs consommateurs des méfaits du tabac.


Pour certains, la pensée se synthétise, pour d’autres, elle se rétrécit. L’homo numericus serait l’aboutissement naturel de l’évolution pour les premiers, une impasse pour les seconds. C’est selon les points de vue qui opposent depuis toujours les Anciens aux Modernes quand une nouvelle technologie vient bouleverser la vie de l’homme. Faut-il cependant rappeler les tombereaux de critiques qui furent déversés sur Gutenberg au moment l’invention de l’imprimerie ou la méfiance de Platon vis-à-vis de l’écrit ? « Nul homme sérieux, assurément, ne se risquera jamais à écrire sur des questions sérieuses et livrer ainsi sa réflexion à l’envie et à l’incompréhension des hommes » (Lettres, VII, 344 c 3), pensait l’élève de Socrate pour qui la pensée couchée sur le papier annonçait sa propre défaite. Depuis, l’encre a bel et bien coulé pour le plus grand bien des esprits ainsi irrigués par la connaissance. La culture va-t-elle se perdre dans les millions de kilomètres de fibres optiques qui parcourent le monde ? Assurément, non. On peut craindre le développement d’une forme d’ « autisme social », de déconnexion vis-à-vis de la réalité, une certaine perte de mémoire aussi mais, dans le même temps, nous accroissons notre capacité à traiter l’information et à l’optimiser en fonction de nos besoins. En un mot, nous nous adaptons, ce qui est à la base du génie de l’homme.


Cette adaptation est cependant soumise à une condition : l’économie du savoir doit amorcer le virage technologique. Elle doit s’adapter aux nouveaux modes d’appropriation des connaissances. Elle doit se numériser pour continuer à transmettre. Où se transmet le savoir ?


A l’école d’abord. Les travaux de la sociologue Dominique Pasquier (1) ou ceux de Fanny Georges, spécialiste en sémiotique des interfaces numériques (2) annoncent la suprématie du support numérique dans l’espace éducatif. Ce qui est associé à la culture scolaire, à commencer par le livre, subit une forte dépréciation chez les adolescents qui lui préfèrent la culture des mass média et celle transmise par les technologies de l’information et de la communication. Il en va de même pour le tableau noir, la craie et l’éponge mouillée qui nous semblent très familiers mais qui perdent du terrain de jour en jour au bénéfice du tableau numérique interactif (TNI) qui capte considérablement plus l’attention des élèves. Est-ce un mal si dans le même temps leur envie d’apprendre s’améliore ?


Dans les livres, ensuite. La page web est en train de remplacer la page de papier. Si cela permet à un public nouveau d’accéder à la lecture, c’est tant mieux. Les amoureux du papier et de l’odeur des livres n’en seront, de toute manière, pas privés. La dématérialisation des supports offre également une opportunité pour inventer de nouveaux modes de création, notamment pour les œuvres illustrées. Leur libre circulation n’est cependant pas sans danger pour la création. L’industrie musicale, qui n’a pas su anticiper le passage au numérique et ne s’est pas soucié de la question du prix de vente, l’a expérimenté à ses dépens. Afin d’éviter les écueils du piratage et de la concurrence déloyale des géants de l’internet, l’enjeu consiste dans le domaine de l’édition à « préserver le rôle de l’éditeur tout en valorisant la création » comme le rappelle couramment Arnaud Nourry, patron d’Hachette Livre, qui explique : « anticiper, c’est numériser toutes les nouveautés et les catalogues pour que les utilisateurs de tablettes, smartphones et liseuses trouvent de quoi alimenter leurs équipements avec une offre attractive ». En outre, le groupe français est devenu pionnier en permettant, en partenariat avec Google, la numérisation de « milliers d’œuvres épuisées, tant au bénéfice des auteurs que des universitaires, des chercheurs et du grand public en général. »

Dans les musées, enfin. Lieu de la culture par excellence, le musée craint la poussière plus que tout. Aujourd’hui, le grand défi qu’il doit surmonter est aussi celui de la numérisation comme condition de son accessibilité. Le « musée virtuel » est un continuum constitué par le site web et les catalogues en ligne, par des outils multimédias implantés dans l’espace muséal ou disponibles sur smartphones. Les dispositifs multimédias doivent être présents avant, pendant et après la visite physique. L’application iPhone du musée du Quai Branly pour découvrir les collections permanentes ou celle de l’exposition temporaire Monet sont ainsi les symptômes d’une culture qui assure sa propre survie.


Inutile donc de jouer les cassandres et de s’arracher les cheveux en hurlant que les nouvelles technologies vont tuer l’homme. « Ce qui fait l’homme, c’est sa grande faculté d’adaptation » disait Socrate. Boulimique d’information, l’homo numericus n’en échappe pas moins à la règle… encore faut-il qu’on lui en offre les moyens.


Amandine Guarini


Notes :

(1) Cultures lycéennes. La tyrannie de la majorité, Éditions Autrement (Coll. « Mutations » 235), 2005.

(2) Identités virtuelles. Les profils utilisateur du web 2.0, Librairie J. Vrin, 2010.

Partager cet article
Repost0
11 décembre 2012 2 11 /12 /décembre /2012 06:42

http://www.parisenimages.fr/Export90/1000/527-13.jpgJe le dis très tranquillement comme je le pense : si les nazis avaient gagné, les successeurs de Clouzot et de Pierre Frenay (qui nous gratifièrent pendant la guerre de l’extraordinaire Corbeau, tourné dans des studios nazis – pardon allemands) joueraient pour la télévision en allemand.

 

Il se prépare actuellement à Paris une série policière où, nous dit Le Monde, « la langue de Molière est proscrite ». Cette série s’appelle Crossing Lines. Je n’en connais pas l’argument, mais comme je sais que la langue anglaise est parfois prodigieusement imprécise, je me permets de signaler que ce titre peut se traduire des manières suivantes (liste non exhaustive) :

 

Changer de ligne

Croiser des fils

Des lignes cruciformes

Des lignes qui se croisent

Des lignes transversales

Des lignes entrecroisées

La traversée des lignes

 

Une petite suggestion en passant : la forme en ing en anglais étant un peu n’importe quoi, on peut s’amuser cinq bonnes minutes en traduisant fucking machines.

 

La vedette de la série est française : il s’agit de Marc (Lucien) Lavoine, qui porte un nom qui fleure bon le terroir. Il donne – en anglais – la réplique à Donald Sutherland. Une fois qu’il a fini de tourner, il se double en français. Les autres acteurs, d’origine multiple et variée (j’espère qu’il y a parmi eux des Tchèques et des Hongrois que l’on peut payer à la sauce Bolkenstein), jouent également en anglais.

 

Parler dans la langue de l’autre, c’est penser comme l’autre, selon ses schémas. Jouer dans la langue de l’autre, c’est jouer comme l’autre, selon sa culture, sa langue, ses habitus. C’est être un autre.

 

Bien sûr, les producteurs se justifient sans problème : si l’on veut concurrencer les blockbusters (dans la langue de Molière : films à grand succès) étatsuniens (pardon : US), il faut tourner en anglais pour appâter les distributeurs internationaux. Ce qu’ont toujours fait, c'est bien connu, Truffaut, Manoel de Oliveira ou Fellini. Il vaut mieux effectivement, au XXIe siècle, tourner un gros caca en anglais qu’un bon film en italien ou en français.

 

Une question toute bête : pourquoi faut-il concurrencer les blockbusters US ? Qu’on les laisse vivre leur vie, qu’ils soient bons ou mauvais, et qu’on nous laisse vivre la nôtre. Passent actuellement sur nos écrans de télévision Borgen, une série danoise très innovante qui a été tournée en danois, et Les Revenants, une série française très prenante, très originale, coécrite par Emmanuel Carrère, tournée en français. Remercions l’auteur de L’Adversaire de ne pas s’être prostitué en écrivant dans la langue de Wall Street et de la CIA ! Les Danois ont produit en 2007 une fort bonne série policière sous le titre Forbrydelsen, un mot qui signifie « le crime ». Jouée en Danois. Arte, la grande chaîne culturelle, nous l’a présentée sous le titre « The Killing » ! Cette série était d’ailleurs tellement bonne qu’une chaîne étatsunienne l’a adaptée (pardon : en a fait un remake) de manière assez banale. Preuve qu’on peut être une nation de cinq millions d’habitants et s’exporter en restant soi-même.

 

TF1 devrait bientôt programmer Jo, une série conçue par René Balcer, brillant réalisateur et producteur canadien (New York police judiciaire). L’acteur principal, Jean Reno, joue en anglais, avec, selon les chargés de com’, un accent « presque parfait » (son accent est effectivement très bon). L’action se passe à Paris, avec des panneaux de signalisation en anglais (Eiffel Tower ? Magdalena Church ? Counterscarp Street ? The Father The Chair ?).

 

Vive le Danemark libre !

 

Ps : la bande-annonce (pardon, le teaser) se veut "américaine". Elle est grotesque (link).

 

Partager cet article
Repost0
10 décembre 2012 1 10 /12 /décembre /2012 07:18

RP2Benoît Duteurtre (dans Le Monde Diplomatique) s’insurge contre le réaménagement purement mercantile des gares modernes : Au-delà des professions de foi sur le développement durable et les avantages écologiques du rail, les grands administrateurs français ne semblent aimer ni les gares ni le train. Rien, en tout cas, de ce que le transport ferroviaire apporte de simple, d’accessible et de pratique dans la vie quotidienne. Depuis deux décennies, leur vrai modèle est l’avion, avec son système de réservation obligatoire (le fameux « Socrate », acheté à American Airlines), ses tarifs variables selon l’offre et la demande, ses cabines et ses places de plus en plus étroites, son obligation d’étiqueter les bagages (en attendant de les faire payer partout)... L’une des plus éclatantes démonstrations de cette mutation tient, probablement, dans l’édification de nouvelles gares en rase campagne – coques de verre et de béton qui font la fierté des élus locaux. Les gares, jusqu’alors, reliaient le cœur des villes, avec leur réseau de correspondances et de transports en commun ; elles se situent désormais loin des agglomérations, comme les aéroports. La plupart d’entre elles, comme Aix TGV, ne sont même plus reliées au réseau ferroviaire secondaire (qui intéresse si peu la Société nationale des chemins de fer français, SNCF) mais se voient entourées d’immenses parkings. Il faut, pour s’y rendre ou en repartir, affronter les embouteillages et augmenter la pollution : le train au service de l’automobile ; on n’imaginait pas que nos décideurs pussent arriver à résoudre cette équation !

 

Lorsque je vivais en Afrique de l’Ouest il y a un quart de siècle, la question brûlante était déjà en débat : les frontières léguées par la colonisation étaient absurdes, mais les remettre en cause, n’était-ce pas un remède pire que le mal ? « Nous sommes pour les négociations et pour trouver une solution définitive dans ce conflit entre le Mali et l’Azawad », a déclaré le 16 novembre M. Bilal Ag Achérif, porte-parole des rebelles à Ouagadougou (Burkina Faso), où une médiation internationale est organisée. De leur côté, les Nations unies discutent d’une intervention militaire. La partition de fait du Mali illustre la fragilité, patente depuis la fin de la guerre froide, des frontières du continent. (À lire l’article d’Anne-Cécile Robert dans Le Monde Diplomatique).

 

Quand donc Christian de Boissieu dort-il ? Je me suis posé la question en rendant compte pour Le Grand Soir du livre de Laurent Mauduit, Les Imposteurs de l’économie. Ce professeur à Paris I ne chôme pas. Il est – ou a été – membre de l’Autorité des marchés financiers, directeur scientifique du centre d’observation économique de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP), président du conseil scientifique de Coe-Rexecode (Centre d’observation économique et de recherches pour l’expansion de l’économie et le développement des entreprises), président de la commission de surveillance des Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) (Monaco), président de la commission de contrôle des activités financières de Monaco, consultant de la Banque mondiale, membre du Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CECEI) de 1996 à janvier 2010, conseiller au sein de la banque de France, et de l'Institut européen des fusions-acquisitions, membre du Conseil d’analyse économique (CAE), de 1997 à 2002, puis président délégué auprès du premier ministre depuis 2003, expert auprès de la Commission économique et monétaire du Parlement européen (2002-2004), expert auprès de la Commission européenne, membre du Conseil économique de défense au ministère de la Défense (depuis 2003), membre du conseil de prospective du ministère de l’Agriculture (depuis 2003), de l’Agence nationale de la recherche (depuis 2008) et de l’Association pour le droit à l’initiative économique (depuis 2010), membre de la Commission économique de la nation, membre du Conseil d’orientation pour l’emploi, membre de la Commission du Grand Emprunt, administrateur de la banque Hervet, membre du conseil stratégique du cabinet d’Ernst & Young (de 2004 à 2011), membre du conseil de surveillance de la banque Neuflize OBC de 2006 à 2011 (un orteil dans une banque protestante n’a jamais fait de mal), conseiller économique dans le hedge fund (nobody’s perfect) HDF finance, administrateur du fonds d’investissement Pan Holding, président du groupe de réflexion Facteur, appelé à faire des propositions sur la réduction des émissions des gaz à effet de serre ; membre de la commission Attali. Il s’exprime, évidemment en toute objectivité, dans plusieurs médias importants : Bloomberg TV, Les Échos, Le Monde, Le Financial Times.

 

Le Grand Soir a tout récemment illustré, en la déclinant, une photo représentant Sarkozy, Copé et Fillon assis sur les bancs du gouvernement à l’Assemblée nationale. Ils s’esclaffent de conserve :

S : J’ai une conférence à Shanghai

C : Sur la relance économique ?

F : Sur le chômage ?

 

S : Hollande a augmenté le smig de ?

C : 2%

F : Un carambar par jour !

 

S : Et Angela Merkel ?

C : Elle a pris 5 kilos !

F : On dirait Roselyne Bachelot !

 

F : Marianne a eu des triplés

C : Hortefeux, Guéant…

S : Et Valls !

 

S : Vous préparez mon retour pour 2017 ?

C : Bien sûr !

F : J’y réfléchis tous les matins en me rasant !

Partager cet article
Repost0
9 décembre 2012 7 09 /12 /décembre /2012 06:53

http://www.gala.fr/var/gal/storage/images/media/images/actu/photos_on_ne_parle_que_de_ca/sherlock_holmes2/1319970-1-fre-FR/sherlock_holmes.jpgL'universitaire Marc Sympa (un pseudo ?) vient de publier ce témoignage sur son blog (link). Il en bave, mais il y a pire encore que sa situation.

 

Une matinée ordinaire dans une fac ordinaire...

 

 

LRU ou Le Ras le bol des Universitaires !

Vis ma vie d’enseignant-chercheur en France

 

 De nos jours, dans une université française ayant conquis son « autonomie » grâce à la LRU. 

 

 

Novembre 2012. Il est 7h50 lorsque Marc Sympa, maître de conférences en sociologie dans une grande Université de la banlieue parisienne arrive en cours, salle 318, Bâtiment D. Pour le trouver, on ne peut pas se tromper, il est encadré par une rangée de containers et de poubelles. Il allume les néons – l’un d’eux a lâché. « Depuis quand ? » se demande-t-il machinalement… Peu de différence de température entre dehors et dedans ; un coup d’œil sur la fenêtre cassée, store pendant. « Va falloir mettre le paquet pour capter leur attention ». Il s’installe, toujours un peu fébrile. Lui-même a parfois du mal à y croire mais il aime l’enseignement !

 

Les étudiants arrivent : « ça caille, y a pas de chauffage ? »

 

- « Vous en faites pas, vous allez vous réchauffer en allant chercher des chaises, franchement je déteste quand vous êtes parterre autour de moi…

 

-       Mais pourquoi on est 80 en TD dans une salle pour 20 ? C’est le tiers monde ici ?! Mon cousin à SciencesPo, son problème c'est de savoir s'il passe un an à New York ou à Londres ! »

-        

Il tente de commencer son cours, valse de chaises, froid et courant d’air…

 

- « M’sieur, sérieux, on peut pas prendre des notes avec des gants !». Lui-même a gardé son manteau.

 

- « Vous avez raison ! Je vais essayer de trouver une autre salle ».

 

Il va finir par la trouver ; ils ont de la chance dans son université, à partir du 1er novembre, ils allument les 2/3 des chauffages. Ce n'est plus le cas partout, il le sait : sa copine, maître de conf' aussi, travaille dans une "petite" université de province – 3 heures de train, des allers-retours chaque semaine, 2 loyers, les frais de transports à leur charge (le salaire amputé de près d’1/5ème , ils espèrent une mutation (300 candidats pour un même poste) pour mettre un bébé en route, déjà 3 ans d’attente…

 

11 h 12. Retour au bureau, dans le grand préfabriqué blanc sale au fond du campus : Marc tente de se concentrer sur la dernière version d’un papier qu’il doit rendre au plus vite. Une des meilleures revues de sa discipline a finalement pris son article, la traduction anglaise semble prévue ; il en est très heureux ; quelques vérifications bibliographiques et ce sera fini des multiples relectures et réécritures. « Dire que certains pensent qu’on n’est pas assez évalués… qu’on a besoin d’une AERES ! », soupire-t-il.

 

Marc vérifie ses mails. Déjà une douzaine : 3 demandes de rendez-vous d'étudiants pour discuter de leur sujet de stage, de mémoire ; le secrétariat qui réclame "en urgence" les sujets d'examen de janvier pour l’enregistrement informatisé ; un collègue qui tente de monter une équipe suite à un appel d'offre et souhaite "aspirer le CV" de Marc ; un appel à communication mais il n’a pas le temps d’y répondre ; des colloques internationaux auxquels il serait bon de participer, mais le labo n'a plus de sous pour financer des déplacements...

 

Marc attend un mail de réponse à son projet ANR pour savoir s’il pourra financer un post-doc, pour une jeune docteure qu’il suit depuis le début et qui galère. Elle espère décrocher un poste, peut-être cette année (l'an dernier, il y avait 38 postes dans sa discipline pour 500 candidat-e-s). Marc lit l'intitulé des mails restants : « Appel des 50 000 précaires, Lettre ouverte des Présidents d’Université à Madame Fioraso, enquête sur l’insertion professionnelle des docteurs… Bonjour l’ambiance ». Rien de l’ANR… au boulot. Sa collègue de bureau arrive ; elle doit passer quelques coups de fil avant d’aller en cours, s’en excuse. Heureusement qu’il l’aime bien.

 

-  « T’inquiète, je vérifie quelques références pour mon papier sur CAIRN et c’est bon.

 

-  Super, félicitations ! J’ai hâte de lire ça ! Enfin après avoir corrigé mes 200 copies bien sûr ».

 

Ils échangent un sourire. Il perd vite le sien en lisant sur son écran « votre université n’est plus abonnée à CAIRN, vous ne pouvez accéder au service…»

 

- « C’est dingue ce truc ! T’as vu ça ? Comment on écrit nos papiers, si on peut plus lire ceux des autres ? Là ça commence à être du grand n’importe quoi ! Bon, je vais à la bib’ en espérant qu’ils aient maintenu les abonnements papiers ». Il laisse sa collègue devant l’ordi, incrédule.

 

Arrivée à la bibliothèque, sit in étudiant devant la porte :

 

- « Monsieur, ils n’ont pas remplacé la bibliothécaire partie à la retraite, du coup c’est fermé. Il paraît que la bibli de socio va disparaître. On fait comment pour réviser nos exams ? ».« Et moi pour mon papier ? C’est cuit ». Il tourne les talons, commence à être sérieusement agacé.

 

Sur le chemin du bureau, Marc croise un collègue, de sciences "dures", élu au Conseil d’Administration de la fac, qui vide son sac : « … sans parler du gel des postes. Profite bien de Noël, parce que vu qu'on sucre les primes administratives et pédagogiques... Et oui, notre université est en déficit comme une vingtaine d’autres, logiquement si on continue avec cette LRU, c’est le dépôt de bilan ! Bientôt, on ne pourra plus nous payer ! »

 

Marc est reparti, essayant de se concentrer à nouveau sur son papier et ses références à compléter. Au bureau, coup d’œil sur les mails : la réponse de l’ANR est enfin là, sa collègue jeune docteure aussi. Mentalement il croise les doigts.

 

- « Bonjour, vous allez bien ? Je vous ai apporté un exemplaire de mon bouquin. Je suis trop contente, il vient de sortir, bon y a qu’1 ou 2 chapitres de ma thèse… « Le reste est pas assez sexy » a dit l’éditeur. Je croyais qu’on parlait d’un ouvrage scientifique, mais bon… Des nouvelles de l’ANR ?

 

- A l’instant ! Je n’ai pas encore regardé. J’espère que ça a marché, vous avez bossé gratos sur ce projet en plus… les 1500 euros demandés ne seront pas du luxe à Bac  + 10 ! Je ne vous promets rien, on a demandé un an, peut-être qu'on aura 6 mois…. ».

Il lit le mail : 1 refus, 1 justification en 6 lignes, 3 mois de boulot foutu…

 

- «  C’est râpé, désolé. Je vous épargne les motifs du refus. C’est fou, on ne bosse plus que comme ça : projet, recherche de financement, projet, évaluation du projet, quand est-ce qu’on fait vraiment not’boulot là-dedans ? C’est débile, infantilisant, chronophage… et ça coûte un fric dingue ! On ne réduira pas les déficits comme ça ! Bon, vous avez de quoi pour tenir jusqu’à l’ouverture du concours pour les postes ? Des vacations de cours ?

 

J’ai mes parents ! (rires)… Sérieusement, les vacs seront peut-être payées mais dans 6 mois au mieux.

 

« J’espère que vous n’en avez pas besoin pour vivre », m’a dit la responsable de l’administration. Et puis, ben, là je rédige un autre projet pour un financement européen, avant j’étais une machine à faire des disserts, maintenant c’est des projets !

 

 - Vous avez un super CV, des articles dans les meilleures revues, le séjour à Berkeley… même un bouquin ! Ça va marcher ! En plus à Paris 18, il y a quelques postes où vous collez au profil d'enseignement et de recherche, c’est parfait…

 

- Vous n’avez pas entendu qu’ils gelaient le recrutement de 30 postes sur les 50 prévus à P18, toutes disciplines confondues ? »

 

« Quel gâchis ! » se dit Marc en la regardant sortir. La journée lui semble déjà bien longue… à sa montre, il est à peine midi ! Il reprend ses mails, signe l’appel des 50 000, lit la signature de son Président au bas de la lettre ouverte et décide d’écrire lui aussi à sa Ministre… tant pis pour son article, ça attendra.

 

Son texte, vous venez de le lire : c’est le récit d'une demi-journée  ordinaire, dans une université broyée par la LRU, entre des étudiants assis par terre et des précaires de tous âges qui font tourner la boutique. Chaque fait rapporté ici est réel.

 

La sélection à l’entrée de la fac, Marc n’en veut pas. Comme de l’augmentation inconsidérée des droits d’inscription. S’il est arrivé là c’est grâce à l’école publique, à l’université publique. Ce dont il a pu profiter, il veut que les autres y aient droit aussi. Il croit toujours au service public de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et ne comprend pas comment il a pu être mis à mal aussi profondément, aussi rapidement. Marc n’est pas un révolutionnaire, il aimerait juste pouvoir faire son travail. Pour cela, ce serait bien que l’Etat se remette à faire le sien : en abrogeant la LRU, en supprimant les agences ANR et AERES, en titularisant tous les précaires, en augmentant la masse salariale et le nombre de postes.

 

 Marc Sympa en colère

Partager cet article
Repost0
6 décembre 2012 4 06 /12 /décembre /2012 07:01


http://travelersmarketing.blog-idrac.com/files/2011/01/tourisme-méd.jpgTout est simple à Gaza..., prévient par antiphrase Serge Halimi : « Aucun pays n’accepterait que des missiles tirés de l’extérieur de ses frontières pleuvent sur ses citoyens. »
En énonçant ce constat de bon sens, le président des Etats-Unis ne pensait pas aux Palestiniens de Gaza, proies impuissantes de bombes ou de missiles israéliens parfois largués par des F-16 ou des hélicoptères Apache de fabrication américaine. Depuis des années, avec une régularité lancinante, les mêmes travers scandent la relation des événements en Palestine. D’abord, celui qui consiste à rabâcher une histoire borgne dans laquelle le « terrorisme » des assiégés justifie forcément la « riposte » des assiégeants. Ensuite, celui qui accorde l’impunité à un belligérant doté d’une supériorité militaire écrasante se grimant en victime juste avant d’enclencher une nouvelle escalade armée. Enfin, celui qui fait valoir la nature démocratique d’Israël, dont le gouvernement inclut pourtant une extrême droite raciste représentée au sein du cabinet par le ministre des affaires étrangères.

 

Sonia Shah met en garde contre « les périls du tourisme médical » : Grippe aviaire, dengue, chikungunya rappellent que les épidémies voyagent dans les mêmes véhicules que les humains et les animaux. Aller se faire opérer à l’étranger peut paraître, à titre individuel, avantageux. Toutefois, le développement du tourisme médical n’est pas sans lien avec la montée en puissance de maladies résistant aux antibiotiques.

Perry Anderson pose la question de « l’hégémonie allemande » : Menaces, propos aigres-doux : la négociation du budget 2014-2020 de l’Union européenne divise les Vingt-Sept. Si la volonté britannique d’obtenir un « rabais » focalise l’attention, c’est en réalité l’ensemble du projet européen qui vacille. Crispés sur l’objectif de réduire un budget déjà restreint à 1 % du produit intérieur brut de l’Union, les pays du Nord affrontent ceux du Sud, qui, au nom de la solidarité, réclament plus de moyens. Une fois de plus, Berlin mène la danse.

 

Lorsque je vivais en Afrique de l’Ouest il y a un quart de siècle, la question brûlante était déjà en débat : les frontières léguées par la colonisation étaient absurdes, mais les remettre en cause, n’était-ce pas un remède pire que le mal ? « Nous sommes pour les négociations et pour trouver une solution définitive dans ce conflit entre le Mali et l’Azawad », a déclaré le 16 novembre M. Bilal Ag Achérif, porte-parole des rebelles à Ouagadougou (Burkina Faso), où une médiation internationale est organisée. De leur côté, les Nations unies discutent d’une intervention militaire. La partition de fait du Mali illustre la fragilité, patente depuis la fin de la guerre froide, des frontières du continent. (Anne-Cécile Robert).

 

Mona Chollet réfléchit sur le temps qui nous,asphyxie : La technologie devait apporter à l’humanité loisirs et liberté. Mais le rythme de la vie a suivi celui des machines, et chacun se sent accablé de contraintes asphyxiantes. Inégalement réparti, le temps constitue désormais une ressource rare et disputée. Pour comprendre les raisons de cette pénurie, un détour historique s’impose...

 

Selon Renaud Egreteau, la situation en Birmanie n’est guère sereine : Depuis la dissolution de la junte du général Than Shwe, en mars 2011, et le tournant réformiste décidé par son successeur, le président Thein Sein, le dialogue a repris entre la majorité birmane (bamar) et les minorités ethniques. Mais la résolution des conflits identitaires est suspendue à trop de facteurs pour que l’on puisse espérer une réconciliation rapide.

 

Va-t-on enfin rendre à l’inspection du travail ses lettres de noblesse et des moyens de travailler, demande Fanny Doumayrou ? En juin 2012, Dassault a été condamné pour discrimination syndicale à l’égard de dix-sept salariés de son usine de Biarritz, qui n’ont pas eu une évolution de carrière normale. Le procès a abouti en partie grâce à l’enquête de l’inspection du travail. Un exemple des missions qu’accomplit ce corps de fonctionnaires détesté par le patronat et repris en main par le pouvoir.

 

Martin Denoun et Geoffroy Valadon  se demandent si l’habitat coopératif peut devenir un verrou contre la spéculation : L’explosion du prix des logements (+ 140 % en France depuis 1998) éloigne les locataires des centres-villes et fait la fortune des investisseurs. Comment échapper à cette spirale ? L’habitat coopératif, protégé par une astuce juridique, offre une piste de solution.

 

Concernant le travail des femmes, le compte n’y est toujours pas (Margaret Maruani et Monique Meron) : Quand on examine un siècle de statistiques, bien des idées reçues sur le travail féminin s’évanouissent…Taux de chômage, indice des prix : les chiffres sont politiques. Il en va de même pour le travail des femmes. Chaque société, chaque époque, chaque culture produit ses formes de travail féminin et sécrète ses images et ses représentations. Les chiffres participent très activement à cette construction sociale. Il est donc nécessaire de recompter le travail des femmes au XXe siècle et, en même temps, de décrypter la façon de compter. Retrouver les données et les logiques qui présidaient aux définitions de chaque période permet de comprendre les contes et codes sociaux délimitant les frontières de ce que l’on nomme le travail des femmes.

 

Un très beau texte de Morakabe Raks Seakhoa et Nadine Gordimer sur Johannesburg : Écrivains et amis, se retrouvent chez cette dernière, à Johannesburg. Leur présent – temps, lieu. C’est elle qui aborde le sujet. « Dis-moi, comment vois-tu le Jo’burg d’aujourd’hui ? » Il a grandi dans un village et y est venu en 1975.

 

Agnès Sinaï pense que le gendarme du nucléaire français est bien peu indépendant : Impuissante à réguler la circulation des matières fissiles et à régler le dossier iranien, l’Agence internationale de l’énergie atomique a deux visages : zélatrice du nucléaire civil d’un côté, gendarme du nucléaire militaire de l’autre. Elle défendra les vertus de l’atome y compris à Fukushima, où elle tiendra sa conférence ministérielle du 15 au 17 décembre.

 

La guerre n’a toujours pas cessé dans le Haut-Karabakh (Philippe Descamps) : Vingt ans après la prise de Chouchi par les troupes arméniennes, le 9 mai 1992, le cessez-le-feu est plus précaire que jamais dans les montagnes du Haut-Karabakh. Le réarmement rapide de l’Azerbaïdjan depuis 2010 laisse craindre une reprise des combats aux conséquences incalculables pour l’ensemble du Caucase. Les deux peuples payent au prix fort l’impasse politique et diplomatique.

 

Leila Farsakh  réaffirme que la Palestine refuse de disparaître : Tandis qu’un cessez-le-feu à Gaza, négocié par l’Egypte, confortait la position du Hamas tant sur le plan régional qu’intérieur, les Nations unies examinaient la candidature de la Palestine comme Etat non membre, présentée par le président Mahmoud Abbas. Celui-ci, très affaibli, se heurte à Israël, aux Etats-Unis et à plusieurs pays européens, mais aussi au scepticisme des Palestiniens eux-mêmes.

Marc Guéniat  explique pourquoi les géants des matières premières prospèrent au bord du lac Léman : Le scandale de corruption impliquant un employé genevois de la société Gunvor, spécialisée dans le négoce du pétrole, en marge d’un contrat avec la République du Congo, a suscité un certain émoi en Suisse. Bien implanté dans le pays, le commerce des matières premières deviendra-t-il pour la Confédération helvétique aussi gênant que le secret bancaire ?

 

Pendant ce temps-là (Anne Pitteloud), la littérature suisse romande est en pleine effervescence : Non, la Suisse francophone n’est pas peuplée uniquement de banquiers et de traders. Riche en écrivains originaux, elle peine cependant à les faire connaître.

 

Comment désormais publier quand on est universitaire (Richard Monvoisin) : Aux lourds rayonnages des bibliothèques universitaires s’ajoutent désormais une pléthore de revues spécialisées en ligne, qui offrent sans délai et souvent sans barrière de paiement les derniers résultats des laboratoires de recherche. Cette transformation pousse les scientifiques à s’interroger sur leurs modèles de publication, afin de les remettre au service de la connaissance et du public.

 

Assiste-t-on à la fin de la «stratégie sudiste  aux Etats-Unis (Jérôme Karabel) ?: Affaire Petraeus, dégradation de la situation au Proche-Orient, nécessité de s’entendre avec les républicains sur un plan de réduction des déficits : sitôt réélu, et alors même que son second mandat n’a pas encore commencé, M. Barack Obama a déjà un programme fort chargé. Sur quelle base sociale pourra-t-il s’appuyer pour résoudre les problèmes qui assaillent son pays ?

 

En Amérique latine (Renaud Lambert), des gouvernements affrontent les patrons de presse : Le militantisme politique des médias privés latino-américains les a parfois conduits à participer à des coups d’Etat. Faut-il alors laisser la presse se réguler elle-même ? Bien entendu, répondent ses dirigeants, dont ceux du puissant hebdomadaire brésilien « Veja » (lire « “Veja”, le magazine qui compte au Brésil »). Mais telle n’est pas l’option retenue par certains gouvernements, qui tentent, depuis quelques années, d’encadrer le secteur de l’information.

 

Carla Luciana Silva  nous présente Veja , le magazine qui compte au Brésil : Pour découvrir l’hebdomadaire brésilien Veja  Regardez »), on peut s’intéresser à son courrier des lecteurs, d’un enthousiasme un peu monotone : « Un phare illuminant la mer de larmes de notre monde politique » ; « pas seulement une boussole[éthique], mais également une source de constance et de compétence » ; une publication « libre, courageuse et obsédée par la recherche de la vérité » … On peut également le feuilleter.

 

Benoît Duteurtre  s’insurge contre le réaménagement purement mercantile des gares modernes : Au-delà des professions de foi sur le développement durable et les avantages écologiques du rail, les grands administrateurs français ne semblent aimer ni les gares ni le train. Rien, en tout cas, de ce que le transport ferroviaire apporte de simple, d’accessible et de pratique dans la vie quotidienne. Depuis deux décennies, leur vrai modèle est l’avion, avec son système de réservation obligatoire (le fameux « Socrate », acheté à American Airlines), ses tarifs variables selon l’offre et la demande, ses cabines et ses places de plus en plus étroites, son obligation d’étiqueter les bagages (en attendant de les faire payer partout)... L’une des plus éclatantes démonstrations de cette mutation tient, probablement, dans l’édification de nouvelles gares en rase campagne — coques de verre et de béton qui font la fierté des élus locaux. Les gares, jusqu’alors, reliaient le cœur des villes, avec leur réseau de correspondances et de transports en commun ; elles se situent désormais loin des agglomérations, comme les aéroports. La plupart d’entre elles, comme Aix TGV, ne sont même plus reliées au réseau ferroviaire secondaire (qui intéresse si peu la Société nationale des chemins de fer français, SNCF) mais se voient entourées d’immenses parkings. Il faut, pour s’y rendre ou en repartir, affronter les embouteillages et augmenter la pollution : le train au service de l’automobile ; on n’imaginait pas que nos décideurs pussent arriver à résoudre cette équation !

Partager cet article
Repost0
3 décembre 2012 1 03 /12 /décembre /2012 06:59

RP2Cela fait un petit moment que je n'ai pas mentionné que cette revue de presse qui, il faut bien le dire, a poussé Ivan Levaï vers la maison de retraite,  est diffusée chaque lundi à 17 heures dans l'émission “ Excusez-moi de vous interrompre ” animée par Maxime Vivas, sur les ondes de la radio libre Radio Mon Païs (90.1).

 

 Politis brosse le portrait de notre nouveau Rastignac national, Manuel Valls

À tout juste 50 ans, Valls a hérité avec le ministère de l’Intérieur d’un poste qui le place constamment sous les feux de l’actualité. La place Beauvau peut être un formidable marchepied vers le pouvoir suprême. Le poste a souri à François Mitterrand, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.

Il serait tentant de voir dans cette ascension sociale la revanche du fils d’immigré catalan ayant gravi les échelons sans passer par les cases ENA ou grandes écoles. L’histoire serait alléchante si Manuel Valls n’avait construit sa notoriété en affichant sur de nombreux sujets (temps de travail, retraites, sécurité, dénonciation de l’assistanat, etc.) des positions systématiquement contraires à la pensée de gauche. Pour lui, « le mot “socialiste” ne veut plus dire grand-chose ». Or, à son nouveau poste, Manuel Valls peut trancher des débats idéologiques du PS… en sa faveur. Il l’a fait sur la vidéosurveillance, comme sur les Roms. Ses idées économiques, naguère décriées, parviennent à trouver preneur en haut lieu, signe d’une influence nouvelle. À laquelle il ne fixe aucune limite.

 

Toujours très bon, le biologiste Jacques Testard dans Le Sarkophage- La vie est à nous n° 33 voit dans les jeux paralympiques « le comble de la compète » : « Devions-nous nous taire parce qu’on organise des jeux paralympiques au moment même où la situation des handicapés s’aggrave en Grande-Bretagne ? […] Un participant au 5000 mètres en fauteuil (le seul énoncé de cette épreuve est surréaliste !) a ainsi fait remarquer : “ Je suis le plus handicapé, je suis le seul à être paraplégique donc je n’ai ni abdos ni fessiers ? ” [… Mais pourquoi un handicapé devrait-il se réaliser sur le terrain de son handicap plutôt que sur des objectifs communs à toute l’humanité comme dans la peinture ou la poésie ? Michel Petrucciani était magnifique au piano et l’on se réjouit qu’il n’ait pas choisi le stade pour se dépasser. […] L’obscénité de la compétition se confirme quand on apprend que le dopage est encore plus répandu aux jeux paralympiques, où la détection des fraudes est compliquée par le traitement médical des handicaps autant que par l’usurpation de la qualité d’handicapé comme il est arrivé pour les déficients mentaux. »

 

À qui profite la baisse de la note de l’économie française par Standard & Poor’s, demande le capitaine Martin sur son blog Résistance ? Au moment où notre ministre de l’économie et des finances se transforme en VRP du pacte de compétitivité devant des chefs d’entreprises, il est probable qu’un nouveau tour de vis fiscal, voire une baisse sensible des dépenses de l’État, soit nécessaire afin de rassurer les marchés et les emprunteurs. La crise s’accompagne d’une exigence de destruction de tout ce qui entrave la concentration des richesses par les grands possédants. Ils appellent cela « déréglementation », « privatisation » ou « libéralisation ».

L’idée selon laquelle il pourrait y avoir sortie de crise sans sortie du système qui l’engendre est une hérésie. Autant vouloir soigner une grippe sans tuer son virus. Cette chimère ne vise, une nouvelle fois, qu’à berner le peuple en lui faisant croire que l’avenir sera meilleur s’il accepte de nouvelles mesures antisociales.

 

Victor du blog des Aliboffis nous narre ses mésaventures avec la Poste :

Ah ! La poste… Dany Boon en a fait, du temps du service public, une charge désopilante. Depuis, cette vieille dame un peu coincée mais chère au cœur de tous les Français a été privatisée. On a supprimé les barrières et les hygiaphones, on a repeint en jaune, on a mis plein de choses inutiles à vendre, on a remplacé moult employés par des machines rutilantes censées vendre des timbres, recharger un monéo, affranchir un colis, etc. Seulement, lorsqu’elles ne sont pas en panne, ces machines requièrent de l’usager (pardon, du « client »), un stage de trois mois de formation avec deux ingénieurs pour en maîtriser l’emploi…

J’ai la chance de pouvoir, chaque année, vivre l’été en Margeride, à 1200 mètres d’altitude, au milieu des vaches, des grandes gentianes, des jonquilles, des ruisseaux à truites et des grandes forêts à cèpes ; et l’hiver, je réintègre mes pénates provençales près d’Avignon. Du 15 mai au 15 novembre, je fais donc réexpédier mon courrier d’une adresse à l’autre. Cette année, je suis resté une semaine de plus « en haut » de façon à pouvoir récupérer mes derniers courriers réexpédiés. Or, surprise, cette réexpédition à continué de se faire après la date d’arrêt du 15 novembre.  Dans ma grande naïveté, j’ai pensé résoudre facilement ce problème en donnant un coup de téléphone à mon bureau de poste provençal. Donc internet, pages jaunes et voilà un numéro genre 36 quelque chose. Voix anonyme puis musiquette entrecoupée de pubs pour les divers produits maison. Dix minutes… Les aliboffis commencent à gonfler, à gonfler… Je vais donc au village le plus proche où se trouve un bureau de poste. J’explique mon problème, demandant à la préposée de téléphoner elle-même au bureau émetteur pour régler le problème. « Hou la la ! J’ai pas le numéro mon pauvre monsieur. Téléphoner à la ville dont on dépend. Tè ! Je vous fais le numéro ». Nouvelle explication auprès d’une autre brave dame me renvoyant…au numéro de téléphone musiquette.

 

Bref. Je transhume vers la Provence et, hier matin, je vais au bureau responsable pour résoudre la question, c'est-à-dire suspendre le renvoi erroné de courrier. Premier contact avec un petit jeunot. « Bon, ce n’est pas de mon ressort, je vais chercher quelqu’un ». Après quelques minutes, arrive une brave dame, celle du grade au dessus. « Bou ! Nous, on ne peut rien, ça dépend d’Avignon » - « Ben, téléphonez leur ! » - « C’est pas possible ». Le ton monte un peu et la dame va chercher un « chef ». Re-belote, re-explication, re-refus de faire quoi que ce soit ni de reconnaître l’erreur du service. Bla bla bla bla et voilà que la « chef » va chercher un autre « chef », probablement le « grand chef ». Re re explication et…voilà que le grand chef reconnaît l’erreur, va dans les services et deux minutes plus tard m’assure que le problème – pour lequel on ne pouvait rien faire – est résolu !

 

Partager cet article
Repost0
30 novembre 2012 5 30 /11 /novembre /2012 14:00

http://static1.ozap.com/articles/2/10/49/22/@/745098-daniel-schneidermann-presente-arret-diapo-1.jpgUn article très lucide (comme souvent) de Daniel Schneidermann (responsable du site Arrêt sur Images) sur le directeur des rédactions du Monde, récemment décédé :


 

Ils sont parfois révélateurs, les mots qui viennent sous la plume d'un journaliste, pressé par le bouclage, et peut-être par l'émotion. Il ne fait guère de doutes que la "nécro" d'Érik Izraelewicz n'attendait pas dans les tiroirs virtuels du Monde. Compte tenu de la soudaineté de la mort du directeur, l’article publié dans l’édition d’hier sous la plume de Sophie Gherardi, Marie-Béatrice Baudet, Françoise Fressoz et Serge Marti, a forcément été rédigé dans la nuit, et dans la matinée de mercredi. Il n'est donc pas passé, ou bien à toute allure, par les filtres et les relectures habituels.


Ainsi l'immense majorité de cet article est-elle consacréeà "l'homme" Izraelewicz, au chef, au confrère, tel que ses confrères l'ont connu, et dont tous les témoignages s'accordent à décrire les mêmes traits de caractère : bienveillance, humour, discrétion, timidité. Les scories, comme celles qui ont valu à la nécro de Télérama, rédigée à chaud, un sérieux recadrage, sont soigneusement évitées. À propos de la carrière du disparu, l'accent est mis (à raison) sur son combat contre la vente des Échos à Bernard Arnault (même si c'était pour se jeter dans les bras d'un autre capitaliste, Marc Ladreit de Lacharrière, mais ne chipotons pas, on n'y était pas).


Mais tout de même, c'est un peu court. S'agissant du directeur du Monde, il faut bien dire quelque chose de ses inclinations politiques et intellectuelles, et, au sens large, de sa vision du monde (sans majuscule). Les auteurs s'en acquittent en une phrase, une seule. C'est celle-ci : "Les amis d'Érik Izraelewicz, Denis Kessler, autre Alsacien monté à Paris, et leur aîné Dominique Strauss-Kahn – qui fut le professeur d'Érik à HEC –, étaient de cette génération socialiste gourmande de réformes qui allaient façonner le monde tel qu'il est aujourd'hui pour le meilleur et pour le pire."


Ces deux noms d'amis, à eux seuls, ne définissent pas les opinions d'Izraelewicz, mais ils brossent un paysage, un itinéraire familier, parcouru par bien des intellectuels et politiques de la scène actuelle. Les réformes dont cette génération était "gourmande", on les connaît : privatisations, compression du coût du travail, conversion au libéralisme (Kessler, moins connu que DSK, est passé de la CFDT à la vice-présidence du MEDEF). Et les opinions d'Izraelewicz, il les exprimait dans ses éditos, qu'il enjoigne Hollande à être plus gourmand de réformes ou qu’il sermonne sèchement les dépensiers grecs.


Mais il faut bien relire les mots. Ainsi les "réformes" libérales sont-elles dépeintes comme une grosse pomme, dans laquelle la génération d'amis, joyeusement, a croqué à belles dents. Résultat ? C'est ici que le texte livre tout son nectar : "le monde tel qu'il est aujourd'hui, pour le meilleur et pour le pire". En substance : il y a du bon et du mauvais, en vrac, triez lecteurs, nous n'avons pas à en décider, et de toutes manières il n'y a pas d'alternative. On est passés devant le maire, on a la bague au doigt, on est mariés au libéralisme, dans un univers mental où, semble-t-il, le divorce n'existe pas.

Partager cet article
Repost0
30 novembre 2012 5 30 /11 /novembre /2012 07:08

http://www.dvdclassik.com/images/Critiques/Ti/ti_chaplin_opinion.jpgLe site Acrimed vient de reprendre un long article publié par Pierre Bourdieu en 1973. Ci-dessous : de larges extraits.

 

L’« opinion publique » qui est manifestée dans les premières pages de journaux sous la forme de pourcentages (60 % des Français sont favorables à...), cette opinion publique est un artefact pur et simple dont la fonction est de dissimuler que l’état de l’opinion à un moment donné du temps est un système de forces, de tensions et qu’il n’est rien de plus inadéquat pour représenter l’état de l’opinion qu’un pourcentage.

 

Ayant dit au commencement ce que je voulais dire à la fin, je vais essayer d’indiquer très rapidement quelles sont les opérations par lesquelles on produit cet effet de consensus . La première opération, qui a pour point de départ le postulat selon lequel tout le monde doit avoir une opinion, consiste à ignorer les non-réponses. Par exemple vous demandez aux gens : « Êtes-vous favorable au gouvernement Pompidou ? » Vous enregistrez 30 % de non-réponses, 20 % de oui, 50 % de non. Vous pouvez dire : la part des gens défavorables est supérieure à la part des gens favorables et puis il y a ce résidu de 30 %. Vous pouvez aussi recalculer les pourcentages favorables et défavorables en excluant les non-réponses. Ce simple choix est une opération théorique d’une importance fantastique

 

En fait, il y a plusieurs principes à partir desquels on peut engendrer une réponse. Il y a d’abord ce qu’on peut appeler la compétence politique par référence à une définition à la fois arbitraire et légitime, c’est-à-dire dominante et dissimulée comme telle, de la politique. Cette compétence politique n’est pas universellement répandue. Elle varie grosso modo comme le niveau d’instruction. Autrement dit, la probabilité d’avoir une opinion sur toutes les questions supposant un savoir politique est assez comparable à la probabilité d’aller au musée. On observe des écarts fantastiques : là où tel étudiant engagé dans un mouvement gauchiste perçoit quinze divisions à gauche du PSU, pour un cadre moyen il n’y a rien. Dans l’échelle politique (extrême-gauche, gauche, centre-gauche, centre, centre-droit, droite, extrême-droite, etc.) que les enquêtes de « science politique » emploient comme allant de soi, certaines catégories sociales utilisent intensément un petit coin de l’extrême-gauche ; d’autres utilisent uniquement le centre, d’autres utilisent toute l’échelle. Finalement une élection est l’agrégation d’espaces tout à fait différents ; on additionne des gens qui mesurent en centimètres avec des gens qui mesurent en kilomètres, ou, mieux, des gens qui notent de 0 à 20 et des gens qui notent entre 9 et 11. La compétence se mesure entre autres choses au degré de finesse de perception (c’est la même chose en esthétique, certains pouvant distinguer les cinq ou six manières successives d’un seul peintre).

 

Supposons un ensemble de questions du type suivant : Êtes-vous favorable à l’égalité entre les sexes ? Êtes-vous favorable à la liberté sexuelle des conjoints ? Êtes-vous favorable à une éducation non répressive ? Êtes-vous favorable à la nouvelle société ? etc. Supposons un autre ensemble de questions du type : Est-ce que les professeurs doivent faire la grève lorsque leur situation est menacée ? Les enseignants doivent-ils être solidaires avec les autres fonctionnaires dans les périodes de conflit social ? etc. Ces deux ensembles de questions donnent des réponses de structure strictement inverse sous le rapport de la classe sociale : le premier ensemble de questions, qui concerne un certain type de novation dans les rapports sociaux, dans la forme symbolique des relations sociales, suscite des réponses d’autant plus favorables que l’on s’élève dans la hiérarchie sociale et dans la hiérarchie selon le niveau d’instruction ; inversement, les questions qui portent sur les transformations réelles des rapports de force entre les classes suscitent des réponses de plus en plus défavorables à mesure qu’on s’élève dans la hiérarchie sociale.

 

L’effet d’imposition de problématique, effet exercé par toute enquête d’opinion et par toute interrogation politique (à commencer par l’électorale), résulte du fait que les questions posées dans une enquête d’opinion ne sont pas des questions qui se posent réellement à toutes les personnes interrogées et que les réponses ne sont pas interprétées en fonction de la problématique par rapport à laquelle les différentes catégories de répondants ont effectivement répondu. Ainsi la problématique dominante , dont la liste des questions posées depuis deux ans par les instituts de sondage fournit une image, c’est-à-dire la problématique qui intéresse essentiellement les gens qui détiennent le pouvoir et qui entendent être informés sur les moyens d’organiser leur action politique, est très inégalement maîtrisée par les différentes classes sociales.

 

On parle communément de « prises de position » ; il y a des positions qui sont déjà prévues et on les prend. Mais on ne les prend pas au hasard. On prend les positions que l’on est prédisposé à prendre en fonction de la position que l’on occupe dans un certain champ.

 

Bref, j’ai bien voulu dire que l’opinion publique n’existe pas, sous la forme en tout cas que lui prêtent ceux qui ont intérêt à affirmer son existence. J’ai dit qu’il y avait d’une part des opinions constituées, mobilisées, des groupes de pression mobilisés autour d’un système d’intérêts explicitement formulés ; et d’autre part, des dispositions qui, par définition, ne sont pas opinion si l’on entend par là, comme je l’ai fait tout au long de cette analyse, quelque chose qui peut se formuler en discours avec une certaine prétention à la cohérence. Cette définition de l’opinion n’est pas mon opinion sur l’opinion. C’est simplement l’explicitation de la définition que mettent en œuvre les sondages d’opinion en demandant aux gens de prendre position sur des opinions formulées et en produisant, par simple agrégation statistique d’opinions ainsi produites, cet artefact qu’est l’opinion publique. Je dis simplement que l’opinion publique dans l’acception implicitement admise par ceux qui font des sondages d’opinion ou ceux qui en utilisent les résultats, je dis simplement que cette opinion-là n’existe pas.

Partager cet article
Repost0
26 novembre 2012 1 26 /11 /novembre /2012 06:29

RP2Bernard Teper pose dans Respublica la question suivante :

 

Après le choc démographique et le choc de compétitivité, à quand le prochain choc ordolibéral ? Comme pour les 30 milliards par an des exonérations Fillon de cotisations sociales, ce sont les effets d’aubaine qui seront au rendez-vous. Pour les exonérations Fillon, il a été dépensé 30 milliards par an pour maintenir un peu plus de 60.000 emplois. Il en sera de même avec la politique Hollande-Ayrault et son choc de compétitivité.
Il faut savoir que l’administration fiscale contrôle de moins en moins les déclarations fiscales des entreprises (conséquence de la baisse des dépenses publiques et de la diminution forte du nombre de contrôleurs !) comme elle contrôle de moins en moins les remboursements de la TVA sur les exportations et pour le crédit d’impôt-recherche. Mais par ailleurs, rappelons-nous que toute cette politique était déjà présente dans la Stratégie de Lisbonne signée en mars 2000, main dans la main par Jacques Chirac et Lionel Jospin qui nous promettait que l’Union européenne allait devenir « l‘économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010 » On a vu ce que valait cette promesse !

 

L’Humanité évoque l’hommage au délicat Bigeard :

Avec la défaite de Nicolas Sarkozy aux élections présidentielles, puis celle de son ex-majorité nostalgique du bon vieux temps des colonies, nous avons cru un temps, naïfs que nous étions, que le projet d’hommage officiel au général Bigeard, aux Invalides, serait abandonné (rappelons qu’un premier appel, signé par 10 000 citoyennes et citoyens, avait eu sa part dans la reculade du gouvernement Sarkozy-Fillon-Longuet).

En mai 1984, interrogé par Libérationsur la signification de la défaite française de Diên Biên Phu, Bigeard lâcha cette formule : « C’est la race blanche qui a perdu… »

 

Gaza : entretien avec le communiste israélien Dov Khenin (L’Humanité)

Que pensez-vous des pays qui, comme la France, 
estiment que Palestiniens et Israéliens partagent 
la responsabilité de ce qui se passe?

Dov Khenin. Il faut considérer plus largement la question palestinienne. Il ne s’agit pas seulement d’un problème entre le Hamas, Israël et l’escalade actuelle. La question principale n’est pas de savoir qui tire sur Gaza ou sur le sud d’Israël. La véritable question reste celle de l’occupation, le fait que les Palestiniens n’ont toujours pas le droit à l’autodétermination en créant leur propre État indépendant. Une telle situation, évidemment, ne permet pas d’aller dans ce sens, d’arriver à un accord de paix et de mettre fin à l’escalade militaire. Malheureusement, l’Union européenne ne prend pas une position ferme sur cette question de la paix.

 

Une réflexion du journaliste Jean-Emmanuel Ducoin sur son blog (link) :

Nicoléon l’a voulu, Normal Ier l’a entériné. Depuis cette année, le 11novembre commémore en une seule date toutes les guerres, y compris coloniales. Au prétexte de rendre hommage aux «morts pour la France», le mélange des genres, version «roman national» maurrassien, s’apparente à une régression mémorielle qui élude la principale question: pourquoi ces hommes sont-ils morts et qu’y a-t-il de commun entre Verdun, le Mont-Valérien, Diên Biên Phu, Alger et l’Afghanistan?

 

Parler des pauvres déprime. Alors, on va parler des riches, ce qui nous déprimera encore plus.

 

Tiré de Paris Match (ah, Maxime, les éditos de Raymond cartier dans les années 50 et 60 !).) : de Jodhpur Au Rajasthan, le pays des rois, on n’avait jamais vu ça. Et pourtant les maharadjahs n’étaient pas avares d’extravagances. Pour les 50 ans de Vladislav Doronine, son compagnon depuis 2008, l'ancien mannequin Naomi Campbell (dont les revenus avoisinent les 30 millions de dollars et qui est membre d’une secte kabbalistique) a organisé la fête du siècle. Douze avions affrétés pour transporter les 200 invités, de Demi Moore à Sarah Ferguson, des stars de cinéma ou de la mode pour la plupart. La soirée d’anniversaire déguisée a eu lieu dans un ancien palais où Diana Ross a donné un concert. C’est à coup de millions de dollars que l’Anglaise et le Russe ont l’habitude de se fêter leur anniversaire

Pour les 41 ans de Naomi (qui a participé à des projets humanitaires avec le Dalaï-Lama, projets qui ont reçu la bénédiction de Maxime Vivas), Doronine lui a quand même offert une maison écologique en forme d'oeil Egyptien. Coût : 26 millions de dollars.

 

Celle que l'on surnomme à juste titre la "panthère" n'a pas choisi son homme parmi les gentils. Vladislav Doronine, fait partie de l'élite Russe. Un peu homme d'affaires, un peu entrepreneur. Toujours est-il qu'il brasse beaucoup d'argent. Assez pour que son compte en banque affiche plus d'un milliard de dollars au compteur.

 


Même Raymond Cartier, dans son anticommunisme le plus délirant, n’aurait pas rêvé un tel rêve éveillé.

Partager cet article
Repost0