Le site Topito (http://www.topito.com/) poursuit son combat contre la
disparition de la langue française. De manière humoristique et plutôt efficace. On l’a vu traduire en français le nom de grandes marques (y compris des marques françaises qui s’expriment dans le
sabir de Wall Street), et, évidemment, les versions traduites sonnaient moins bien. Plus récemment, il s’en est pris aux titres de chansons ou au nom de groupes de la musique populaire
anglo-saxonne (http://www.topito.com/top-artistes-albums-traduits-francais).
Et là, on désopile. La pauvre Amie Maison de Vin s’en est retournée dans sa tombe. Tout comme l’actrice – j’aime bien celle-là – Reese Avecunecuillère, qui n’est pas encore
morte. Si je vous parle du groupe des Garçons de Plage (en gros des types qui vous louent des chaises longues) ou de celui des Gens du Bourg, ça fait beaucoup plus nul que Beach Boys ou Village
People. Je vais essayer de fournir deux ou trois éléments d’explication.
Attention ! Ne stigmatisons pas (on l’a fait suffisamment) la langue anglaise ou sa variante, le patois
étatsunien, parce qu’il s’agit d’elle et de lui. Supposons que nous soyons à la fête à Neuneu et que l’animateur annonce le chanteur suivant en ces termes : « Et maintenant, Jojo va
nous chanter “ Obier, obier, mon obier ”. Plus nul que ça, on est mort. En revanche, si le même animateur annonce : « Et maintenant, Jojo va nous interpréter le chef-d’œuvre
bien connu “ Kalinka ”, alors là, la classe est absolue. Je vous propose la traduction de cette chanson russe du XIXè siècle :
Obier, obier, mon obier,
Dans le jardin, il y a des baies de framboises, ma petite framboise !
Sous le pin, sous la verdure,
Allongez-moi pour (y) dormir
Ah, liouli, liouli, ah liouli, liouli,
Allongez-moi pour (y) dormir.
Plus cucudge que ça, on meurt. Bien sûr, ce n’est parce que c’est affligeant en traduction (surtout littérale) que ça l’est
dans la langue originale. Parfois ça marche dans les deux langues : “ Étrangers au paradis ” vaut bien “ Strangers in Paradise ”. En revanche, “ Partis avec le
vent ” est infirme comparé à “ Gone withe the Wind ”. Ne parlons pas d’“ Embrasse moi beaucoup ” (ou “ Baise-moi à fond ”, ma connaissance en espganol est
limitée), nul, comparé à “ Besame Mucho ”.
Le problème avec le sabir atlantique, c’est qu’il est dominant. Quantitativement et, je dirais, qualitativement. Quand
j’étais ado, dans la petite sous-préfecture picarde où je vivais, il y avait un magasin qui marchait très bien, à l’enseigne des “ Surplus Américains ” (c’était une chaîne). L’économie
étatsunienne nous fourguait ses vieilleries, ses merdes, ses poubelles, à des prix corrects (mais sans plus), et l’on achetait. Justement parce que c’était “ américain ”. Vous imaginez
“ Les Surplus Belges ” ou, pire, “ Les Surplus Auvergnats ” ? Gros claquage sur les cuisses et succès assuré ! Ce qui était tout bonnement extraordinaire, c’est que
le mot surplus qui, normalement, connote négativement, devenait positif parce qu’il était associé à Américains. C’est cela la communication, la publicité. Du mensonge. Je n’emploie pas ce terme
dans une optique morale : le mensonge est consubstantiel à la publicité. Tout comme à l’information en temps de guerre, mais c’est un autre débat. Et l’on ne ment pas sans les mots. Le
mensonge n’étant jamais qu’un décalage par rapport à la vérité, s’exprimer dans un idiome décalé – en français, en sabir ou en franco-sabir – annule le mensonge selon la règle
mathématique qui veut que moins par moins égale plus. Dans les années soixante, un whisky très banal avait lancé une campagne de promotion en France en anglais. Le slogan publicitaire (je
n’insiste pas sur le mot slogan) était : « X, the Scotch we drink in Scotland ». Déjà, « X, le whisky que nous buvons en Écosse » eût été beaucoup plus prosaïque.
Mais en plus, c’était faux. Cette marque n’était pas la préférée des Écossais, et certainement pas la marque dominante. Mais la petite touche exotique véhiculée par la langue anglaise créait à la
fois du mystère et une sorte de caution. De l’évidence.
Revenons à nos moutons, à nos traductions littérales. Je vous propose, ainsi qu’au site Topito, quelques variations sur ce
thème (chanteurs, chansons, groupes).
plui
Blonde sur Blonde (ou Blond sur Blond)
La tête (ou la fellation) Murray
L’âme de caoutchouc
La route de l’abbaye
Positivement la quatrième rue
Séquelles
Eaux boueuses
Comme les larmes passent
La demande des majestés sataniques
Jeannot l’éclair sautant
Une ombre de pâle plus blanche
Affrontement
Les cinq de David Clark
Grosse Mère de la Ville des Épines
Heureux tout au-dessus
Le Couloir de la célébrité du roulement et du bercement
Les Aberrations (ou les Nœuds)
La Société pour la préservation de la place du village gazonnée
Sarah Longue et Grande
La rue en cul-de-sac
Les Qui affichent complet
Des Images de lys
Et ton oiseau peut chanter
Jouis ensemble
L’excursionniste de jour
Tout le monde a quelque chose à cacher sauf moi et mon singe
Bon jour Ensoleillement
Pluie
Débandade (ou Toboggan)
Boîte d'allumettes
Raton laveur rocailleux
Quelque chose
Parce que
Pour toi bleu
Le bonheur est une arme à feu chaude
Hé, hé, hé !
Tarte au miel
Je pleurerai à la place
Marthe ma chère
Mesquin Monsieur Moutarde
À tout moment tout à fait
Un après 909
L’écrivain de livres brochés
Paméla en polyéthylène
Cochonnets
Fille
Tourte au miel
Raton laveur rocailleux
Truffe de Savoie
Billet pour voyager
Tors-toi et crie
Oui c’est
Allant mieux
S’il te plait fais-moi plaisir
Je veux être ton homme
Tout secoué
Nounours
La ligue du sumac
Les Mamans et les Papas
L’homme de l’orgue de barbarie
Guillaume Furie
Vincent le Tailleur
Martin Sauvage
Falaise Richard
Sabbat Noir
Mené Zeppelin
Petit Richard
Camionnette Morrison
L’Orchestre à Cordes Incroyable
Petites Figures
Les bleus Lunatiques
Circulation
Crème
Le Movement
Le Champ de Printemps Poussiéreux
Machine Molle
Jus d’Orange
Les Spéciaux et la Folie
Entre les boutons
Pissenlit
Sauvetage émotionnel
Tatou toi
Sinistrose et morosité
le salon du vaudou