J’ai un peu connu Raymond Cousse, homme de théâtre exceptionnel, ami de Beckett, admirateur de Bove. Sa Stratégie pour deux jambons fut le spectacle français le plus joué dans le monde dans les années 80. Je crois qu’il n’est jamais passé à la télévision. C’est peu dire que cet homme issu d’un milieu très modeste était déchiré, morbide et suicidaire. Il mourut à 49 ans en 1991 d’un cocktail de comprimés. J’avais, pour quelques bribes, inspiré son livre La Découverte de l'Afrique.
(Impatienta Doloris).
Né en 1904, René Couzinet, fils d’instituteur se passionne très jeune pour l’aviation. Il entre en 1921 à l’École des Arts et Métiers d’Angers. Il dépose plusieurs brevets avant d'intégrer l’École Supérieure de l’Aéronautique en 1924.
Son avion, le Couzinet 70 Arc-en-Ciel III, piloté par Jean Mermoz et accompagné par lui-même, franchit l'Atlantique Sud de Saint-Louis-du-Sénégal à Natal en moins de quinze heures. Le retour s'effectue du 15 mai au 21 mai où l'arrivée au Bourget est triomphale devant 15 000 personnes.
Durant la Seconde Guerre mondiale, il émigre au Brésil où il est chargé de la direction technique de l'aéronautique nationale. À son retour, la plupart des portes des bureaux d'études lui sont fermées. Ses projets d'hydroglisseur, d'avions à décollage vertical, et même de soucoupe volante ne dépasseront pas le stade de maquettes.
René Couzinet ne se remettra jamais vraiment de la disparition prématurée de Mermoz, qui était également son meilleur allié au sein d'Air France. Par fidélité, il épouse sa veuve. Désespéré, ayant perdu tous ses soutiens dans le milieu de l’aviation, il tue sa femme d’un coup de revolver et se loge une balle entre les deux yeux le 16 décembre 1956.
(Furor).
Cratès de Thèbes portait des vêtements chauds en été et légers en hiver. Il passa sa vie propager l'art de l'ascétisme. Il était laid et provocateur. Il devint l’élève de Diogène. Son acte favori était de copuler en public avec sa femme Hipparchia. Vers 80 ans, il passe la main à son disciple Zénon (futur suicidé par autostrangulation) qui fonde le stoïcisme. Il s’empoisonne en 285 avant J.-C.
(Taedium vitæ).
René Crevel naquit en 1900 dans la bourgeoisie parisienne. Poète, communiste, surréaliste, il tenta en vain de rabibocher ses amis surréalistes avec le mouvement communiste lors du Congrès des écrivains de 1935.
« Crevel, écrivait André Breton en 1952 dans ses Entretiens, avec ce beau regard d'adolescent que nous gardent quelques photographies, les séductions qu'il exerce, les craintes et les bravades aussi promptes à s'éveiller en lui... à travers tout cela c'est l'angoisse qui domine. Il est d'ailleurs psychologiquement très complexe, contre-carré dans une sorte de frénésie qui le possède par son amour du XVIIIe et particulièrement de Diderot. » Il avait décrit sa mort dans Détours : Une tisane sur le fourneau à gaz ; la fenêtre bien close, j’ouvre le robinet d’arrivée ; j’oublie de mettre l’allumette. » Il ne laisse qu’un mot épinglé à sa veste : « Prière de m’incinérer. Dégoût. »
(Impatienta doloris).