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17 janvier 2012 2 17 /01 /janvier /2012 06:49
http://aucoinducomptoir.files.wordpress.com/2011/11/agence-de-notation.jpg
Comme trois millions et demi de téléspectateurs, j’ai regardé la semaine dernière sur France 2 la dernière prestation de Jean-Luc Mélenchon. Un combat de deux heures, acharné, contre des journalistes antagonistes globalement hostiles ou peu sympathisants. Un combat remporté haut la main par le candidat de la gauche de gauche. La dernière séquence de l’émission m’a à peine surpris et un peu choqué : deux intervenants extérieurs à la chaîne ont entrepris de juger, d’évaluer la prestation du politique. Ça volait aussi haut que : « Je vous ai trouvé comme ceci, un peu comme cela ». Alors qu’avec Mélenchon, nous avions atteint de réelles hauteurs dialectiques, avec ce gus et cette gussette, nous sommes retombés dans le people, l’anecdotique, la com’, l’apparence, bref le pipi de chat du journalisme de convenance. Ce qui m’intéresse en l’occurrence, c’est que les gens des médias se permettent ce genre d’approche avec les politiques, alors qu’ils ne se l’autorisent pas avec les gens de la finance ou de la grande entreprise. Ces maîtres du monde bénéficient d’un brouillard d’anonymat : « les marchés », « les banques », « les chefs d’entreprise ». Seulement, derrière ces appellations génériques, il y a des gens. Et ces gens n’ont rien de désincarné : ils ont un passé, une éducation, des réseaux, des complicités. Ils sont les auteurs d’actions d’éclat et de coups bas. Ils sont responsables de drames humains à échelle planétaire. Mais à eux, on ne dit rien. Parmi ces « eux », il y a désormais les tristement célèbres agences de notation. En anglais, rating agencies. À noter que le deuxième sens de rating, comme dans a good rating, c’est une engueulade.

Depuis que, pour des raisons idéologiques et de classe, notre kleiner Mann a lié son sort à l’évaluation de ces agences (malgré les palinodies de ces dernières semaines et après avoir fait semblant de les critiquer en 2008), Standars and Poor’s, Moody’s et Fitch font la politique de notre pays qui n’est plus pour elles, contrairement à ce qu’affirme bêtement Valérie Pécresse, une valeur sûre. Autant savoir qui elles sont et qui est à l’œuvre derrière les luxueuses façades qui nous sont désormais familières.


Standard & Poor’s (S&P) est une filiale de McGraw-Hill. Il y a une quarantaine d’années, McGraw-Hill était une très respectable maison d’édition étatsunienne qui publiait des ouvrages scientifiques, culturels et de fiction de qualité. Peut-être que cela n’a pas suffisamment payé, en tout cas l’entreprise s’est reconvertie dans la publication d’analyses financières d’actions et d’obligations. S&P fut fondée par Henry Poor en 1860. Analyste financier, Poor fut surtout un industriel qui réussit pleinement dans la construction de réseaux ferrés. S&P publie depuis 1920 l’indice S&P 500 qui a récemment détrôné le Dow Jones (fondé en 1884 par Charles Dow) comme indice le plus représentatif du marché boursier étatsunien. Il existe également un S&P 500 en Australie et au Canada. S&P publie chaque semaine The Outlook, une lettre d’information et d’analyses.


Le 5 août 2011, S&P abaissait (en français, on baisse, on abaisse une note, on ne la dégrade pas) la note attribuée à la dette publique des États-Unis, ce qui n’était pas arrivé depuis 1917. Pour ce faire, elle s’était lancée dans des calculs très savants en commettant une simple erreur de 1000 milliards de dollars (l’équivalent du budget du pays au début des années 1970). Quand on pense que cette agence fait trembler le Conseil général du Cantal ou les hôpitaux publics d’Ombrie orientale ! Le 10 novembre 2011, elle annonçait « par erreur » à certains de ses abonnés que la note de la France allait être baissée. Réprimandé par l’Autorité européenne des marchés financiers, l’agence s’excusa de cette erreur et déclara ne pas avoir l’intention de toucher à la note de notre pays. Elle changea d’avis quelques semaines plus tard. En public, car en privé les dés étaient jetés depuis des mois.


McGraw-Hill est présidée par Harold McGraw III (c’est comme pour les rois Louis, on les numérote). Né en 1948, ayant fréquenté de prestigieuses universités de la côte Est, Harold siège dans les instances dirigeantes de nombreux comités paragouvernementaux, comme le Conseil national pour l’enseignement économique. Parmi les vice-présidents, on compte Jack F. Callahan, financier de haut calibre, ancien de Pepsi Cola, lui aussi issu d’une université de la côte Est ; John Berisford, lui aussi ancien de Pepsi, spécialisé dans l’économie de la connaissance ; ou encore D. Edward Smith, ancien de Heinz, la très puissante entreprise agroalimentaire (la fayots sucrés, la sauce Ketchup).


Le conseil d’administration compte dans ses rangs Sir Winfried Bischoff, grand banquier allemand (Chase, Citicorps), annobli par la reine en 2001 ; l’Australien Douglas Neville Daft (le pauvre : “ daft ” signifie “ dingue ” en anglais), conseiller de la banque Rothschild, ancien patron de Coca Cola, un des dirigeants de Wal-Mart ; William D. Green, PDG d’Accenture, la plus importante société de consultants au monde, basée désormais en Irlande où les impôts sont doux ; sir Michael Rake (le pauvre, “ rake ” signifie au choix “ râteau ” ou “ roué ”, PDG de British Telecoms et membre de 36 conseils d’administration.


Les principaux actionnaires du groupe sont : Capital World Investors, l’un des plus grands fonds de pension au monde (né durant la crise de 1932) ; the Vanguard Group, société d’investissements étatsunienne qui possède 1000 milliards de dollars d’actifs.


Le tout nouveau PDG de Standard & Poor’s est Douglas Peterson. Cet ancien financier dut résoudre des problèmes bancaires comme seules les banques savent en créer, particulier s’attaquer aux malversations de la banque Citicorps au Japon. La banque fut contrainte de rembourser l’aide considérable que le gouvernement des États-Unis lui avait allouée lors de la « crise » de 2008. Deven Sharma, le prédécesseur de Peterson avait précédemment fermé les yeux sur les titres toxiques de banques soumises à son évaluation. Une procédure contre S&P est en cours aux États-Unis. Il est également reproché à S&P d’avoir longtemps sous-évalué les difficultés des maillons faibles de la zone euro.


Dans les sphères dirigeantes de ces agences, on trouve donc des financiers, des banquiers qui poursuivent un seul objectif : le leur. À la base : des jeunes âgés de 25 à 40 ans, issus des mêmes écoles, façonnés par les mêmes moules idéologiques, percevant de forts salaires. Du monde, ils ne connaissent que l’écran de leur ordinateur.


On a appris que Moody’s conservait son triple A à la France. Ça ou le contraire de ça, c'est du kif-kif pareil au même…


Un dernier petit mot sur la troisième sœur : Fitch Ratings. Fondée en 1913 à New York par John Fitch, elle a fusionné en 1997 avec la société IBCA Limited, basée à Londres. Ce faisant, elle est passée sous le contrôle de la holding Fimalac. Or Fimalac n’est autre que la financière Marc Ladret de la Charrière. Fitch est donc française, et l’on attend avec impatience son dernier rating nous concernant ! De la Charrière est un patron discret. Mais, outre la notation, les activités de son groupe sont centrés sur trois domaine : immobilier, hôtellerie de luxe et casinos, divertissement. Il possède 40% du groupe Barrière (ohé, le Fouquet’s !).


Il en est des agences de notation comme de la BCE : elles remplissent le vide laissé par les politiques. La banque européenne se permet des jugements politiques, mais les politiques n’ont pas le droit de la juger ou de l’influencer. Les agences, créées pour produire des analyses financières et budgétaires, nous abreuvent de considérations économiques et politiques. On relèvera à ce sujet la manière, pas totalement absurde dans la perspective du capitalisme financier, dont S&P a accompagné sa dernière volée de « dégradations » notes :


«Tous les pays se concentrent essentiellement sur des remèdes budgétaires en réduisant leurs déficits excessifs, en particulier dans les pays périphériques, mais la crise de la zone euro s'explique surtout par un écart de compétitivité qui n'a cessé de se creuser entre certains pays européens depuis le lancement de la monnaie unique» (...) S'il y avait eu une règle d'or budgétaire dans les pays auparavant, il n'est pas certain que la crise aurait été évitée. Les dirigeants européens n'ont pas réussi à trouver les solutions adaptées à l'ampleur de la crise qui touche la zone euro. »


Comme ses congénères, le kleiner Mann se fait donc tirer les oreilles. On est triste pour lui.

 

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16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 15:23

Par Corentin Léotard pour Mémoire des Luttes

 

"Dehors  les Russes !"

La carrière d’un grand dirigeant politique débute souvent par un acte fondateur, un symbole fort sur lequel il va pouvoir bâtir sa « légende ». Pour Viktor Orbán, c’est le 16 juin 1989 qu’il a lieu. Ce jour-là, les jeunes cadres de la FIDESz - une association d’étudiants libéraux et anticommunistes dont il est l’un des membres fondateurs - sont invités à participer à la commémoration du "réenterrement des martyrs" de l'insurrection de Budapest de 1956, contre l’avis d’une partie des organisateurs qui entend ménager l’Union soviétique agonisante. La veille, les jeunes de la FIDESz ont manifesté devant l’ambassade soviétique aux cris de "Ruszkik haza!" (Dehors  les Russes !), le slogan des manifestants de 1956. Ils sont traités de « radicaux léninistes » et de « bolcheviks » par le parti communiste hongrois. Le jeune Orbán profite de la cérémonie pour prendre la parole sur la Place des Héros pour revendiquer le départ des troupes soviétiques et la tenue d’élections libres. Au moment de cette déclaration, attaquer l’URSS revient à affronter un lion sans dents et sans griffes car Gorbatchev a déjà annoncé son intention de se retirer des pays satellites d’Europe centrale et, de facto, l’armée rouge a déjà commencé à démobiliser et à rapatrier ses divisions basées en Hongrie. Qu’importe, ce geste restera dans les livres d’Histoire et Orbán assied avec son statut de résistant anti-communiste.

 

Au "Ré-enterrement des martyrs de 1956", le 16 juin 1989

Pourtant, la famille Orbán ne compte pas parmi les perdants de ce régime. Ses deux parents, partis de nulle part, ont obtenu des diplômes universitaires et ont pu envoyer leur fils Viktor dans les meilleures écoles. Lui-même a suivi des études de droit à l'Université Eötvös Loránd de Budapest, y obtenant son diplôme universitaire en 1987 et bénéficie l’année suivante d’une bourse de la Fondation Soros pour partir étudier l'histoire de la philosophie politique libérale britannique au Pembroke College d’Oxford. Le milliardaire hongro-américain (né György Schwartz en Hongrie) avait sans doute perçu en lui les qualités d’un futur dirigeant. Plus de vingt ans après, les fonds de la Fondation Soros pour le développement d’« une société ouverte et démocratique » financent plusieurs ONG de la société civile hongroise dont les rapports ont servi de base aux récentes critiques du département d’Etat américain et de Hillary Clinton elle-même à l’encontre du gouvernement hongrois.

Du libéralisme au conservatisme : le temps de la droitisation

En 1989, le Parti socialiste ouvrier hongrois MSzMP – parti unique au pouvoir depuis 1956 - se mue en parti socialiste hongrois MSzP et ses cadres se convertissent au social-libéralisme. Tout l’échiquier politique hongrois se recentre en glissant vers la droite. Naturellement, la FIDESz occupe le centre-droit. La stratégie n’est pas payante : Orbán, député dès 1990, perd les élections législatives de 1994. De manière opportuniste, il change d’orientation stratégique, vers la droite et d’un parti libéral et centriste, la FIDESz devient un parti conservateur. Il commence à agiter les sentiments nationalistes, en appelle à une histoire hongroise mythifiée. Les socialistes sont trop laxistes ? Lui va remettre les Tsiganes au travail. Les socialistes ignorent les Hongrois à l’extérieur des frontières ? Lui va les protéger.  En cela, il est l’un des principaux instigateurs de la "droitisation" qui s’est opérée en Hongrie à partir de la fin des années 1990. Dès lors, l‘avenir s'annonce prospère pour la FIDESz : elle supplante le grand parti de droite, le Forum Démocratique Hongrois (MDF) et s’impose comme la principale force de droite. Aidée par de grands scandales de corruption touchant la classe politique, elle prend le pouvoir en 1998 et Viktor Orbán devient à 35 ans le plus jeune premier ministre d’Europe. Son gouvernement renationalise à tout-va et rétablit les allocations familiales, mais sans oublier de soigner ses amis avec de l’argent public.

La Szent-Korona, symbole dépositaire de l'identité chrétienne de la Hongrie

L'animal politique

Sur son CV officiel diffusé par son cabinet, Orbán indique qu’il est « un sportif passionné depuis son enfance » et il chausse régulièrement les crampons le dimanche sur le terrain du FC  Felcsút pour le prouver, sous l’œil complaisant des caméras. L’homme est très populaire. Contrairement à ces socialistes perçus comme trop urbains, trop cosmopolites, il passe pour un homme simple et rassurant, un homme du cru. Même les militants des jeunesses socialistes évoquent avec nostalgie leur enfance politique marquée par ce jeune rebelle « cool comme le Che », avec une pointe de dégoût pour ce qu’il est devenu. En plus des classes moyennes et aisées qui ne comptent pas parmi les gagnants du communisme et rejettent naturellement leurs héritiers socialistes, c’est la Hongrie des « agrariens » qui vote pour lui, pas celle des « urbanistes », ces bourgeois occidentalistes, cosmopolites et même « enjuivés » (Sic !). Ces agrariens aussi appelés « populistes » sont en faveur d’un état paternaliste et autoritaire [Une opposition ancienne dans la société hongroise]. Ainsi, ce qui passe aujourd’hui pour un autoritarisme brutal à l’international est ressenti comme un paternalisme bienveillant par une partie de la population hongroise.

Dans les anciens pays communistes, démocratie et religiosité vont de pair et il est de bon ton pour un politicien d’afficher sa foi. Peu porté sur la religion, le jeune et libéral Orbán choisi de faire baptiser Ráhel et Gáspár, les deux premiers de ses cinq enfants, mais par un pasteur méthodiste libéral, Gábor Iványi, alors dissident au sein de son Eglise. Au fil des années, Orbán fait de plus en plus référence à Dieu et à Szent István [Saint-Etienne, 1er roi apostolique et fondateur du Royaume de Hongrie] et affiche son intention de renforcer les liens entre les Eglises et l’Etat, ce qu’il s’empressera de faire une fois arrivé au pouvoir. Le pasteur Iványi compte aujourd’hui parmi ses opposants.

Les analystes politiques savent qu’ils ont affaire à un animal politique, un politicien de grand talent qui sent le peuple, qui comprend sa psychologie mieux que quiconque. Ses discours sont emprunts de paternalisme, il promet de protéger son peuple contre la mondialisation, de  faire reprendre en main son destin. Ces projets le  font, peut-être, sincèrement vibrer, lui qui veut marquer l’histoire de son pays à l’encre indélébile en restant comme celui qui a tourné la page du communisme [Une loi récemment adoptée tient pour responsable des « crimes communistes » le parti socialiste actuel qui lui a succédé], remis son pays sur sa voie « naturelle » et réunifié la nation hongroise [Le gouvernement encourage les 2,5 millions de Hongrois des pays voisins de la Hongrie à acquérir la citoyenneté hongroise grâce à des procédures simplifiées par une réforme du code de la nationalité. Mais la Fidesz ne mène pas une politique irrédentiste]. Cela masque en fait des politiques socio-économiques qui vont essentiellement dans le sens des classes aisées, qui n’ont que faire des classes moyennes [adoption d’un impôt sur le revenu à un taux unique de 16%] et qui criminalisent les pauvres.

Le 15 mars 2010 (crédit: Corentin Léotard / HU-lala)

Le temps de la révolte…et du pouvoir

Battu pour la seconde fois consécutive par les socialistes aux élections de 2006, il dénonce des fraudes électorales et refuse de reconnaître sa défaite. Au petit jeu des promesses intenables [la surenchère électoraliste à laquelle se livrent les deux grands rivaux inquiète au plus haut point Bruxelles], il est battu par les socialistes qui s‘empressent de mettre en place un grand plan d’austérité, à l’opposé de toutes les promesses électorales. Durant ces huit années dans l’opposition, son discours se fait de plus en plus radical, il agite la menace d’une révolution populaire. Les aveux involontaires du 1er ministre Ferenc Gyurcsány sur les mensonges socialistes pour remporter les élections de 2006 sont un cadeau inespéré pour la droite et jettent dans les bras de son leader des masses d’électeurs floués. La répression policière brutale des manifestations qui dégénèrent en émeutes scandalisent l’opinion publique.

Les années qui suivent sont celles des grandes manifestations contre Gyurcsány, le « traître » et le « menteur ». Harcelé sur sa droite par le Jobbik qui gagne de plus en plus de terrain [le mouvement pour une meilleure Hongrie obtient 15% aux dernières européennes puis 17% aux législatives de 2010], le ton se durcit encore. Il fustige les socialistes qui, selon lui, ont déroulé le tapis rouge aux multinationales, qui bradent le pays aux intérêts étrangers et se plient aux diktats de l’Union Européenne et du FMI. Il promet de rendre à la Hongrie son indépendance. Viktor Orbán est au-dessus de tout soupçon de racisme à l’égard des 700.000 Roms du pays et encore moins d’antisémitisme, mais par ses doubles discours sur la minorité tsigane notamment, il popularise et normalise les thèmes de l’extrême-droite.

Sa popularité ne va plus le quitter. Il la concrétise en avril 2010, en remportant les législatives avec une majorité écrasante. Avec cette majorité des 2/3 au parlement, le peuple lui signe un chèque en blanc pour chasser les socialistes, restaurer l’ordre, mettre fin à l’austérité et lui apporter, enfin, une réelle amélioration de ses conditions de vie. Viktor Orbán devient l’« homme fort » de la Hongrie et compte bien encaisser ce chèque pour convertir sa « révolution des urnes » et refonder le pays...à son image.

Quelle attitude Orbán va-t-il adopter face à l’Union Européenne et au FMI qui réclament le retrait ou la modification de lois jugées anti-démocratiques, mais bien plus encore le rétablissement de l’indépendance totale de la banque centrale et l’abrogation des mesures économiques hétérodoxes qui dérangent tant les marchés ? On dit de lui qu’il est ivre de son pouvoir et émotif. Un cocktail peu rassurant. Est-il concevable qu’il s’entête au risque de laisser son pays en proie à la vengeance des marchés ? Ce n’est pas le plus probable, mais comme le veut l’adage, « mieux vaut régner en enfer qu’être esclave au paradis ». Il ne s’agit que d’une formule, car la Hongrie n’a rien d’un enfer et l’UE n’a rien d’un paradis.

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14 janvier 2012 6 14 /01 /janvier /2012 15:50

Alexandre Devecchio vient de déposer sur le site du Bondy Blog cet article qu'on souhaiterait de pure politique fiction. Si par malheur il avait raison, la France, ce serait demain la Hongrie d'Orban inspirée par Horty.

 

SCÉNARIO 2012. 21 avril 2012, 21 heures. C’est un nouveau coup de tonnerre qui vient de retentir. La rumeur avait enflé depuis longtemps déjà, mais personne ne voulait vraiment y croire. Les résultats sont tombés comme un couperet...

Pour la deuxième fois dans l’histoire de la Ve République, l’inconcevable s’est produit.  Au QG du PS, l’ambiance est pesante. Les ténors socialistes évitent soigneusement les journalistes tandis que les militants patientent, figés dans un silence de mort. François Hollande, contrit, sort enfin de son bureau et s’installe à la tribune pour faire sa déclaration. Le candidat socialiste a été mis hors jeu. Nicolas Sarkozy arrive en tête avec 24% des voix, Marine Le Pen réalise un score historique et passe la barre des 20%, devant le candidat socialiste qui ne rassemble que 19% des votants. Au second tour de l’élection présidentielle, le président sortant sera opposé à la présidente du Front National…

C’était en 2002, Lionel Jospin était à Matignon et Michelin pratiquait ses premiers licenciements boursiers. Droit dans ses bottes, le Premier ministre socialiste déclarait : « L’Etat ne peut pas tout ». Un aveu d’impuissance terrible que les couches populaires, désorientées et en colère de se sentir abandonnées, ont sanctionné en votant Jean Marie Le Pen plutôt que socialiste au premier tour de la présidentielle. 10 ans plus tard, les mêmes causes ont produit les mêmes effets.  Comme Lionel Jospin, François Hollande ne peut pas se réfugier derrière l’excuse de la dispersion des voix. Certes, le candidat socialiste est talonné par François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon, mais il paie d’abord ses propres errements.

Face à la dureté de la crise, les Français attendaient des réponses claires et radicales, une vison pour la pays. Convaincu que l’élection était imperdable pour la gauche, François Hollande a préféré rester dans le flou, jouant la carte d’une victoire par défaut. Incapable de montrer la voie d’une action politique forte et volontariste, le candidat « normal » a ainsi renforcé l’idée, qu’une fois élu, il serait condamné à l’impuissance. Soumis, comme les Premiers ministres grecs et espagnols,  à des entités extérieures : l’Europe, les agences de notation ou les marchés financiers.

Le candidat du PS a échoué dans sa reconquête des classes populaires, qui devait être l’axe stratégique de sa  campagne. Bien sûr, François Hollande a tenté de réconcilier les socialistes avec le peuple. Sous la pression de Jean Luc Mélenchon et Arnaud Montebourg, il a multiplié les déclarations sur l’industrie et les visites dans les usines. En vain… Les perdants de la mondialisation, en particulier les ouvriers ont été victimes de trop d’impostures. La gauche comme la droite n’a rien fait contre la désindustrialisation et des pans entiers de nos productions ont commencé à se délocaliser sous Rocard (Premier ministre de François Mitterrand dans les années 1980). En  sanctionnant François Hollande, les Français sanctionnent aussi 30 ans de dérives et de démissions.

Le candidat socialiste n’a pas davantage convaincu sur les thèmes de société que sur le plan économique. Comme Lionel Jospin, François Hollande, prisonnier des conventions moralisatrices imposées par une certaine gauche, n’a pas eu le courage de s’emparer des questions touchant à la sécurité, à la République, au multiculturalisme, laissant le monopole de ces sujets à la droite et à l’extrême droite. Pire : certains de ses alliés ont même parfois commis l’erreur impardonnable de faire culpabiliser les classes populaires, confrontées au problèmes d’insécurité et à la réalité de l’immigration, en les accusant de se droitiser.

En 2002, Lionel Jospin s’était retiré définitivement de la vie politique. François Hollande, lui, croit encore en son avenir. Il appelle d’abord à faire barrage au Front National et promet de s’engager dans la bataille des législative où il espère un sursaut de la gauche. Mais en coulisse, Martine Aubry et Laurent Fabius manœuvrent déjà pour reprendre le contrôle du PS. Personne ne semble s’apercevoir que le vieux Parti socialiste vient d’imploser, peut-être définitivement. Plus largement, c’est le clivage droite gauche qui a volé en éclat. Alors que la crise financière et économique mondiale dure depuis 2008, sans que les gouvernements et les institutions internationales ne soient capables d’y apporter des réponses claires,  une nouvelle opposition se structure, entre  les partisans d’une économie mondialisée plus ou moins libérale, et un « front du non » plus protectionniste qui gagne de l’ampleur à droite comme à gauche.

Comme le Parti socialiste, la majorité et le président de la République ont subi un revers cinglant.  Certes, face à Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy est assuré d’être confortablement réélu. Contre toute attente, le président de la République aura réussi à remporter une élection qu’on lui prédisait perdue d’avance. Mais à quel prix ? Quelle est désormais sa légitimité ?  Quelques heures seulement après les premiers résultats, Standard and Poors a dégradé la note de la France de deux crans. Plus que jamais, Nicolas Sarkozy apparaît comme l’otage complaisant de l’oligarchie financière. En répondant aux provocations populistes du FN, sans pour autant améliorer la situation des électeurs qui ne se sentaient plus représentés par les partis politiques traditionnels, Nicolas Sarkozy a contribué à brouiller les valeurs républicaines. Le cordon sanitaire entre la droite et l’extrême-droite est désormais rompu. Alors que le président de la République, soutenu par la droite classique, a appelé à l’union nationale, la « Droite populaire » se fait déjà  l’avocat d’une alliance avec le FN pour les législatives.

De toute évidence, le front républicain qui s’était constitué naturellement en 2002 ne se reformera pas aussi facilement cette année. Il y a dix ans, des dizaines de milliers de gens étaient spontanément descendus dans la rue pour crier leur indignation. Cette fois, le catéchisme obligé de l’antifascisme ne ronronne plus que du côté de Saint-Germain des Prés. En revanche, dans les cités les voitures brûlent ce qui ne fait que renforcer le discours sécuritaire du FN. Le climat est délétère. La France est comme traversée par une colère sourde,  prête à exploser à tout moment.

En 2002, Jean Marie Le Pen avait accueilli sa qualification pour le second tour, le visage crispé, la mâchoire serrée. La vieille ganache n’avait jamais souhaité être en position d’accéder aux responsabilités. Marine Le Pen, elle, arbore un large sourire. Elle a rempli son objectif. Elle sait désormais qu’elle réalisera son ambition: gouverner la France. Un jour ou l’autre.

Alexandre Devecchio

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10 janvier 2012 2 10 /01 /janvier /2012 06:43

Ça se durcit en Grande-Bretagne.

 

Orwell avait pressenti que ce pays étonnamment libéral, ce pays où la carte d'identité n'existait pas, où les policiers de base ne portaient pas d'armes, était potentiellement l'un des plus fliqués au monde. D'où son 1984 (et d'autres textes, d'ailleurs).

 

Marchez quelques heures dans Londres et vous serez visionnés par plusieurs centaines de caméras vidéo qui n'ont nullement empêché des meurtres de masse, même si elles ont permis de repérer plus vite les assassins. On a bien vu lors des dernières émeutes à Londres que ces caméras ne servaient pas à la sécurité mais au flicage des manifestants et autres émeutiers.

 

En France, il y a une dizaine d'années, les pouvoirs publics ont décidé de faire baisser le nombre de morts sur les routes. Ils avaient raison et ont réussi. Dans plusieurs notes, j'ai cependant dénoncé la politique "radarisante" (pas les radars en soi) dont l'objet n'était que très accessoirement d'épargner des vies. Les excès de vitesse ne sont responsable que de 30% des morts et blessés. Une cause bien plus importante est l'assoupissement dû au manque de sommeil, la prise d'alcool (ne brusquons pas les pinardiers, donc pas de taux zéro) ou de drogues douces. On ne parlera pas des morts à moto et cyclomoteur qui gonflent les statistiques.

 

En Grande-Bretagne, la mortalité sur les routes n'a jamais été un réel problème. Quand, en France, on déplorait 14000 morts, il n'y en avait que 4000 outre-Manche dans un pays plus petit et plus densément peuplé que le nôtre.

 

Cela n'a pas empêché les pouvoirs publics de fliquer à mort les automobilistes, par exemple en installant, sur des routes où l'on ne peut dépasser le 70 km/heure et qui ne présentent aucun danger, des radars totalement invisibles (dans des poubelles, dans des épaves de voiture, dans la culotte d'un zouave avec la main de ma sœur) dont l'objet est de racketter les automobilistes et surtout d'installer un sentiment permanent de culpabilité, comme l'avait tellement bien problématisé Orwell dans 1984.

 

Le stationnement en Angleterre est un problème insoluble. C'est comme pour les cimetières où il n'y a plus de place. Statistiquement, lorsqu'une centaine d'automobilistes roulent dans une rue d'une ville importante, deux tiers d'entre eux cherchent une place pour se garer.

 

Mais quand on est con, on est con. Et on laisse à leur détresse les malheureux vivants qui n'aspiraient qu'à la paix et le mort qui ne souhaitait que la paix éternelle. Une seule solution : mettre des crématoires dans les églises. Pour le petit groupe de la photo, je n'ai qu'un conseil : qu'ils aillent se beurrer au pub d'à côté en posant le cercueil sur la bar. Bière et bière. Coffin and beer.

 

parking.jpg

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7 janvier 2012 6 07 /01 /janvier /2012 06:36

Cette chronique aurait pu s’intituler « Vomir à Vic-Fezensac ». Mais les lecteurs de ce blog connaissent ma retenue.

 

Vic-Fezensac est une charmante petite commune du Gers d’environ 3500 habitants. La famille de Patrick Devedjian, le champion de l’arménitude, possède un château magnifique à quelques kilomètres de là.

 

Vic est célèbre pour ses corridas (nobodys’s perfect), amputées d’une journée stratégique en 2008 par le kleiner Mann quand il a banalisé le lundi de Pentecôte. À découvrir également fin juillet dans cette ville le Tempo latino, un moment festif et culturel consacré à la musique d’Amérique latine.

 

Depuis plusieurs années, la fête taurine de la Pentecôte était encadrée par une féria. Mot récent d’origine espagnole datant du début du XXe siècle, feria signifie tout bêtement « jour de fête ». Il en va de féria comme de black, beur ou senior : ne pas nommer dans sa langue relève d’une double démarche antinomique. On reste à la fois dans le vague, dans le sens large et, en même temps, on pointe le stigmate. Black n’efface pas, mais renforce la connotation coloniale. Féria fait exotique, ouvert sur le monde. Seulement, sous la croûte, on a l’idée de gros bordel, de défoulement total, de déclencheur de tous les débordements et détournements.

 

Ces dernières années, la féria de Vic ne fut en fait qu’un urinoir géant et une aire de castagne. La différence entre la féria de Vic et les rave parties ou la fête de la bière à Munich, c’est que ces deux dernières s’affichent pour ce qu’elles sont alors que la féria est devenue un prétexte, une dissimulation tissée (c’est le sens du mot latin qui a donné texte) pour justifier une posture. Lors de la dernière édition, 500 personnes ont été secourues, 200 ont été contrôlées très alcoolisées. Des Vicois se sont retrouvés avec 15 tentes plantées dans leur jardin, agrémentés de vomi, d’urine et d’excréments. D'autres, qui avaient fui ce capharnaüm, ont retrouvé leurs maisons forcées, leur literie éventrée, leurs frigo et congélateur vidés. On a vu une jeune fille, entourée de ses potes, lancer à la figure d’une autochtone une bassine pleine d’urine. Comme la victime s’enquérait du comment du pourquoi de ce geste, il lui fut répondu qu’il s’agissait d’un défi : si la fille échouait, elle se faisait violer par tous ses potes. Je ne sais si la personne aspergée eut l’idée de conseiller à cette pauvre nana de choisir un peu mieux ses relations… Les commerçants ont longtemps cru que ce grand moment qui attirait 35000 personnes, dont une forte proportion de saoulards, rapportait de l’argent à la cité, alors que c’était l’inverse puisque cela lui coûtait au bas mot 150000 euros. Ces dernières années, 300 gendarmes, payés par la collectivité, n’ont jamais pu contrôler la situation.

 

Le maire (socialiste) de Vic décida d’organiser un référendum sur la continuation, ou non, de ce délire collectif. À une courte majorité, la population se prononça pour la suspension de la féria pour les deux années à venir. Le conseil municipal vota également en ce sens, la suspension n’ayant aucune incidence sur l’activité taurine. Dans l’esprit du maire, il s’agissait de retrouver à court terme une fête plus « propre », une vraie fête.

 

En Europe, les fêtes et autres férias ont une origine religieuse, comme le théâtre d’ailleurs. Le mot kermesse vient du néerlandais kerkmissequi signifie fête paroissiale. Ces fêtes reflètent toujours les idéologies, les inconscients collectifs des peuples. Elles subsument les activités les plus vitales des collectivités – comme les récoltes – auxquelles elles donnent un sens. L’origine des férias comme celle de Vic remonte aux Fêtes (religieuses) des Fous que l’on retrouve dans les tableaux des Brueghel ou dans les pièces de Shakespeare. En français, cette Fête des Fous était également nommée fête de l’Âne, des Sous-Diacres, des Diacres-Saouls, des Cornards. À l’origine il s’agissait de célébrer l’âne qui porta Jésus lors de son entrée à Jérusalem. Cette fête avait lieu en janvier, le jour de la Circoncision. Une fois l’office chanté, une procession se mettait en branle, d’abord normalement, puis dans le désordre. D’une certaine manière, on organisait l’anomie. Dans certaines églises, autour de la saint Jean, un jeune clerc était nomme évêque des fous, Episcopus stultorum (l’anglais a gardé le verbe to stultify qui signifie abrutir). Il recevait les mêmes honneurs que le vrai évêque.

 

Dans des sociétés où le paramètre des classes d’âge importait au plus haut point, les jeunes étaient à l’honneur pendant ces quelques jours qui marquaient leur revanche symbolique sur les vieux. Les célibataires mâles pouvaient accomplir le rituel de la flagellation des femmes pour assurer leur fécondité. La parole critique, la satire étaient libérées. Le charivari, ce remue-ménage (et méninges) extrêmement sonore avait libre court. Les chanoines devaient nourrir gratuitement les fêtards. Nous étions donc en pleine rupture, en pleine transgression. Ces fêtes servaient de soupape de sécurité. La pression des contraintes sociales était relâchée.

 

Il s'agissait de conduites, non de subversion, mais d’inversion. Par définition, une inversion est le retournement d’un modèle, un changement radical du sens. Ce qui signifie que l’anomalie part d’un point fixe, d’un référent. Le problème est que dans le monde d’aujourd’hui, dans nos sociétés régies par les banquiers et leurs hommes de main, le référent absolu est un individu désincarné qui n’a aucune réalité, un être sans repères parce que tout est prétendument possible.

 

Pour beaucoup, c’est ainsi que « les hommes vivent », hors du sens, de la raison, tels des girouettes affolées. Ils se trompent de cause, d’ennemis, embrassent Marine Le Pen (qui ne s’appelle même pas Marine) comme ils embrasseraient tout autre démagogue parce que c’est « leur choix ». Ils ont l’alcool et le vomi désespérés.

 

 

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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 16:08

Pas tant que cela selon Pierre Verhas :

 

 

Vaclav Havel : pas si « démocrate » qu’on le dit !

 

On pleure dans les chaumières de « l’Occident » la disparition de Vaclav Havel que l’on présente comme un champion de la liberté et de la démocratie dans les pays de l’Est. Il fut, bien entendu, un « Européen convaincu » et un partisan acharné de l’économie libérale.

 

 

 vaclav_havel.jpg

Vaclav Havel : néo-libéral et "Européen convaincu"

 

S’il fut incontestablement un dissident ferme et courageux à l’époque de la reprise en main de la Tchécoslovaquie par l’URSS, Vaclav Havel était un partisan acharné de l’ultralibéralisme. Il disait que tant que tout n’avait été privatisé, l’on n’était pas débarrassé du communisme… L’ancien président de la Tchécoslovaquie affichait un mépris total de la démocratie où il y décelait « le culte de l’objectivité et de la moyenne statistique » et  fustigeait cette idée que l’on puisse réaliser des efforts sociaux rationnels et collectifs pour résoudre la crise environnementale.

 

Havel alliait un réel fanatisme néolibéral à une très forte dévotion religieuse : il appelait de ses vœux l’émergence d’une nouvelle race de dirigeants politiques qui s’appuieraient moins sur « une pensée rationnelle, cognitive », démontreraient « de l’humilité face à l’ordre mystérieux de l’Être » et « croiraient en leur propre subjectivité comme principal lien les unissant à la subjectivité du monde ».

 

 

Comme président de la république tchécoslovaque, puis tchèque, il a demandé un effort afin de sauver la famille chrétienne dans la nation chrétienne tchèque. Se présentant comme un homme de paix, et tout en prétendant qu’il ne vendrait jamais d’armes à des régimes oppressifs, il a vendu des armes à la Philippines et au régime fasciste en Thaïlande. En juin 1994, le Général Pinochet a été signalé en train d’acheter des armes en plein cœur de la République tchèque – sans qu’Havel ne nie les faits.

 

Comme bien des dirigeants ultralibéraux, Havel fit suspendre le parlement pour  gouverner par décret, afin de mieux faire passer ses « réformes » libérales. Cette même année, il a ratifié une loi qui a fait de la défense du communisme un acte de trahison passible d’une peine de huit années d’emprisonnement.

 

Enfin, Vaclav Havel fit voter une loi criminalisant la diffusion de la haine nationale, religieuse et de classe. En effet, les critiques des grands intérêts financiers étaient désormais illégales, assimilées de façon injustifiable avec la bigoterie religieuse ou ethnique. Le gouvernement d’Havel a mis en garde les syndicats contre toute implication en politique.

 

Alors, Vaclav Havel, un champion de la démocratie ? Il convient de mettre plus que des nuances…

 

D'après un article paru sur le site "Grand Soir.info"

 

http://uranopole.over-blog.com/

 

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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 07:22

http://sarkozix.canalblog.com/images/ogre_de_beauvau.jpgUn signe des temps parmi d'autres : il fleurit un peu partout dans nos cités des échoppes où l'on achète (à pas trop vil prix) l'or de nos bas de laine et de nos lessiveuses. Dans telle rue de Toulouse, j'en vois trois en moins de 100 mètres. Ah ! l'instinct grégaire des commerçants.

 

Si l'homme du Fouquet's est réélu, je vous fiche mon billet qu'il se créera des magasins où l'on rachètera nos dentiers. Une petite couche de Coppé puis de Bertrand et, dix ans plus tard, Jonathan Swift nous aura apporté la solution idoine à nos malheurs : avec son Humble proposition pour empêcher les enfants des pauvres d'être à la charge de leurs parents ou de leur pays (1729), la misère et la surpopulation chez les pauvres seront jugulées :

 

« En supposant que mille familles deviennent des acheteurs réguliers de viande de nourrisson, sans parler de ceux qui pourraient en consommer à l’occasion d’agapes familiales, mariages et baptêmes en particulier, j’ai calculé que (Toulouse) offrirait un débouché annuel d’environ vingt mille (euros). »

 

 

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2 janvier 2012 1 02 /01 /janvier /2012 15:30

http://ecolosphere.net/wp-content/uploads/2009/09/dali-bikini-500.jpg

Dans Marianne.fr, Emmanuel Todd rend compte d’un essai capital sur la militarisation de la société et de la politique étatsuniennes.
Thomas Rabino, De la guerre en Amérique, Essai sur la culture de guerre, Perrin.
« De la guerre en Amérique », c'est l'ouvrage d'un jeune historien, Thomas Rabino. Ce dernier s'est intéressé à la culture de la guerre et la militarisation de l'hyperpuissance américaine. Un diagnostic global et efficace, qu'a lu Emmanuel Todd pour Marianne2.

 

Il fut un temps heureux où Auguste Comte pouvait croire que la société industrielle succéderait aux sociétés militaires, que la modernité ferait un jour de la guerre un stade dépassé de l’histoire humaine. La première guerre mondiale, suivie de la deuxième, mit fin à cette illusion. Mais enfin, il nous restait le rêve que l’avènement mondial de la démocratie allait peut-être enfin nous ramener à une trajectoire comtienne de l’humanité.

Dans un monde libéré de Guillaume II, du Tsar de Russie, d’Hitler, de Staline, des militaristes japonais, des puissances coloniales française et anglaise, la paix allait enfin régner. L’état d’esprit actuel des Européens est assez proche de cet idéal. Leur puissance militaire s’étiole, au rythme des déficits et des compressions budgétaires. Ils croient tellement à la paix qu’ils ne veulent pas voir que leur grand allié et leur protecteur, leur démocratie idéale, l’Amérique, évolue dans une toute autre direction et porte au schéma d’Auguste Comte le coup mortel et définitif.

Un jeune historien, Thomas Rabino, a enfin accepté de regarder la réalité en face dans un livre foisonnant et indispensable. De la guerre en Amérique ne se contente pas d’étudier l’action internationale des Etats-Unis, d’observer, comme c’est l’usage, au Moyen-Orient ou ailleurs, leur lutte impériale pour le contrôle du pétrole.

La réalité de l’Amérique est qu’elle est toujours en guerre

Thomas Rabino fait de l’histoire sociale et culturelle autant que diplomatique et militaire et il porte un diagnostic global sur la militarisation de la société américaine. Il étudie tout, avec un enthousiasme de défricheur : le rapport des grandes entreprises à l’armée, la surreprésentation des vétérans au congrès, la place du drapeau à l’école et ailleurs, les jouets et les jeux vidéos, le complexe militaro-cinématographique, utile complément culturel au complexe militaro-industriel dénoncé par le président Eisenhower en fin de mandat.

Rabino étudie la contribution de l’armée à la réalisation des films de guerre, la torture dans les séries télévisées, le vocabulaire volontiers barbare des responsables de la communication militaire, le débat sur les éventuels dégâts sanitaires dus à l’uranium appauvri des munitions, nous donnant, chaque fois que c’est possible, des statistiques sur l’évolution de ces phénomènes significatif.

Les fluctuations d’une opinion mobile, patriotique et démocratique, manipulée ou résistante selon les circonstances, adhérant ou refusant le discours officiel, sont saisies et suivies par des sondages. Il le faut : la réalité de l’Amérique est qu’elle est toujours en guerre, ainsi que son immense armée, son gigantesque budget militaire, ses bases, ses interventions incessantes en témoignent.

Mais elle est aussi une démocratie officiellement anticolonialiste et sa culture de guerre ne peut être celle d’un banal impérialisme, d’un banal fascisme, ou même celle de la vieille Europe qui avait fait la guerre tellement longtemps qu’elle pouvait la considérer comme une nécessité d’ordre météorologique.

Manipulation de l’opinion par la peur

L’Amérique n’en finit pas de faire la paix, par les armes. Et la population doit suivre, approuver, participer. Elle peut même imposer certains reflux de la pratique guerrière, des replis, au Vietnam, en Irak. Mais une tendance de fond, à la hausse, transcende ces fluctuations conjoncturelles. Rabino s’intéresse aux phénomènes de longue durée, il nous libère du court terme journalistique en retraçant la montée en puissance de cette culture de guerre.

Sa description de la continuité de la politique extérieure américaine dans son rapport à l’Irak Saddam Hussein est particulièrement impressionnante d’efficacité, de la première guerre du golfe à un embargo qui permet le contrôle, via l’ONU des exportations pétrolières irakiennes, jusqu’à une invasion rendue nécessaire par la montée des critiques sur les conséquences humanitaires déplorables de l’embargo. Pour Thomas Rabino, le 11 septembre n’est pas un tournant, mais, un aléa qui n’affecte pas fondamentalement la continuité de l’action américaine. Le privilège de l’historien est de ne pas se laisser emballer par l’émotion de l’instant ou le spectaculaire télévisuel.

Reste que l’après-onze septembre marque quand même une accélération, un emballement des phénomènes de manipulation de l’opinion par la peur, d’encouragement à la violence par déshumanisation de l’ennemi.

L’Amérique est désormais une nation militaire, qui vit par et pour la guerre

L‘Europe, tout à son rêve de paix perpétuelle, a voulu croire que l’élection d’Obama marquait la fin de l’accident bushien, qu’une embardée militariste et anti-humaniste pour ainsi dire accidentelle s’achevait. Rabino est évidemment sceptique sur ce point et il montre à la fin de son livre à quel point les bonnes intentions et les beaux discours d’Obama n’ont pas vraiment affecté les paramètres habituels de l’action américaine. Mais au-delà des actes d’Obama, c’est l’épaisseur de la culture de guerre américaine qui doit nous rendre prudents.

La critique de l’Amérique s’attache le plus souvent à dénoncer son régime économique, ses inégalités, ses escroqueries financières. Thomas Rabino va beaucoup plus loin, et frappe beaucoup plus juste. Il nous dit que l’Amérique est désormais une nation militaire, qui vit par et pour la guerre, et que nous allons devoir continuer de nous en méfier.


 

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2 janvier 2012 1 02 /01 /janvier /2012 10:40

Daniel Mermet vient d'adresser à ses fidèles auditeurs (dont je suis) le message réaliste suivant :

 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/8d/Marie_Antoinette_Execution1.jpg/220px-Marie_Antoinette_Execution1.jpgToujours amicale, la direction de France Inter n’a pas manqué de féliciter chaleureusement  toute l’équipe de "La-bas si j'y suis" pour les prouesses de la réalisation, la qualité des reportages, pour l’esprit critique et l’indépendance de notre ligne éditoriale « Depuis vingt ans, vous dénoncez l’emprise  de la dictature financière, aujourd’hui l’histoire vous donne tragiquement  raison, vous êtes l’honneur de cette maison ». Les applaudissements n’en finissaient pas, toute l’équipe était émue, les confrères surtout, avaient tenu à venir nous saluer, bravo, merci,  c’est Bourdieu qui avait raison, vive Noam Chomsky ! Vive Frédéric Lordon ! Vive les ouvrières de Moulinex ! A bas le Parti de la Presse et de l’Argent ! Têtes baissées, certains même à genoux, venaient dire à quel point ils s’étaient gravement fourvoyés. Nous les avons rassurés, pas de chasse aux sorcières, pas d’épuration, pas de camp de rééducation.

 

Les résistants de la 25eme heure faisaient assaut de zèle. Alexandre Adler hurlait qu’on fusille Alain Minc sur le champ !  Pour Jean-Marc Sylvestre, déchaîné, c’est tous ceux du Fouquet’s qu’il fallait guillotiner sans jugement. Tout modeste, Martin Bouygues nous offrait les clés de TF1 « en vue de la re-nationalisation », disait-il, ajoutant, la main sur le cœur : « No pasaran ! ».

 

Tandis que, le poing levé, David Pujadas et Jean-Michel Apathie entonnaient l’Internationale,  personne n’avait remarqué, par une porte dérobée, le directeur de France Inter  s’éloignant  sur une simple mobylette avec sa  guitare sur le dos, après avoir laissé à son assistante un message pour dire qu’il  reprenait  son honnête  chemin de chansonnier  et qu’il était inutile de tenter de le faire revenir.

 

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1 janvier 2012 7 01 /01 /janvier /2012 16:40
Le monde politique est impuissant, otage de la dictature des marchés financiers.
Yann FIEVET (pour Le Grand Soir)

 

Nous acceptons difficilement de regarder la réalité en face. Nous préférons souvent nous persuader, sans en être totalement convaincus, que tout ce à quoi nous avons été attaché dans le passé est toujours présent et le sera encore demain. Ainsi, nous croyons que ce que nous nommons communément société existe encore.



Bien sûr, nous entendons dire que nous sommes gouverné désormais par une oligarchie, que l’Etat partout se désengage de ses missions traditionnelles , que les citoyens ne sont pas consultés à propos des affaires sérieuses de la Cité. Mais, sous ces arguments pertinents nous espérons pouvoir encore distinguer une société attendant son heure pour redevenir pleinement elle-même. Affirmons-le enfin : cet espoir n’est plus de mise. La société est en voie de disparition. Le principal agent de cette disparition est l’abandon de l’intérêt général au profit de la satisfaction d’intérêts particuliers à la puissance chaque jour renforcé. Lutter contre la disparition de la société devrait être la seule préoccupation de la prochaine élection présidentielle.

 

La société est un corps éminemment complexe se dotant, tout au long d’une histoire mouvementée, d’organes de gouvernement et de régulation normalement chargés de renforcer la cohésion sociale. L’idée de société s’oppose donc à celle de la simple addition d’individus occupés à la seule recherche de satisfaction de leur intérêt personnel ou de celui de leurs proches. Les sociétés dignes de cette définition – qu’il est erroné de croire trop ambitieuse – sont celles qui réussissent à développer le « vivre ensemble », ce concept si facilement méprisé par les chantres de l’autorégulation sociale. Pour satisfaire une telle exigence encore faut-il que la société soit capable de faire vivre un principe fondamental : l’intérêt général. C’est à l’Etat de le définir et de le faire accepter par le corps social dans son entier. Deux condition au moins sont nécessaires à cela : que l’Etat dispose de toute sa légitimité auprès du corps social et que celui-ci ait gardé en lui la volonté de solidarité envers les plus démunis. Le moins que l’on puisse dire est que ces deux conditions ne sont plus remplies en France aujourd’hui.

 

Ce que l’on pouvait nommer hier, avec une certaine fierté, « le modèle social français » est désormais attaqué de toutes parts. Construit pour l’essentiel au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il reposait sur des politiques publiques se donnant les moyens de leur ambition. C’était avant l’avènement du néolibéralisme, avant que la plupart des hommes politiques ne décident que le Marché devait s’emparer progressivement de bon nombre des anciennes prérogatives de l’Etat, pour une meilleure efficacité économique et financière comme ils s’en disent convaincus. Au bout de trente années de ce glissement – longtemps sournois, maintenant débridé- le monde politique est devenu impuissant, otage qu’il est de la dictature des marchés financiers. Nous rendons-nous réellement compte de la folie qui tourmente notre société : les agences de notation nord-américaines évaluent désormais jusqu’aux performances financières de la Sécurité Sociale et de la plupart de ce qu’il nous reste de services publics ! Retirer à notre système de protection sociale son « triple A » relèverait de la triple C. Et triplera la misère !

 

De « providentiel » l’Etat est devenu répressif et destructeur. On ne pousse pas dans l’insécurité sociale les moins armés pour affronter « la compétition de tous contre tous » sans faire naître des risques de délits intrinsèquement liés à cette insécurité, lien que l’on fait mine d’ignorer. On réprimera de plus en plus durement ces délits « socialement déclenchés » d’autant plus facilement que l’on en dissimule la cause et qu’il faut bien tenir en respect tous ceux que l’on suspecte de pouvoir passer à l’acte un jour prochain. L’Etat social fait place petit à petit à l’Etat pénal. Pour donner libre cours à sa nouvelle « vocation destructrice » l’Etat s’est doté d’une machine de guerre nommée RGPP. Cette Révision générale des politiques publiques est en réalité un rabougrissement généralisé des prérogatives publiques. La volonté affichée d’évaluer les politiques publiques pour les rendre plus efficaces est une mascarade, n’est qu’une opération de communication pour citoyens non avertis. L’impact social de ces politiques n’est plus mesuré depuis longtemps. Le bilan n’est pas fait des nombreuses réformes successives engagées dans les divers domaines d’intervention de l’Etat. Des cabinets d’audit privés évaluent financièrement – avec les critères que l’on imagine - chaque mission pour les décréter trop coûteuses le plus souvent. On confie ensuite ces missions à des agences de droit privée, telle l’Agence du médicament, chargées de « réguler » grâce à leurs experts inféodés aux firmes privés, le domaine qui leur a été concédé. Il existe aujourd’hui en France près de 650 agences de ce type. Le scandale du Médiator devrait pourtant inciter à une remise en cause de cette façon qu’a la puissance publique d’abdiquer de ses missions d’intérêt général.

 

Partout on casse ce que la société avait patiemment bâti pour atténuer ou compenser les effets pervers du fonctionnement de l’économie. Une idéologie mortifère est à l’œuvre où les victimes de la sauvagerie du système économico-financier deviennent coupables. Coupables d’être trop coûteux pour la collectivité que l’on ne se donne plus la peine de définir autrement qu’en termes strictement budgétaires. Les pauvres et les chômeurs sont dénoncés comme les premiers responsables de leur pauvreté et de leur chômage. L’Etat et la société telle qu’elle devient n’aiment plus les fonctionnaires. Grâce à la loi « mobilité » on va enfin « dégraisser le mammouth » : le licenciement des fonctionnaires sans motif est désormais possible. Demain le fonctionnaire ne sera plus attaché à un corps et pourra être déplacé au gré de l’évolution capricieuse des besoins définis budgétairement. Ainsi, les enseignants ne resteront pas nécessairement enseignants. Bientôt ils ne seront plus évalués sur leurs qualités pédagogiques mais sur leur capacité à entrer dans un cadre de compétences définies en dehors de la nécessité absolue de dispenser dans les meilleures conditions possibles leurs connaissances acquises au cours d’un long parcours. N’est-il pas temps de sortir de cette spirale infernale par laquelle sont broyées des vies et des volontés. La Droite ne le fera évidemment pas. La Gauche « de gouvernement » ne semble pas s’apprêter à le faire. Sombre perspective !

 

Yann Fiévet

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