En vidéo. Penelope Fillon a bénéficié d'un "traitement exorbitant" tacle le député René Dosière.
Le terme “Blitzkrieg” est apparu en 1935 dans la revue Die Deutsche Wehr (L'Armée allemande). D'après les théoriciens de cette organe, les États pauvres en ressources alimentaires et en matières premières (comme l'Allemagne de l'époque) devaient gagner la guerre au plus vite par un engagement massif et violent. Cette notion sera utilisée pour évoquer la guerre civile espagnole : « Nazi-Deutschland testete in Spanien seine späteren Blitzkrieg gegen Frankreich (L'Allemagne nazie a testé en Espagne sa future guerre éclair contre la France). Le 25 septembre 1939, l'hebdomadaire étasunien Time Magazine décrivait ainsi l'invasion de la Pologne par l'Allemagne : « This is no war of occupation, but a war of quick penetration and obliteration – Blitzkrieg, lightning war » (Ce n'est pas une guerre d'occupation mais une guerre de pénétration et de destruction rapides – le Blitzkrieg, la guerre éclair).
Même si l'on tient compte du fait que tous les termes violents s'affadissent au fil des temps, force est de constater que l'image utilisée par Fillon (novembre 2016) est particulièrement dure. Cela va bien au-delà du mépris pour la classe salariale, pour le peuple. Nous sommes ici – pour reprendre un vocable cité plus haut – dans une « oblitération » des citoyens. Seuls importent, seuls existent les intérêts d'une minorité de possédants et d'une poignée de politiciens à leur service.
Je peux me tromper mais j'ai l'impression que la plupart des patrons qui écoutent Fillon ne boivent pas – pour l'instant du moins – du petit lait. Ils sont sidérés par ce qui leur est proposé. Ils ne s'attendaient pas à une animosité aussi brutale.
Philippe Seguin et la bourgeoisie du Centre-Ouest ont engendré un monstre froid. Certains risqueraient éventuellement « psychotique ».
Je reprends ici de larges extraits d'un article d'Alain Ruscio publié dans L'Humanité sur un crime d'État.
Dans le long martyrologe du peuple algérien, dans le livre d’honneur du PC algérien, le nom de Fernand Iveton, mort guillotiné à 30 ans, figure en bonne place. Nous disons bien : « algérien » et « communiste », car c’est en ces deux qualités que ce militant s’est engagé dans les rangs du FLN.
Dans les tout premiers temps de ce qui deviendra la « bataille d’Alger », la population « musulmane » est soumise à une pression insupportable de l’armée et de la police coloniales. Il faut riposter. Fernand Iveton propose un acte spectaculaire : la pose d’une bombe dans l’usine à gaz dans laquelle il travaille : « L’objectif, clairement exprimé, était choisir un endroit pour que les dégâts empêchent l’usine de fonctionner, privant ainsi Alger d’électricité. Iveton a exprimé à deux reprises son souci de ne tuer personne », témoignera plus tard sa complice, Jacqueline Guerroudj, également communiste. La sortie des ouvriers était prévue à 18 heures, et le mécanisme provoquant l’explosion était réglé sur 19 heures 30. En ce sens, on ne peut parler, comme le firent alors abondamment les politiciens et les journalistes, de terrorisme, mais de sabotage.
Le 14 novembre 1956, Fernand Iveton passe à l’acte. Il se rend à son travail le plus naturellement du monde, l’engin caché sans sa musette. C’est un contremaître, soupçonneux qui appelle la police. L’engin est désactivé. Iveton est arrêté sur son lieu de travail, vers 16 heures. La suite peut être imaginée. Interrogatoires violents, tortures atroces immédiates.
Lorsque la nouvelle fut connue, ce fut un déchaînement de la communauté européenne d’Alger. Le climat, déjà tendu par d’autres attentats – ceux-ci dans des lieux publics comme le « Milk-Bar » – tourna à la haine, quand les idées politiques d’Iveton furent révélées.
Les communistes français étaient dans l’embarras. D’une part, ils avaient des contacts espacés avec les communistes algériens, clandestins. Ils auraient de toute façon formellement déconseillé ce type d’action. La pose de bombes, même pour une bonne cause, même sans volonté de semer la mort, était contraire à leur culture. Aussi, aucune campagne de défense d’Iveton n’est-elle menée. Bien plus, la direction du PCF, dans un premier temps, interdit à l’avocat communiste Gaston Amblard de défendre Iveton.
L’Humanité choisit durant deux semaines le silence. Position qui sera durement reprochée aux communistes français par la plupart des études publiées.
Le procès en flagrant délit, dans un climat d’hystérie, commença le samedi 18 novembre. Un jeune avocat du barreau d’Alger, Me Albert Smadja, est commis d’office. Dans n’importe quelle autre circonstance, l’accusé aurait été condamné à une peine de prison de quelques années : si l’acte de sabotage était attesté, il n’y avait eu ni mort, ni blessé, et il ne pouvait pas y en avoir, la programmation de l’heure de la déflagration en attestait. Qu’importe, la décision était prise avant même le début du procès. La peine de mort est prononcée le 25, soit onze jours après les faits.
Alertés par l’importance de l’affaire, les communistes changent alors d’attitude. L'Humanité proteste contre le verdict et demande la grâce du condamné. Le journal présente et défend la version de l’accusé, puis sa conclusion : « J’aime la France mais je suis Algérien, et j’ai participé à la lutte de mon peuple ». La direction du PCF envoie l’un de ses avocats les plus prestigieux, Me Joe Nordmann, pour reprendre en main le dossier. Nordmann écrit au président du Conseil, Guy Mollet, alerte la Ligue des Droits de l’Homme, demande la grâce au président Coty. Mais les autorités politiques parisiennes étaient, particulièrement à ce moment, acquises à l’idée de la répression la plus totale. Dans le clan des plus hostiles à toute clémence : le Garde des Sceaux, François Mitterrand. Il rejette la demande de grâce. Le 10 février, le refus est rendu public.
Moins de 24 heures plus tard, au petit matin du 11 février 1957, Fernand Iveton est exécuté à la prison Barberousse, à Alger, en même temps que deux autres patriotes algériens : Mohamed Ounnouri et Ahmed Lakhnache. Ses dernières paroles ont été : « La vie d’un homme, la mienne, ne compte pas. Ce qui compte, c’est l’Algérie, son avenir ».
Cette affaire reste en une tache indélébile dans l’histoire de la France contemporaine. 221 autres patriotes algériens, classés, eux « musulmans », furent guillotinés par la République.
En janvier dernier, je réfléchissais brièvement sur la relation dialectique entre la poussée de l’islam intégriste et la domination du capitalisme financier. Le phénomène ne date pas d’hier : après tout, les Médicis surent produire des papes et des grands banquiers.
La firme Ikea qui, dès les années soixante, faisait fabriquer ses meubles par des ouvriers de l’Europe communiste, a entrepris de séduire la clientèle des juifs orthodoxes. L’entreprise Ikea est pourtant une entreprise suédoise, un pays qui, depuis plusieurs dizaines d’années, encourage l’égalité père/mère.
Et pourtant, la firme vient de concocter, à destination de la communauté haredim d’Israël, un bien étrange catalogue d’où les femmes sont exclues. Les haredim (Craignant-Dieu) sont des orthodoxes qui, depuis la fin du XIXe siècle, rejettent globalement la modernité. Fortement implantée en Israël, cette communauté rejette le sionisme au motif que Dieu a détruit le royaume d’Israël pour punir les juifs. Vivre en terre sainte est possible mais créer un État est une révolte contre Dieu.
Dans le catalogue qui nous concerne, où sont les femmes ? N’a plus de femmes, que des amazons qui élèvent tout seuls, comme des grands, des petits garçons.
Des petits garçons qui, une fois qu’ils ont quitté leur lit superposé, peuvent choisir des livres religieux bien rangés sur des étagères orthodoxes.
Face aux critiques, Ikea ne s’est pas démontée : « Pour faire face à la demande, nous avons décidé d’éditer un catalogue spécial permettant aux communautés haredim de trouver des produits et des solutions qu’Ikea offre en harmonie avec leur mode de vie. »
La firme a également tenu à préciser que les produits respectueux des traditions haredim se vendaient au même prix que les autres et que les catalogues étaient gratuits.
Ikea s'est excusé, arguant d'une erreur de sa part. Mensonge ! Elle s'était déjà excusée après avoir effacé la gent féminine d'un catalogue publié en Arabie saoudite.
Rappelez-moi : quelles sont les créatures qui ne se reflètent pas dans les miroirs parce qu'elles n'ont pas d'âme ?
Médiapart a récemment publié un entretien avec Christoph Butterwegge, candidat de Die Linke, sur la pauvreté en Allemagne. Extraits :
On parle peu de pauvreté en Allemagne, on la voit aussi assez peu …
Je vous garantis qu’il y a des endroits où on peut la voir. Bien sûr, quand je parle de pauvreté ici, je ne parle pas de pauvreté comme à Calcutta où vous avez des gens qui meurent de faim au coin de la rue. La pauvreté à Cologne, par exemple, c’est une pauvreté qui se dissimule bien. On se cache parce que l’on a encore plus honte d’être pauvre quand on vit dans une société riche et peu solidaire. Par ailleurs, Heinrich Heine n’a pas écrit pour rien que l’Allemagne est le pays de l’obéissance. Ici, on ne se révolte pas. Et la société allemande a tendance à estimer que celui qui est pauvre n’a pas mérité autre chose, parce qu’il a dû commettre des erreurs, parce qu’il ne sait pas gérer son argent, parce qu’il a bu sa paye, parce que c’est un parasite social, etc. À l’opposé, la richesse est considérée comme la juste récompense de l’effort. Pauvreté et richesse sont appréhendées dans une perspective qui ramène tout au niveau de l’individu et qui ne tient pas du tout compte des conditions générales réelles d’acquisition de la richesse ou de soumission à la pauvreté. C’est absurde. Ainsi, de nombreux laissés-pour-compte se sentent responsables et se perçoivent comme des perdants. Si l’on ne réagit pas, la pauvreté a un effet de dissolvant sur la solidarité et le lien social. La pauvreté a de multiples visages, mais quel que soit ce visage, et quel que soit le niveau de pauvreté, notre devoir est de la combattre.
En comparant les taux de chômage français et allemand, certains estiment que la méthode Schröder et les réformes brutales de l’Agenda 2010 étaient, en dépit de tout, la bonne méthode. Qu’en dites-vous ?
Les réformes du marché de l’emploi lancées par Schröder, et préparées par son chef de cabinet Frank-Walter Steinmeier, ont un peu aidé à réduire le chômage. Mais en échange, elles ont plongé une importante partie de la société dans la précarisation et ce pour trois raisons. D’abord, elles ont déclenché une dérégulation catastrophique du marché du travail. Celle-ci a conduit à la constitution d’un des plus larges bassins d’emplois précaires d’Europe. On estime que le secteur précaire commence sous un salaire horaire brut de 9,30 euros. En Allemagne, cela concerne près de 24,3 % des actifs, soit une personne sur quatre ! Désormais, à la place d’un emploi à plein temps soumis à cotisations sociales, on trouve souvent un emploi précaire sous l’une de ces innombrables dénominations : minijob, midijob, intérim, contrat de prestation de services, temps partiel imposé, etc. Ceci conduit à la pauvreté, et plus tard à la pauvreté des personnes âgées. La seconde raison de la précarisation est le démontage de l’État social. Par exemple avec l’introduction de Hartz IV, qui a conduit à la suppression de l’aide spécifique aux chômeurs de longue durée. Celle-ci garantissait une couverture et un statut un peu plus décents, un cadre pour de vraies mesures de réinsertion et non, comme aujourd’hui, une allocation d’assistance qui est d’ailleurs la même que ce que reçoit quelqu’un qui n’a jamais travaillé.
Notre État social ne doit pas être démonté, mais transformé et amélioré. Je plaide ainsi pour la création d’une assurance citoyenne qui élargisse l’obligation de cotisation à absolument toutes les professions et tous les statuts, c’est-à-dire aussi les indépendants, les fonctionnaires, les députés ou les ministres, mais aussi à toutes les formes de revenu, ceux du travail et ceux du capital. La troisième cause de la fracture sociale est la politique fiscale. Depuis plusieurs années, tous les gouvernements ont réduit, ou même supprimé, les impôts pesant sur les bénéfices du capital qui sont aujourd’hui à un taux de 25 %. C’est beaucoup moins que la pression fiscale qui pèse sur les revenus du travail. De même, l’ISF n’est plus prélevé, les droits de succession sur les entreprises sont insignifiants et le taux plafond de l’impôt sur le revenu a été abaissé de 53 % à 42 %. Si j’étais élu, j’attirerais l’attention du gouvernement et des députés sur la nécessité absolue d’inverser cette tendance. Face aux populismes et à la pauvreté, les dirigeants politiques actuels appellent à une société plus solidaire. Mais ils ne proposent rien.
Trump, qui fascine toujours autant de militants d’extrême gauche, vient de nommer à la Cour Suprême un juriste d’extrême droite en la personne de Neil Gorsuch. Sémillant quadra, Gorsuch va officier pendant peut-être quarante ans.
Selon le Daily Mail, média britannique pas vraiment de gauche et qui était déjà populiste dans les années trente, Gorsuch a fondé et présidé pendant plusieurs années, alors qu’il fréquentait un lycée très sélect à 30 000 dollars les frais d’écolage par an, un club qu’il avait baptisé “Le Fascisme pour toujours” (Fascism forever).
Par ce prurit, il entendait réagir contre les tendances « progressistes » – de gauche, n’ayons pas peur des mots – du corps enseignant.
Décédé en 2016, l'ancien juge Antonin Scalia, était un conservateur bon teint. L’ancien avocat d’affaires et juge d’appel Gorsuch jouera assurément une autre musique. Dans son livre de 2006 The Future of Assisted Suicide and Euthanasia (l’avenir de l’assistance au suicide et de l’euthanasie), Gorsuch s’est clairement prononcé contre l’euthanasie, prodrome à ses yeux de pactes suicidaires et de ventes d’organes à grande échelle.
Gorsuch est, naturellement, un farouche partisan de la peine de mort. Lorsqu’en 2014, l’exécution de Clayton Lockett s’avéra un massacre de plus de 40 minutes à cause de l’inefficacité des produits utilisés, Gorsuch se rangea derrière l’opinion du procureur général Pruitt qui avait insisté pour que l’exécution ne fût pas différée dans l’attente de nouveaux produits.
Le bon Neil a fait sienne la scandaleuse devise de Henry Kissinger : “ Ce qui est illégal, on le fait tout de suite. Ce qui est anticonstitutionnel prend un peu plus de temps.”
Le média gauchiste bien connu Capital, sous la plume de Sylvain Deshayes, a calculé le coût d'entretien exorbitant du manoir de Beaucé, la “maison” de François et Penelope. Extraits :
Entre 5 000 et 7 500 euros par mois : tel est, selon les estimations de Capital, le coût d’entretien du manoir de Beaucé à Solesmes, où réside le couple Fillon.
Entretenir un château ? Un gouffre ! Le couple Fillon, propriétaire du manoir de Beaucé à Solesmes…. ou plutôt d’une « maison » comme il préfère le nommer en toute modestie, en sait quelque chose. Nous parlons ici d’une bâtisse construite au XIVe siècle, agrandie au XVIIIe et au XIXe, de 1 100 mètres carrés habitables et qui comprendrait quelque 14 chambres, en plus d’une vaste salle à manger, salon, cuisine et arrière cuisine, 2 bibliothèques et un bureau. Cette demeure, érigée sur un terrain de 12 hectares, compte également une chapelle du XIXe siècle, 1 000 mètres carrés de dépendances, ainsi qu’une ferme qualifiée d’ « inhabitable » d’un peu moins de 1 000 mètres carrés.
L’ensemble a été acquis en 1993 pour 400 000 euros, auxquels il faut ajouter 300 000 euros de travaux. Aujourd’hui, le couple estime sa valeur à 750 000 euros. Interrogé par Capital, un agent immobilier spécialiste de ce type de bien juge ce prix plutôt réaliste, compte tenu de sa localisation et de ses caractéristiques.
Un coût d’entretien exorbitant
Nous nous sommes tournés vers des professionnels spécialisés pour lesquels le coût d’un tel manoir varie de 22 000 à 32 000 euros par an, incluant le chauffage, l’assurance, l’eau, l’électricité, les petites réparations et les impôts locaux. Soit une dépense moyenne de 2 250 euros mensuels.
Deuxième étape, nous nous sommes intéressés aux dépenses de personnel. Seule la présence d’un jardinier permanent nous a été confirmée par une source locale. Mais l’agence spécialisée Morgan Mallet International, estime que 3 ou 4 personnes à plein temps sont nécessaires pour faire tourner la boutique toute l’année (ménage, lessive, repassage, cuisine, entretien des jardins et des arbres, etc…). Sur la base d’un salaire de près de 8 euros net de l’heure (1 800 euros de coût total pour l’employeur/mois), la note s’élèverait donc à 5 400 euros tous les mois pour l'emploi de 3 personnes. Il s’agit ici d’une hypothèse haute que certains propriétaires nuancent. « Les pièces de notre manoir de 800 mètres carrés ne sont pratiquement jamais toutes occupées, en particulier l’hiver », témoigne Armand, propriétaire d’un manoir en Bretagne. De plus, les dépenses varient selon que la famille au complet (ici sept personnes) y séjourne à l’année ou seulement quelques mois. Dans le cas d’une dépense plus maîtrisée, l’équivalent de 1,5 emploi à l’année paraît ainsi plus réaliste, ce qui revient à dépenser 2 700 euros tous les mois (32 400 euros à l’année).
Dépenses inconnues
Nous nous sommes limités à des frais courants pour ce type de manoir, bien que certaines questions restent en suspens. D’abord, comment le manoir a-t-il été payé ? Si l’achat et les travaux ont été financés à crédit, le couple a donc dû supporter pendant plusieurs années la charge de mensualités… qu’il conviendrait d’ajouter au budget mensuel imputable au manoir. Qui s’occupe du cheval que Penelope Fillon exhibe fièrement dans Paris Match en août 2013 ? Enfin, quid des lourds travaux de rénovation qu’une telle bâtisse nécessite tous les 10 ou 20 ans ? Des travaux coûteux pour lesquels les Fillon devraient se passer d’avantages fiscaux (50 % de déduction), le manoir n’étant pas inscrit, ni classé monument historique. Refaire les murs extérieurs (rebouche des trous et peinture) coûte au bas mot 30 000 euros (50 000 euros minimum avec de la maçonnerie et de l’enduit). Quant à la toiture, il serait difficile de trouver un devis à moins de 150 000 euros.
À vos calculettes
Si le train de vie du couple Fillon s’apparente à celui de châtelains qui ne se refusent rien avec du personnel en nombre suffisant (soit l’équivalent de 3 personnes à temps plein), ils consacrent alors environ 7 650 euros tous les mois (91 800 euros par an) en comptant les dépenses incompressibles de 2 250 euros/mois. En revanche, s’ils limitent les dépenses de personnel au minimum (soit l’équivalent de 1,5 emploi), la note totale descend alors à 4.950 euros par mois (59.400 euros par an).
Sur 15 ans, le manoir aurait englouti au moins 891.000 d’euros … Une dépense couverte à 85% par les revenus d’une attachée parlementaire, pigiste à ses heures à La Revue des Deux Mondes.
En vidéo. Penelope Fillon a bénéficié d'un "traitement exorbitant" tacle le député René Dosière.
La géographe Anne Clerval a publié en 2013 Paris sans le peuple, la gentrification de la capitale. L’Humanité l’avait interrogée à cette occasion. Extraits :
Dans Paris sans le peuple, la géographe Anne Clerval analyse finement l’éviction des classes populaires de la capitale. Ce processus, appelé gentrification, ne tombe pas du ciel. Il est autant le fruit de la métropolisation que de l’absence, au niveau local, de politiques publiques permettant aux classes populaires de se réapproprier la ville. Reste-t-il encore des espaces populaires à Paris ?
Anne Clerval. On ne peut pas répondre à cette question dans l’absolu. En Île-de-France, comme à Paris, il y a toujours de moins en moins d’ouvriers et d’employés et de plus en plus de cadres et de professions intellectuelles supérieures. À l’intérieur du périphérique, ces derniers sont passés de 21 % en 1982 à 34 % en 2008. À côté de la bourgeoisie traditionnelle se développe une petite bourgeoisie intellectuelle, avec une surreprésentation des professions de l’information, des arts et des spectacles et des étudiants. Paris intra-muros concentre à elle seule 26 % de ces dernières à l’échelle du pays. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus d’employés ou d’ouvriers dans la capitale. Mais ils sont sous-représentés par rapport au reste de l’Île-de-France, ou même au reste du pays. À Paris, 20 % de la population des ménages sont des ouvriers ou des employés, contre 33 % en France.
Cet embourgeoisement de la capitale a été rendu visible par l’apparition des « bobos ». Un terme que vous prenez soin de ne jamais utiliser dans votre livre. Pourquoi ?
Anne Clerval. Le terme « bobo », inventé par un journaliste réactionnaire aux États-Unis, n’a aucun fondement scientifique. Aucun chercheur en activité ne l’utilise. Je préfère utiliser les termes de gentrifieurs et de gentrification, qui ont été forgés en partie par un courant de géographie radicale anglophone. Cette notion désigne un embourgeoisement spécifique des quartiers populaires par remplacement de population et transformation matérielle de la ville.
Cette recomposition sociale est-elle la conséquence directe de la désindustrialisation ?
Anne Clerval. La désindustrialisation a plusieurs facettes. Les grandes villes des anciens pays industrialisés ne sont plus des centres de fabrication, sous-traitée aux pays du Sud, mais elles restent des centres de commandement stratégique (direction, conception, gestion, finance). C’est ce qu’on appelle la métropolisation, une nouvelle division internationale du travail qui entraîne la concentration des emplois très qualifiés dans les villes qui dominent l’économie mondiale. La gentrification en est l’une des conséquences. Mais ces recompositions macroéconomiques ne tombent pas du ciel. Elles résultent de choix politiques.
C’est-à-dire ?
Anne Clerval. L’ouverture des frontières et la libre concurrence ont été mises en place par les États à travers l’Union européenne ou l’OMC. Au niveau local, la désindustrialisation de la région parisienne a été accompagnée par la politique de décentralisation industrielle dès les années 1960, favorisant le contournement par l’espace des bastions ouvriers les plus syndiqués à l’époque. S’en est suivie une volonté de « tertiariser » la capitale dans les années 1970, symbolisée par l’édification de la tour Montparnasse. Pour autant, d’autres politiques publiques ont plutôt retardé la gentrification à Paris. Le contrôle des loyers par la loi de 1948 a freiné la spéculation immobilière jusqu’aux années 1980. Avec une indexation des loyers sur la surface et la qualité des logements et non sur les prix du marché, ce système était autrement plus efficace que celui que promeut actuellement Cécile Duflot à travers le projet de loi Alur. Il explique en grande partie pourquoi la capitale française reste encore peu chère par rapport à des villes comme New York ou Londres. D’autre part, les politiques de rénovation par démolition-reconstruction menées par la mairie de droite dans les années 1980-1990 ont eu un effet ambigu. Si elles avaient pour but de faire des bureaux et d’élever le niveau social de la population, elles ont malgré tout conduit à la construction d’un parc non négligeable de logements sociaux, assurant le maintien d’une partie des classes populaires. Certains îlots de rénovation, comme le quartier Couronnes à Belleville, sont aujourd’hui classés en politique de la ville. Cette politique de rénovation a été abandonnée en 1995 avec le remplacement de Chirac par Tiberi et le passage à gauche de six arrondissements du Nord-Est parisien. À la fin des années 1990, la production de logements sociaux s’effondre et la mairie se lance dans une politique de soutien public à la réhabilitation privée à travers les opérations d’amélioration de l’habitat (Opah). Elle encourage aussi l’embellissement de la ville, y compris des faubourgs, avec la création de pistes cyclables, d’espaces verts, qui accompagnent la gentrification de quartiers comme la Bastille… Encore embryonnaire sous Tiberi, cette politique a été amplifiée par Bertrand Delanoë.
Depuis sa conquête de l’Hôtel de Ville, en 2001, la gauche a pourtant accéléré considérablement la construction de logements sociaux. Lors du dernier mandat, la majorité municipale a même dépassé ses objectifs de construction…
Anne Clerval. Il y a un vrai effort sur le logement social. En termes de budget, il est même difficile de faire mieux, sauf à augmenter les impôts locaux. Le problème, c’est que cette politique ne peut à elle seule lutter contre la gentrification et l’éviction des classes populaires. À Paris, où les terrains libres sont rares, on produit du logement social par la démolition, la réhabilitation de logements insalubres ou le rachat de logements préexistants. Avec ces opérations, on crée des logements plus grands et de bien meilleure qualité, mais, d’un point de vue quantitatif, on réduit le nombre de logements accessibles aux classes populaires. Si rien n’est fait pour garantir l’accessibilité du parc privé aux ménages modestes, 20 ou 25 % de logements sociaux ne suffiront pas quand on sait que les classes populaires représentent 40 % de la population des ménages en Île-de-France.
Anne Hidalgo a repris l’objectif des communistes d’atteindre 30 % de logements sociaux d’ici à 2030. Parallèlement, elle promet un « effort particulier sur les logements intermédiaires pour les classes moyennes et les jeunes actifs ». Les classes moyennes ne sont-elles pas, elles aussi, victimes de la gentrification ?
Anne Clerval. C’est faux. Toutes les statistiques montrent clairement que ce sont les classes populaires qui déclinent le plus à Paris. Contrairement aux idées reçues, les professions intermédiaires sont en progression régulière depuis les années 1980 (autour de 23 % des actifs à Paris aujourd’hui, une part proche de celle de la région et du pays). Les dirigeants PS de la capitale ne cessent de mettre en avant un déficit de familles, sans dire lesquelles. Ils reprennent aussi l’idée de droite selon laquelle Paris serait une ville « des plus aisés et des plus aidés ». Toute leur politique est destinée aux classes moyennes. La lutte contre l’éviction des classes populaires et la gentrification n’a jamais été affichée comme un objectif. Ils préfèrent mettre en avant la mixité sociale, un but à géométrie variable au nom duquel on peut construire à la fois quelques logements sociaux dans les beaux quartiers et des PLS dans les quartiers populaires.
Vous critiquez la mixité sociale, mais n’est-ce pas, finalement, une manière d’éviter une ghettoïsation de certains quartiers, de favoriser le vivre ensemble ?
Anne Clerval. Il faut remettre en cause ces idées toutes faites. Qui peut croire que l’installation de classes moyennes à la Goutte-d’Or va améliorer les conditions de vie des ouvriers et des employés vivant dans ces quartiers ? Proximité spatiale ne signifie pas redistribution des richesses. Elle accroît même, parfois, les difficultés. Les familles populaires installées dans les logements sociaux construits en bas des Champs-Élysées, en plein cœur du 16e arrondissement, pour beaucoup d’origine africaine, se heurtent à un racisme bien plus important qu’ailleurs, et perdent des liens sociaux nécessaires pour résister à la crise. L’éviction et la dispersion des classes populaires vers la périphérie entraînent aussi la perte d’un précieux capital social, des réseaux de solidarité, voire des réseaux militants, particulièrement denses dans la ville-centre et certaines communes de proche banlieue. Aujourd’hui, l’injonction au vivre ensemble et la mixité sociale ont remplacé la lutte des classes. Ce ne sont que les succédanés contemporains de la collaboration de classe et de la justification d’un ordre social inégalitaire prônées par le catholicisme social au XIXe siècle pour concurrencer le socialisme. L’hégémonie de ce discours et l’ethnicisation croissante des questions sociales désarment les classes populaires face à la gentrification, et compliquent le développement d’une solidarité de classe. Il n’y a pas de ghettos, ni de ghettoïsation, mais une paupérisation considérable des classes populaires dans le nouveau régime capitaliste d’accumulation flexible. La concentration spatiale des classes populaires a au contraire été historiquement un support d’émancipation par la révolte et la révolution, comme les quartiers noirs états-uniens ont été la base du mouvement pour les droits civiques : à charge d’une gauche de gauche de prendre au sérieux les ferments actuels de révolte dans ces quartiers au lieu de vouloir les supprimer.
Existe-t-il un contre-modèle pour faire le lien entre les moins fortunés des gentrifieurs, qui votent souvent Front de gauche, et les classes populaires ?
Anne Clerval. Pour cela, il faut d’abord poser la question du mode de production capitaliste de la ville. Pourquoi la capitale exclut-elle autant de personnes ? Parce que la production de la ville n’est pas faite pour satisfaire les besoins des gens. Elle vise d’abord à rentabiliser le capital, à immobiliser au sol les surplus de capitaux pour une rentabilisation ultérieure. La ville est un stabilisateur du capitalisme mondial. Lutter contre le processus de gentrification suppose de remettre en cause le capitalisme. C’est la condition nécessaire à la réappropriation de la ville par tous, et en particulier les classes populaires. Cela rejoint la proposition d’Henri Lefebvre pour le droit à la ville, autrement dit le droit collectif de produire et de gérer la ville, qui oppose la propriété d’usage à la propriété privée lucrative et remet en cause à la fois le pouvoir des propriétaires ou des promoteurs et celui des édiles au profit d’un pouvoir collectif direct.
(1) Paris sans le peuple – la Gentrification de la capitale. Éditions La Découverte, 2013, 24 euros.
Entretien réalisé par Pierre Duquesne
Je reprends ici de larges extraits d'un article de Fakir sur l'action politique de la crème de la crème des Solfériniens au service du grand patronat :
Ce petit matin de février 1993, tout le CAC 40 défile en haut des Champs-Elysées. De leurs voitures avec chauffeurs, descendent Lindsay Owen-Jones (PDG de L’Oréal), Didier Pineau-Valenciennes (Schneider), Vincent Bolloré, Jean Gandois (Péchiney), Louis Schweitzer (Renault), Jean-René Fourtou (Rhône-Poulenc), Bertrand Collomb (Lafarge), François Michelin, Francis Mer (Usinor), Guy Dejouany (Compagnie Générale des Eaux), Serge Tchuruk (Total)…
À l’appel de leur ministre, Dominique Strauss-Kahn , trente-cinq patrons se rendent au siège de Publicis. Et à sa demande, encore, ils acceptent de verser 200 000 F chacun pour son futur « Cercle de l’Industrie ». Avec l’argent des patrons, il fonde ainsi un nouveau cénacle. À partir de septembre 1993, donc, tous les deux mois, une vingtaine de PDG se retrouvent à dîner. Autour de l’ancien ministre, ils rencontrent les commissaires européens, le président de l’OMC, celui de la Commission. Grâce à ce groupe de pression, une première taxe sur le CO2 est repoussée. D’autres directives sont amendées, celles sur l’énergie se font plus libérales.
Qu’y gagne DSK ?
« On lui payait une secrétaire, un chauffeur et un téléphone », se souvient Raymond Lévy, ancien président de Renault et du Cercle. Via des comptes secrets, sa collaboratrice est payée par Elf. Tandis que lui ne touche rien, en apparence : c’est son bénévolat. « Il est sûr que son travail au Cercle a contribué à asseoir sa popularité parmi les patrons », témoigne Bertrand Collomb, le boss des ciments Lafarge.
Et c’est naturellement cet ami du patronat qui sera choisi, en 1997, comme ministre de l’Économie. Et c’est naturellement que DSK mènera une politique pro-patronale : c’est lui qui convainc Lionel Jospin de jouer à fond la carte de l’euro, lui qui privatise les services publics à tout-va, lui qui offre Airbus en cadeau à Lagardère, lui qui diminue la fiscalité sur les stock-options, lui qui réclame des « fonds de pension à la française », etc.
« Perdre les ouvriers, ce n’est pas grave » : voilà la petite phrase que lâchait François Hollande après la fermeture de Florange. C’est qu’à l’Élysée, le président ne s’est pas franchement entouré de prolétaires ni de syndicalistes. Plutôt de financiers… sans doute pour mieux les combattre !
En 2012, François Hollande a ainsi placé à ses côtés Emmanuel Macron , comme « secrétaire général adjoint de la présidence ». Banquier d’affaires pour Rotschild, habitué à fréquenter et à manier les grandes fortunes, c’est lui qui a impulsé le Pacte de responsabilité, le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, avant d’œuvrer comme ministre de l’Économie.
Pour remplacer Emmanuel Macron à l’Élysée, qui François Hollande a-t-il choisi ? Laurence Boone , chef-économiste Europe de Bank of America Merrill Lynch. Rotschild vs Merrill Lynch, c’est une forme de pluralisme…
Et qui était le prédécesseur de Macron à Bercy ? Pierre Moscovici. Vice-président du « Cercle de l’Industrie », il avait pris la relève de DSK à la tête du lobby patronal. C’est donc tout naturellement que François Hollande l’a choisi comme ministre de l’Économie : il avait la confiance des PDG… et avait d’ailleurs épousé « la femme de confiance » d’un PDG, Xavier Niel, patron de Free. Désormais commissaire européen, Moscovici mérite encore toute leur confiance.
Comme « secrétaire général de la présidence de la République », François Hollande a naturellement opté pour son ami de l’Ena, ancien ministre de Nicolas Sarkozy : Jean-Pierre Jouyet . Lui-même marié à Brigitte Taittinger, héritière d’une grande famille française.
C’est ainsi que les dirigeants socialistes sont liés, par mille fibres, par leurs affaires, par leur famille, par leurs amitiés, à l’oligarchie. Plus qu’aux ouvriers…
Je reprends ici de larges extraits d'un article de Loan Nguyen dans L'Humanité du 17 janvier 2017.
Sous le couvert d’évolutions technologiques, les salariés sont de plus en plus nombreux à être confrontés à ces systèmes de contrôle.
Vidéosurveillance, géolocalisation, accès aux e-mails, pointage biométrique… Les pratiques de contrôle des salariés permises par les nouvelles technologies se généralisent de l’industrie au commerce en passant par les services. Le but : améliorer la productivité en faisant la chasse aux temps morts et traquer les erreurs des employés. Plus invisibles et moins coûteuses qu’une armée de contremaîtres, ces technologies participent de la transformation de l’évaluation du temps de travail et de la productivité. Désormais, les employeurs ont en effet la possibilité de contrôler en temps réel le travail de l’ensemble de leurs salariés, et de rationaliser toujours plus les temps considérés comme productifs.
« Lorsqu’un salarié laisse plus de trois minutes s’écouler entre deux scans d’articles, un supérieur vient nous rappeler à l’ordre », affirme Alain Jeault, délégué syndical central CGT chez Amazon, qui explique que bien que certains entrepôts soient grands comme « sept terrains de foot », les temps de déplacement pour aller chercher les articles ne sont pas pris en compte dans ces trois minutes où la scannette des salariés est inactive.
Le système informatique enregistre les« déperditions d’activité »
Chez Renault Trucks, fabricant de poids lourds filiale du groupe Volvo, c’est là aussi le rythme de scannage d’articles jugé insuffisant qui a permis à la direction de licencier mi-juillet deux salariés du secteur pièces de rechange sur le site de Vénissieux-Saint-Priest, en région lyonnaise. Soulignant dans la lettre remise à l’issue d’un entretien disciplinaire le nombre de minutes de « déperdition d’activité » enregistrées jour par jour par le système informatique, les ressources humaines du constructeur ont débarqué les deux opérateurs logistiques pour faute grave. « C’est un outil de travail, pas une pointeuse », rappelle pourtant Emmanuel, l’un des deux ex-salariés concernés et syndiqués chez SUD, qui affirme ne jamais avoir été au courant que leur scannette servait à mesurer leur rythme de travail.
Un dispositif de géolocalisation que les salariés doivent porter sur eux
Chez Mediapost, si le système de surveillance est bien visible et connu des salariés, il n’en est pas moins problématique. « Si on reste trop longtemps sur un secteur ou si on en sort pour aller aux toilettes de l’autre côté de la rue, notre boîtier de géolocalisation envoie une alerte », affirme Jacqueline Saillant, déléguée syndicale régionale Pays de la Loire du syndicat SUD dans cette filiale privée de La Poste. L’entreprise spécialisée dans la distribution d’imprimés en boîtes aux lettres a mis en place en 2015 un dispositif de géolocalisation nommé Distrio, que les salariés doivent porter sur eux pendant leur tournée. Destiné à calculer le temps réel de travail des distributeurs pour remplacer le système de « préquantification » antérieur qui rémunérait les salariés de manière forfaitaire, ce système permet à la direction de suivre les salariés à la trace. Mediapost assure que son boîtier de géolocalisation Distrio peut être désactivé par les salariés, mais ceux-ci en doutent. « Mon supérieur m’a dit un jour : “Tu es allée faire tes courses à Carrefour Market à telle heure” », rapporte Claudine Bringart, déléguée syndicale centrale CFDT chez Mediapost, qui reste favorable au dispositif.
En fait, Distrio ne sert pas simplement à enregistrer le temps de travail de manière neutre, mais bien à vérifier que la durée de chaque tâche est conforme aux temps de référence très précis définis par Mediapost. La CFDT, signataire de l’accord permettant la mise en place du boîtier de géolocalisation, nie également l’idée selon laquelle ce système servirait à sanctionner les salariés. Mais SUD affirme que les pressions sont fortes sur les salariés qui mettraient trop de temps à faire leur tournée.
Au-delà de cette problématique, l’adoption du Distrio a eu pour effet de porter quelque peu atteinte à l’autonomie des distributeurs. À l’origine conçu comme un job d’appoint pour des retraités modestes, des étudiants ou des travailleurs handicapés, qui pouvaient effectuer leurs tournées un peu quand ils le souhaitaient, la distribution d’imprimés est désormais soumise à des schémas d’organisation plus rigides, puisque les salariés doivent respecter des amplitudes horaires, ne pas travailler ni en soirée ni le week-end. Malgré deux procédures devant le tribunal de grande instance de Lyon puis en appel, SUD a été débouté, la justice estimant que le dispositif était proportionné au but recherché d’enregistrement du temps de travail.
Les représentants du personnel confrontés au manque de connaissance de ces dispositifs
Pour Jérôme Vivenza, membre de la direction confédérale de la CGT qui planche sur les questions du numérique, s’il est difficile d’avoir une idée de l’ampleur du phénomène de surveillance technologique, « beaucoup de salariés sont surveillés sans le savoir ». « Dans les grosses boîtes où il y a une implantation syndicale, c’est plus facile de détecter des pratiques de flicage et de régler le problème que dans des petites entreprises », estime le syndicaliste. L’un des problèmes auxquels se retrouvent confrontés les représentants du personnel face à ces nouvelles technologies est le manque de connaissance de ces dispositifs technologiques et le risque que ceux-ci peuvent représenter.
Face à ces risques et aux abus potentiels des employeurs, les salariés se tournent d’ailleurs de plus en plus vers la Cnil (Commission nationale informatique et libertés), instance chargée de vérifier la régularité de ces dispositifs. En 2015, l’autorité administrative indépendante a enregistré environ 1 200 plaintes concernant des recueils ou traitement de données individuelles de salariés, soit 16 % du total des plaintes, un nombre en constante augmentation. Mais globalement, seulement 15 % de celles-ci donnent lieu à un contrôle de l’organisme de protection de la vie privée. Au final, sur les dix sanctions prononcées par la Cnil en 2015, aucune ne concerne le lieu de travail. « Les conflits liés au management se règlent plutôt aux prud’hommes », admet d’ailleurs une porte-parole de l’institution, qui rappelle que la Cnil ne dispose que d’une dizaine de contrôleurs.