Quand j’étais enfant dans le Pas-de-Calais, dans les
années cinquante et soixante, on disait que, dans le département de l’Oise, il y avait plus d’inceste qu'ailleurs. On associait généralement ce comportement pervers à l’alcoolisme et l’on
sous-entendait que ces malheurs frappaient des familles modestes. Je n’ai jamais su si cette rumeur était fondée ou pas et je n’ai aucun moyen aujourd’hui de savoir si ce département picard a
battu – et bat peut-être encore – des records en la matière.
En 1971, je fus, comme tout le monde, sidéré par le film de Louis Malle Le Souffle au
cœur, qui non seulement raconte une histoire d’inceste dans la bonne bourgeoisie, entre une mère et son fils, mais qui le fait sans jugement moral, avec
une relation qui s’installe doucement, naturellement, entre cette mère qui a, par ailleurs des aventures extraconjugales, et ce fils, dont il est clair que son éducation sexuelle a beaucoup
progressé au contact des religieux du collège qu’il fréquente.
Il s’est tenu ces jours derniers à Amiens le procès d’une relation incestueuse sortant, semble-t-il, de
l’ordinaire. Un père, résidant dans l’Oise, était accusé de viol aggravé sur ses deux filles (aujourd’hui âgées de 31 et 29 ans) qui, pour l’une d’entre elles, revendiquait son consentement et
son amour pour son père. À l’époque des faits, les filles avaient respectivement 18 et 16 ans. L’une des deux filles vit toujours en concubinage avec son père, dont elle a un enfant. La mère des
deux filles était également accusée de « complicité de viol aggravé sur mineur de 15 ans et de non dénonciation ». Selon le témoignage d’une des deux filles, elle tenait un emploi du temps pour
savoir qui coucherait avec le père et quand. En mai 2011, la cour d’assises de l’Oise condamna le père à 8 ans de prison et la mère à 5 ans.
Par parenthèse, je n’ai pas entendu la hiérarchie catholique se prononcer sur ce cas de figure, polarisée
qu’elle était par le mariage pour homosexuels. Et pourtant, les relations sexuelles entre adultes et enfants, elle connaît bien.
Pas d’alcoolisme, pas de misère, pas de violence dans cette famille ordinaire, parfaitement insérée et vivant
dans une coquette maison près de Compiègne. Le père gagnait très bien sa vie. Ce père était défendu par Mes Berton et Delarue, qui, vu la situation, trouvèrent un allié dans l’avocat des parties
civiles Me Dupont Moretti (link).
On n’aurait jamais rien su de ce qui se passait dans ce cocon si le père de famille ne s'était pas montré
violent envers l'une de ses filles. À 19 ans, celle-ci quitta le domicile et décrivit à la police les relations sexuelles bihebdomadaires imposées par son père. Elle expliqua s’être retrouvée
enceinte à trois reprises, ses grossesses étant interrompues par deux avortement et une fausse couche. Selon la police, la mère, non seulement ne se voila pas la face, mais initia ses filles en
ayant des relations sexuelles avec son mari en leur présence. À l'issue de la détention provisoire du père de famille, qui dura presque deux ans, les versions des membres de cette famille
s’accordèrent, chacun niant les viols.
Une petite sœur, âgée alors de 5 ans, échappa à cette perversion sexuelle, mais elle eut parfaitement
conscience de l’inceste familial, ayant assisté à certaines relations sexuelles.
Lors de leur premier procès devant la cour d'assises de l'Oise le père de famille fut condamné à huit ans de
prison, et sa femme à 5 ans.
Dans notre pays, coucher avec son frère, sa mère, sa fille, son oncle ou sa grand-mère n’est pas interdit tant
que la relation est consentie et n’implique pas un majeur et un mineur. Ça l'est, par exemple, en Allemagne où un homme a été récemment condamné pour avoir eu quatre enfants avec sa sœur, alors
qu'ils n'avaient pas été élevés ensemble et s'étaient connus à l'âge adulte (link).
Un mineur consentant de 15 à 18 ans peut entretenir des relations sexuelles avec une personne
majeure à condition que cette personne n'ait pas autorité sur lui – ascendant légitime, naturel ou adoptif ou toute autre personne ayant autorité sur lui (professeur, animateur…).
Légalement, la prohibition de l’inceste vise à empêcher la reproduction au sein de la famille
nucléaire. Les articles 161 à 164 du code civil* interdisent le mariage entre les ascendants et descendants, les frères et sœurs, les oncle et tante, les
neveu et nièce. Le mariage est également interdit entre beau-père et belle-fille, entre et belle-mère et gendre (après décès du précédent conjoint ou divorce). Le mariage est donc interdit entre
personnes liées par le sang, ou entre personnes très proches et dès lors assimilables. En revanche, le mariage entre cousins, quel que soit le degré de parenté, est bien autorisé. Les mêmes
interdits s’appliquent au pacs et s’appliqueront au mariage pour tous.
En 2004, la Cour de cassation a refusé qu’un homme adopte la fille qu’il avait eue avec sa demi-sœur en 1990.
La filiation d’un enfant incestueux ne peut être établie qu’envers sa mère. L'article 310-2 du code civil est très clair : « S’il existe entre les père et mère de l’enfant un
des empêchements à mariage pour cause de parenté, la filiation étant établie à l’égard de l’un, il est interdit de l’établir à l’égard de l’autre. »
Le fruit de l’inceste picard, un inceste « absolu », n’a légalement qu’un seul parent : sa
mère. La législation française estime qu’il vaut mieux pour l’enfant incestueux que l’origine de sa filiation reste cachée. Elle interdit donc qu’il soit reconnu par ses deux parents. La
jurisprudence empêche clairement qu’on utilise l’adoption pour contourner cette interdiction.
La cour d'assises de la Somme a condamné le père et la mère à deux ans de prison ferme, une peine
qui couvre la détention préventive. « Une décision, remplie d'humanité », a dit Me Frank Berton, l'avocat du père. « L'important, pour nous, était que cette famille qui s'est
reconstruite ne soit pas à nouveau détruite par la prison. » Le couple père-fille a donc retrouvé son enfant. Quant à la mère, elle est repartie seule, comme elle était venue.
*
En ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même
ligne.
Néanmoins, il est loisible au Président de la République de lever, pour des causes graves, les
prohibitions portées :
1° par l'article 161 aux mariages entre alliés en ligne directe lorsque la personne qui a créé l'alliance est décédée
;
2° (abrogé) ;
3° par l'article 163 aux mariages entre l'oncle et la nièce, la tante et le neveu.