Toujours se méfier de ce qui est popularisé par l’Empire zunien. Ainsi les expressions « race caucasienne », « type caucasien ».
Pour l’anthropologie moderne – disons depuis les travaux de Lévi-Strauss – il n’y a pas de race. Il n’existe qu’un genre humain, avec des différences de surface et, surtout, des perceptions différentes. En 1978, je résidais en Côte d’Ivoire. Ma femme et ma fille âgée de trois ans étaient blondes comme les blés, et moi châtain clair. Un jour, ma fille me dit que je n’étais pas blanc, parce que, d’une part, elle confondait « blond » et « blanc » et que, d’autre part, elle me percevait comme plus proche de tous les Africains qui nous entouraient que de sa mère et d’elle.
L’utilisation du terme « caucasien » est une aberration qui, aujourd’hui, nous vient des États-Unis, et qui est désormais reprise sans vergogne et en pleine connerie par la police et la justice française. Et bien sûr par les médias.
Au XIXe siècle, les anthropologues utilisaient le terme « caucasien » (ou « europoïde) pour désigner des populations d’Europe, d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et d’Asie du Sud. Cette typologie a fait long feu chez nous, mais pas aux États-Unis où le terme « caucasien » signifie juridiquement parlant « race blanche » ou « d’origine européenne ». Outre-Atlantique, le terme « leucoderme » (peau blanche) a pu être employé par des scientifiques, mais aussi dans des développements à vocation raciste. De nos jours, en effet, le concept de race est un concept politique, à la rigueur social.
Les évolutions à l’intérieur du genre humain ont été conditionnées par des nécessités d’adaptation. Par exemple, lors de la dernière période glaciaire (40-50 000 ans), quand l’Europe et l’Asie ont été colonisées par des humains venant du Sud, la peau s’est éclaircie pour des raisons de captation de bonnes vitamines et d’exposition aux ultra-violets.
L’utilisation du terme « caucasien » date de la fin du XVIIIe siècle lorsque l’anthropologue Johann Friedrich Blumenbach divise le genre humain en cinq races : les Caucasiens (les Blancs), les Mongols (les Jaunes), les Malais (les Marron), les Éthiopiens (les Noirs), les « Américains » (les Rouges). Pour Blumenbach, la race caucasienne était la première, dans les deux sens du terme. Ce, depuis Noé, son arche amarrée près du monde Ararat, à la frontière entre la Turquie et l’Arménie. Plus tard, Jupiter enchaînera Prométhée à un rocher dans les montagnes du Caucase. Pour le scientifique allemand, les crânes des Géorgiens étaient l’illustration parfaite de la race blanche. Blumenbach fonda la théorie dégénérationniste selon laquelle les humains proviennent d’une souche unique et que les différences sont dues à des modifications climatiques réversibles. Contemporain d’Emmanuel Kant et ayant eu connaissance de ses traités sur les races humaines (Von den verschiedenen Rassen der Menschen), Blumenbach va réviser ses positions vers 1790 en admettant que certaines différences phénotypiques pourraient être irréversibles. Dans les pas de Kant (et de Buffon), il reconnaît qu’il ne peut y avoir une séparation radicale entre une race et les autres, qu’aucune race n’a la préséance sur les autres, qu’aucune race ne peut revendiquer à elle seule la qualité d’être humain – en réduisant les autres à l’indignité de l’esclavage – et que, comme le métissage, la fécondation entre races est possible, les humains ne forment qu’une seule espèce ayant la même origine.
En rédigeant leurs PV, les flics français — mais aussi les militants d’une certaine cause noire plus que douteuse – feraient bien de garder cela à l’esprit.