« Les radars ne servent à rien » ? Que nenni ! Ils servent effectivement à quelque chose, mais pas à faire chuter le nombre de morts sur les routes ou à rendre les Français meilleurs conducteurs. Pour ce qui me concerne : 56 ans de permis, plus d’un million de kilomètres, jamais d’accident, conduite pépère d’une C1.
Cela fait 70 ans qu’il y a deux fois moins d’accidents en Angleterre qu’en France. Pendant 50 ans, sans radar. Autre culture, autres comportements au volant. Aujourd’hui, un Anglais habitant à Londres et travaillant dans cette ville peut être filmé environ 300 fois en 12 heures. Cela n’a, bien entendu, pas empêché les attentats terroristes, le banditisme, petit ou grand. Ce flicage télévisuel permet au mieux aux forces de l’ordre d’arrêter plus vite les coupables. C'est tout. Il permet surtout à quelques industriels de s’en mettre plein les poches en fournissant ces produits de haute technicité très coûteux. De même, il y a quarante ans, on a vu rendre quasiment obligatoire (sinon les assurances se dégageaient) la fixation d’alarmes sur les résidences individuelles alors que le chiffre des cambriolages n’avait pas bougé. Les bénéfices engrangés par quelques amis de Thatcher ont été fulgurants. Si vous voulez avoir une idée de la raison pour laquelle ce pays démocratique est devenu l’un des plus fliqués au monde, je vous renvoie à un livre que j’ai publié en 2001 sur la censure au Royaume-Uni.
Un mot sur la Suède et le chef-d'oeuvre de Stieg Larsson Millenium. Une des thèses de ce livre est que ce paradis de la social-démocratie a une police d’enfer (ce que je savais personnellement depuis mes années d’étudiant dans les années soixante), dont le seul échec a été, comme par hasard, de ne surtout pas retrouver l’assassin de leur Premier ministre. Dans ce pays de faible densité démographique et où les conducteurs se traînent à 70 à l’heure, il y a des caméras et des radars à profusion.
Nos classes dirigeantes n’ont pas attendu les twin towers pour instaurer ce qu’un essayiste a appelé la « terrorisation démocratique ». Depuis 35 ans, en France, les conditions de séjour des étrangers sont intimement liées aux mesures antiterroristes. Les mesures de rétention, d’expulsion, les mariages mixtes servent à intimider un volant de travailleurs dont le système a besoin. C’est à cela que servent les radars : faire tomber des sous dans la caisse, et surtout installer en chacun de nous le sentiment de la faute. Tenez, un exemple qui n’a rien à voir, mais tout se tient : dans l’université française, au moins la moitié des enseignants remplacent les cours qui tombent durant les jours statutaires de congé du style lundi de pâques ou 1er mai. Bénéficier d’un congé légal, statutaire est une faute. Manifester pacifiquement aujourd’hui en Europe peut être considéré comme un acte terroriste si le but est considéré comme tel. Ainsi une manifestation dirigée contre les institutions européennes (mettons la BCE) peut être jugée comme un acte terroriste. Pendant qu'on s'occupe des "chauffards" (1 point de permis parce que vous avez roulé à 36 dans une zone limitée à 30), on ne s'occupe pas des milliers d'accidents du travail (d'autant que le Code du Travail est de plus en plus favorable au patronat). Un de mes amis (50 ans) est en train de mourir d'un cancer de la plèvre. Il a été un peu trop exposé à l'amiante. Je vous donne en mille où il travaillait : à France Télécom. Il y a quelques temps, à Toulouse, trois jeunes beurs ont pris une allée tranquille à 1 heure du matin, à 130 à l’heure. Un platane : trois morts. La police a eu une idée géniale : comme on ne pouvait pas lui demander de trouver les raisons complexes pour lesquelles, dans un quartier de Toulouse où le chômage atteint 30%, des jeunes pouvaient faire du rodéo de la sorte, ils ont installé un radar dernier cri, caché dans un arbre, à l’endroit précis de l’accident dramatique. Juste au-dessus des fleurs déposées par les amis des victimes. C'est d'un goût ! En ce lieu, il est très difficile, vu la circulation, de dépasser 50 à l’heure dans la journée. Non seulement les flics ne rendront pas la vie à ces trois hurluberlus, mais ils ont lancé un signal fort, comme on dit, à la communauté à laquelle ils appartenaient.
Le statut des contraventions est étrange. Le délit de vitesse est sanctionné automatiquement, comme si l’automobiliste était étranger à l’état de droit. La conséquence perverse de cette situation étant que quantités de gens roulent sans permis, pour ne pas parler de ceux qui roulent sans assurance. Le flicage a créé un surcroît de délinquance.
Terminons sur une dernière nouvelle : le tarif des amendes a fortement augmenté en juillet 2010. Les excès de vitesse peuvent occasionner 6 points de retrait et 1500 euros d’amende. On risque deux points pour usage du téléphone au volant. De même si l’on accélère ou si l’on refuse de serrer à droite parce qu’on veut empêcher un dépassement. Autant la première infraction est bénigne, autant la seconde peut être mortelle. De fausses plaques d’immatriculation seront passibles de 5 ans de prison. Mais une fuite après un accident ne sera passible que de deux ans de prison, tout comme le fait d’avoir causé des blessures involontaires. Le droit de propriété est plus important que l’intégrité des personnes. Tout se tient dans notre société chaque jour plus fliquée et plus financiarisée.